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26 Janvier 2009
Ernest Pépin, bouche d'ombres.
J'ai publié hier, sous le titre Ernest Pépin bouche d'or, une lettre adressée par l'écrivain à ses
compatriotes, donc à moi, précédée d'une brève introduction dans laquelle je saluais l'homme de talent, de bonne volonté, et dans laquelle je disais mon accord avec l'esprit du message, sans
souscrire toutefois à toutes ses déclarations.
Je voudrais aujourd'hui, sous le titre « la bouche d'ombres » (au pluriel, et non au singulier comme le célèbre poème de Victor Hugo dans Les Contemplations), revenir, aussi brièvement
que je le pourrai sur un sujet qui appellerait de plus grands développements (mais l'on pourra en reparler plus tard, quand les rumeurs du forum seront retombées), sur quelques opinions de ce
texte, qui, à mes yeux sont contestables, ou appellent à la discussion.
M.Pépin s'insurge avec raison contre l'irrationnalité des « évènements » en cours.
Dans un texte sévère pour la Guadeloupe, peut-être trop comme le souligne M.Jean-Claude Halley dans
un commentaire (voir ci-contre, et son propre blog Guadeloupe attitude), il déplore que nous soyons « une somme de revendications syndicales obsessionnellement tournées vers les questions
salariales (....) et en guerre contre le patronat ».
Or cela n'est vrai que dans une certaine mesure. Sans entrer dans de trop longues analyses qui excéderaient le cadre de cet article , il est permis de faire observer que dans de très nombreuses
entreprises guadeloupéennes, les relations entre les employés, ouvriers, etc, et les patrons, sont excellentes. Sauf quand s'y mêle un certain syndicalisme qui n'a de syndical que le nom, et qui
est en réalité, un syndicalisme de combat, de lutte de classes ... et de races, comme le verbalisme en cours de déchainement du LKP. Et que l'on ne me dise pas que c'est parce que le patronat
serait exclusivement blanc créole ou béké, car il y a longtemps que ce n'est plus conforme à la réalité.
D'ailleurs, monsieur Pépin en convient volontiers.
« Nous sommes un petit pays » dit-il, aussi par ailleurs, sans qu'on puisse le soupçonner de mépriser la Guadeloupe. Et de fait, notre île est environ 16000 fois plus petite que les USA
que préside B.Obama, 500 fois plus petite que la France métropolitaine. Ce rappel est utile pour les Pichrocole, qui nous « turbulent » ces jours-ci, avec leur délire de grandeur,
notamment.
Ernest Pépin appelle à dépasser (non à oublier) l'esclavage, à se libérer des interminables débats sur la négritude, la créolité, etc. A se « libérer », non à nier ses appartenances
ethniques. Comment ne pas lui donner raison ici encore. Je me bornerai à faire remarquer que dans « le peuple » comme on dit l'immense majorité des gens en sont d'accord aussi.
Interrogés sur ce thème de l'esclavage lors d'une des nombreuses « commémorations », beaucoup se sentent gênés, agacés. « An nou fini évé ça » (finissons-en avec ce
ressassement) répondent-t-ils généralement. Mais les « commémorateurs », ces pseudos intellectuels, ne l'entendent pas de cette oreille. Affamés de notoriété et de pouvoir, désespérés
de ne pouvoir y accéder par leur propres talents, ils cherchent, par la méthode dialectique patiemment mise au point par le marxisme-léninisme, à ressusciter des ressentiments, à faire resurgir
des plaies en voie de cautérisation, à les exciter, en y jetant les miasmes délétères de leur névrose personnelle. Les « aliénés » ne sont pas où l'on croit.
Il y a un passage de la lettre que je vais citer intégralement, car il me parait intéressant :
« Je constate que nous nous noyons dans le puits de la consommation. Les panneaux publicitaires fleurissent. Les voitures de
luxe encombrent les routes. Les gadgets de toutes sortes tiennent lieu d’accès à la modernité. La modernité est un mot
terrible. Cela fonctionne comme une machine à broyer le passé, la culture (reléguée au rang de tradition !), les manières de penser,
de faire et de vivre. Nous voulons être en première classe sans nous soucier de la destination du
train. Moi, j’ai envie de crier : construisons les rails, construisons le train, construisons la gare ». (c'est le Scrutateur qui souligne).
L'auteur est trop intelligent pour prendre Haïti comme contre modèle.
Je ne crois donc pas me tromper en pensant qu'Ernest Pépin en critiquant la modernité ne récuse pas le frigidaire et la machine à laver, encore moins les progrès de la technique médicale, ou les
modes de conservation des aliments.
Quand il critique la « modernité », c'est d'une façon de voir le monde, qui est née dès le XVIè siècle, qui a atteint son apogée au dix-huitième siècle, dont la « philosophie des
lumières » est, même si beaucoup de gens n'en ont pas encore pris une pleine conscience, la matrice essentielle.
Comme l'a écrit dans son Introduction à la politique un universitaire contemporain
M. Philippe Beneton (P-U-F) : « La modernité rejette comme irréaliste et néfaste toute la tradition antérieure(...) Ce rejet s'appuie sur ... l'esprit moderne... qui travaille à
l'émancipation de la volonté ». (J'ai, pour les lecteurs que cela intéresserait, approfondi ces questions dans un ouvrage Libres paroles,
disponible dans les Boutiques de la presse).
« L'émancipation de la volonté contre la tradition », mais c'est du Pépin cela.
Je ne sais si l'auteur me suivra sur ce point, mais la religion fait parti(entre autres choses) de la tradition. En France, et en Guadeloupe, partie substantielle de la France, ce n'est que trop vrai. Au WTC, samedi, Domota n' a pu s'empêcher de décocher une flèche à l'Eglise.
Il n'en est pas de même aux USA, dont tous les défauts n'empèchent pas un fond traditionnel religieux, qui est le ciment de cette nation et qui a permis cette passation des pouvoirs entre Obama et GW.Bush, impressionnante de sérénité, les yeux fermés, les têtes méditantes, de ces hommes devant la nation silencieuse et pensive. Nous avons oublié cela en France, et en Guadeloupe. C'est le drame. Voyez l'attitude provocatrice, arrogante, suffisante des Elie Domota, des Fleming, des Alain Plaisir, ces petits mecs qui se prennent pour des grands chefs et qui vont connaître, bientôt, l'étendue de leur vanité.
Je voudrais conclure aujourd'hui, parce qu'on ne peut parler en une fois de tous les sujets soulevés par notre
écrivain.
Il dit que nous sommes de piètres pères et mères de famille, de piètres chefs d'entreprises.
C'est un point de vue discutable. La Guadeloupe n'est pas « foutue ». Les familles sont « turbulées » comme la barque des disciples sur le lac de Tibériade. J'en connais qui
résistent trouvant dans leur coeur et leur intelligence, de quoi lutter contre les méfaits d'une certaine « modernité » dont, Ernest Pépin, vous voyez les aspects délétères, sans
peut-être en apercevoir les fondements métaphysiques. Voyons, Ernest, « homme de peu de foi » reprenez vous! Replogez vous sans la tradition, chrétienne. Of course!
Idem, pour les chefs d'entreprises, je pourrais vous en citer de nombreux qui réussissent, dans tous les groupes ethniques, et bien
sûr patmi les blancs créoles et les békés. Mais ce n'est point à eux, en tant que tels, de poser les conditions idéales du « chant » pour vivre bien ensemble dont je rêve avec
vous.
Mais sans eux la Guadeloupe n'existerait pas. Il y a bientôt quatre siècles que ces gens là ont créé les infrastructures indispensables, les « trains » au sens métaphorique que vous
avez utilisé? Reste la Gare, c'est à dire la finalité? Ce n'est pas du domaine des chefs d'entreprise (en tant que tels).
Ici doivent oeuvrer les hommes de l'esprit, écrivains, poètes, philosophes, religieux, oui, religieux. « In God we trust » .
Or vous savez, pour évoluer dans ce milieux des « intellos », des « politiques » guadeloupéens qui est le vôtre, à quel point la majorité d'entre eux est indifférente, quand
ce n'est pas hostile, au problème de ces finalités, dont l'absence entraîne les débordements ou carences que vous déplorez avec justesse. Ils sont indifférents à la construction de la gare, de la
destination, de la finalité, des raisons de vivre.
Votre tâche en ces milieux est une tâche missionnaire et je vous souhaite bien du courage.
Je voudrais conclure sur une de vos phrases. Vous dites : « détester singer , ou vénérer la France. Ce n'est pas une politique ».
Et vous avez raison. Se détester soi-même est du masochisme; « s'onaniser » sport très pratiqué dans les milieux « intellos », relève d'une juvénilité immature, de mauvais aloi.
Car, la France, c'est nous même, et (voir l'article d'hier ), le dire ce n'est en rien répudier notre créolité; au contraire
c'est en garantir les conditions de permanence et de développement.
Un de vos confrères en poésie, notre illustre compatriote St-John-Perse, l'a admirablement formulé dans une lettre à Archibald Mac Leish : « (....) Je ne vous parle pas non plus des
Antilles, qui, pour avoir profondément mêlé mon enfance à la vie animale des Tropiques, n'en demeurent pas moins pour moi de l'essence française, et la plus vieille ».
Comme les contorsions arrogantes et infantiles des leaders de l'actuelle contestation sont éloignées des remarques souvent justifiées que vous avez faites, et auxquelles je me suis permis d'ajouter quelques remarques, et, à mes yeux, éclaircissements.
Edouard Boulogne.
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