Le Sarkozy nouveau est donc arrivé, et c'est un démagogue.
De quoi s'agit-il ? De cette fameuse "prime aux dividendes", lancée sur le marché quelques jours après le 1° avril, et qui devient - malgré la
stupidité du propos - un point d'appui de la communication gouvernementale, voire un nouveau canon de la pensée économique et capitalo-collectiviste de la pensée libérale réformée par nos si
excellentes excellences. D'une idée grotesque (que l'on aurait pu croire celle d'un adolescent boutonneux emporté par la valse endiablée de ses hormones et peut-être un peu par les effluves
d'herbes fumantes, qui, par provocation comme c'est l'usage pendant l'âge ingrat, sort une énormité à la fois pour faire enrager les gens sensés, et pour s'épater lui-même), le chef de
l'État, celui que, en 2007, les milieux responsables ont pris pour un rempart contre l'air du temps et ses pollutions intellectuelles est en train de se vautrer dans la plus basse
démagogie, avec l'attitude du vendeur de cravates à la sauvette qui lui est familière. Seulement, lui, s'il vend des cravates à la sauvette, c'est en klaxonnant. C'est dire si le désordre
règne dans les esprits.
Ainsi, M. Sarkozy annonce triomphalement qu'il ne cédera pas sur la "prime contre dividendes".
La question n'est pas de savoir s'il cédera ou ne cédera pas. La tenue de route de M. Sarkozy sera forcément celle à laquelle il nous a habitué,
notamment pour le bouclier fiscal, et, en réalité, en s'en fout. Il y a longtemps que ce que dit M. Sarkozy n'a plus le moindre intérêt, en tout cas pour ce qui est de la considération que
l'on peut apporter à son propos. Néanmoisn il dispose de l'autorité, et il en use selon son inspiration et celle de ses conseillers, pour tout ce qu'il engage urbi et orbi, et les démocrates
savent que la démocratie consiste à subir respectueusement l'autorité ce que l'on a soi-même désignée. Sur ce point particulier, le bouillon a été servi il y a bien longtemps. Ce qui est
grave, c'est qu'un homme que l'on prenait jusque-là pour un homme intelligent puisse - sans rire - se servir d'une idée dont la débilité n'est un secret pour personne (à partir du niveau bac
- 5) pour en faire une question de principe. Alors que les triomphe des démagogies est passager et que les ruines en sont éternelles, on voit - devant tout le monde - une saillie infantile
qui a tout juste une semaine devenir le pilier de la politique sociale de ce nouvel... économiste que le monde entier serait sur le point de nous envier. À croire que M. Sarkozy prend "les
propriétaires" pour des sortes de Khadafi dont il aurait - dans un de ces délires caligulesques charmants dont il devient de plus en plus coutumier - juré la perte. Est-ce la raison pour
laquelle, M. Sarkozy, subitement, se met à prendre le camp salarial pour un genre de CNT (Comité Nationale de Transition) avec qui il entend traiter du droit des affaires ? Tout cela ne peut
pas être pris au sérieux, même si, contre toute évidence, M. Sarkozy est tout ce qu'il y a de plus sérieux dans sa communication.
Que dit M. Sarkozy ? Qu'il tient au "partage des valeurs" !
Tous les gens sensés aussi, évidemment. C'est pourquoi il faut s'attendre à ce que les gens censés rendent à César ce qui est à César.
Concrètement, il faut s'attendre puisqu'il est question de partage de valeurs, à une évaluation de M. Sarkozy. Une fois admise la juste valeur de celui-ci, et en partant de ce principe qu'il
a lui-même exposé, il ne saurait être question qu'il ne partage pas le sort de ceux qui ne comprennent pas très bien ce qu'ils disent, ou, pire, de ceux qui font de l'irresponsabilité une
valeur. Autrement dit, il faut s'attendre à ce que les gens sensés profitent de l'opportunité du scrutin de 2012 pour éloigner des responsabilités quelqu'un, qui, visiblement, ne dispose plus
du discernement nécessaire pour présider aux destinées d'un pays comme la France. Simple question de valeur !
Le 14 avril 1912, l'insubmersible Titanic connaissait le sort que connaissent généralement tous ceux qui sont pas capables de différencier
qualité de l'outil et qualité du pilotage.
Le 12 avril 2011, du cerveau de M. François Baroin - un malin, celui-là (au sens étymologique du terme, évidemment) - se détachait un bloc de
slogans, qui, deux jours plus tard, par la magie de la déraison galopante, se plaçait comme un énorme iceberg sur la route de M. Sarkozy, dont de nombreux observateurs connaissent
le côté un peu chien fou devant un nonos : pris, comme l'ont observé les plus attentifs, par cet irrésistible élan jaculatoire qui l'anime depuis que l'ivresse des sommets a altéré
son jugement, M. Sarkozy se dirige droit sur l'iceberg. Veut-il couler la France, ou sa présidence ? Nul ne le sait. Mais M. Sarkozy, une fois de plus, est en proie au syndrome G.G.
(Giscard-Gadget). Tout comme le G.G. (Génial-Giscard), il est persuadé d'être en en possession de la pierre philosophale. Alors il s'enfonce un peu plus - aujourd'hui plus qu'hier et bien
moins que demain - dans l'estime des Français. Tel ce magnifique Titanic dont la traversée promettait d'être si glorieuse, Toupetitanic s'enfonce inexorablement. Nombreux sont ceux qui
pensent que Toupetitanic est donc à évacuer d'urgence.
Alors, le Sarkozy nouveau est-il vraiment arrivé ?
Sorti du bois, plutôt.
Au moins Sarkozy sème-t-il, ici les graines de la détermination. Certes, à chaud, on dit des choses que l'on oublie ensuite. En tout cas,
nombreux sont ceux qui, à chaud, se disent à leur tour qu'ils ne céderont pas ; qu'ils ne céderont pas à leur résolution d'évacuer Sarkozy à la prochaine présidentielle. En matière de partage
de valeurs, de plus en plus nombreux sont ceux qui préfèrent déjà le prochain Président de la République, quel qu'il soit, à celui qui déçoit. Somme toute, M. Sarkozy, s'inscrit dans la
droite ligne de ses prédécesseurs dont il a réussi à synthétiser le principal défaut de chacun.
La preuve est faite que la plupart des candidats de droite sont des bombes de gauche à retardement : en votant Giscard en 1974, les Français ont
élu Mitterrand en 1981. En votant Chirac en 1995, les Français ont nommé Jospin premier ministre en 1997. En revotant Chirac en 2002, les Français ont enlisé la France dans le compromis (en
deux mots) et définitivement détruit toute chance que le moindre talent puisse s'exprimer en dehors de l'opportunisme polymorphe du politiquement correct. En votant Sarkozy en 2007, les
Français - ceux qui croyaient à une traversée placée sous le signe de la performance - sont en train de trouver à François Hollande une tête de canot de sauvetage, sans la moindre illusion
sur leurs bagages qu'ils savent perdus.
En résumé, quand on a trois sous de jugeote, et en l'état actuel du parcours présidentiel, on ne peut dire que : bravo, M. Sarkozy, et
merci, surtout !
André Derviche.
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