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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

La pensée du jour ( 14/10/09 ) : Virgile.

La pensée du jour. 



Virgile.

 

( C'est en 1963 que je lus le beau livre de Jacques Perret, professeur à la Sorbonne, spécialiste de littérature latine, et, ce qui ne va pas de soi, écrivain de grande classe. D'emblée, je fus saisi par la première page de ce livre, et bientôt par tout le reste. Peu d'années auparavant, vers mes seize ou dix-sept ans, j'avais été subjugué par la lecture du roman de Jean Carrère : La fin d'Atlantis, ou le grand Soir ( qui vient d'être réédité dans la collection Omnibus, -et qui résiste parfaitement à la lecture d'un Scrutateur....cinquante ans après!-, dans une anthologie titrée « Atlantides, les îles englouties »). Le livre est beau. Sa leçon retentit toujours, maintes fois répétées : « Tu tournes toi-même la roue du destin ». Hélas! La mer cruelle, l'insouciance et la légèreté des Atlantes les conduisirent à la catastrophe. A la leçon de Virgile, je soucris au contraire, de tout mon être, de toute son âme. Edouard Boulogne).



« Tandis qu'auprès d'eux tout s'écroule, il est des esprits, quelquefois, qui ne peuvent cesser d'espérer, mieux : d'affirmer. Ce n'est pas l'enthousiasme du prophète ; c'est la sécurité du voyant.

Plus rarement encore, il arrive qu'à ce voyant l'histoire donne, fût-ce pour quelque temps, raison : Virgile, né et grandi dans les plus sombres années de Rome, a vu de son vivant s'instaurer, s'affirmer, par le règne rayonnant d'Auguste, l'âge d'or qu'il avait toujours annoncé. Il a vu, dans l'univers réconcilié, s'ouvrir cette ère de plusieurs siècles où s'affirma, au-dehors et au-dedans, la paix immuable, féconde, bénéfique, la paix romaine.

D'ordinaire, la réalisation de ce qu'il a annoncé disqualifie le voyant comme voyant : puisque les choses ont été telles, disons-nous, il n'a sans doute pas eu grand mérite à les annoncer. Virgile n'échappe pas complètement à cette disgrâce ; on lui en voudrait, presque, d'avoir vu clair.

Mais voici où son cas apparaît décidément tout à fait rare : Auguste, son âge d'or et la paix romaine, ont disparu maintenant. Ils n'ont été dans l'immense histoire qu'un moment, malgré tout. Et pourtant l'annonce qui en a été faite nous semble demeurer toujours ; comme si la réalisation immédiate qu'elle avait premièrement pour objet n'en avait pas épuisé la substance. Il nous semble, il semble à beaucoup de ceux qui depuis quinze cents ans réfléchissent sur ces choses, que l'affirmation de Virgile portait au-delà, que lui-même, le sachant, ne le sachant pas, voyait plus loin.

Qu'a-t-il donc vu, qu'annonçait-il, qu'a-t-il saisi que nous-mêmes, avec deux mille ans en plus, n'entrevoyons qu'à grand-peine ? Il reste pour nous tel que l'a déduit et restitué le peintre du Romanus : entre son pupitre et cette sorte de carton à chapeaux où les gens de ce temps-là rangeaient leurs papiers, il est comme arc-bouté dans son fauteuil, tout le visage tendu dans son regard. Non pas les yeux perdus dans le vide ou qu'assiége l'horreur. C'est nous devant lui, c'est le monde qu'il regarde ; il semble discerner au travers quelque être réel et qui ne l'épouvante pas ».


Jacques Perret.

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