Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
25 Janvier 2009
Ernest Pépin : bouche d'or.
( Un jour j'ai écrit, il y a longtemps, c'était dans la revue Guadeloupe 2000, que « les Guadeloupéens seraient d'autant plus Français qu'ils se sentiraient plus Guadeloupéens ». Je voulais dire ceci : La France est une vieille nation, et c'est une nation plurielle. Elles s'est constituée lentement sur plus de mille ans. Elle est devenue une nation UNE, qui représente bien plus dans le monde que son territoire, relativement exigü à l'échelle mondiale, et le chiffre de sa population. C'est une nation Une, un Etat, et c'est une nation plurielle, synthèse de peuples, de pays de cultures divers, parfois plus anciens qu'elle. Cela ne s'est pas fait sans douleurs, crispations, conflits.
Quand nous parlons aux antilles des « Français », nous ne devons pas oublier que ces Français, sont aussi des Bretons, des Alsaciens, des Auvergnats, des Occitans, etc. Cette diversité est aussi une richesse. Au temps de la révolution française, et par la suite jusque dans les années 1950, pour des raisons conjoncturelles, et idéologiques, l'unité nationale s'est poursuivie par une tentative d'uniformisation, administrative, culturelle, parfois excessivement autoritaire. C'est de ce temps là que, par exemple, les cultures régionales ont été brimées, que les langues régionales ont été réprimées, d'abord en métropole, puis dans les vieilles colonies. C'était le temps où les langues bretonnes et créoles, par exemple, étaient refoulées. Depuis les années 1960, les choses ont changées. Les régions, leurs cultures, leurs langues, ont été remises à l'honneur. Le régionalisme est devenu une mode. Malheureusement, certains, pour des raisons variées ont entrepris de s'appuyer sur des rancoeurs et des plaies héritées du passé, et, loin de vouloir les panser se sont mis à les irriter, excacerber. Leur but est de s'en servir, ici en Guadeloupe et en Martinique, mais aussi en Bretagne ou en Corse (entre autres) pour rompre avec la France, détruire l'unité nationale fondée historiquement, et à l'heure de la mondialisation rêver de nations Corse ou Guadeloupéenne, petits points perdus dans l'océan du monde, mais s'imaginant fiers, et arrogants, en même temps qu'heureux. Ceux-là, en Guadeloupe, nous les appelons les « indépendantistes ». Malheureusement, les psychiatres vous le diront,une contagion existe dans le domaine psychique, comme dans le domaine biologique ou physiologique.
La Guadeloupe est menacée par ces délirants d'un type spécial. J'ai parlé de tout cela plus longuement dans mes ouvrages France, garde-nous, et Libres paroles, dont la publicité a été systématiquement sabotée dans la presse, et sur les médias audio-visuels guadeloupéens où les délirants exercent une surveillance vigilante.
La lutte contre ce délire s'impose, et demeure une urgence absolue.
C'est pourquoi je n'hésite pas à publier ce texte de l'écrivain Ernest Pépin qu'un ami me fait parvenir par courriel. Ernest Pépin est un écrivain guadeloupéen connu. Il vient d'horizons culturels parfois différents des miens. Je ne contresigne pas tous ses écrits, ou ses dires. Nous sommes différents. Mais les différences enrichisssent parfois.
Le texte publié ci-dessous est excellent même si je n'en reprend pas à mon compte chaque ligne. Mais il émane d'un homme de talent, et de bonne volonté. Et, il me semble rejoindre mon propos du début. Des changements sont possibles en Guadeloupe, dans le sens d'un approffondissement de soi, de notre originalité créole, sans rompre avec notre autre enracinement, l'enracinement français et européen.
C'est la raison pour laquelle je le livre à la réflexion des lecteurs du Scrutateur guadeloupéen.
Edouard Boulogne. ).
Objet : Un magnifique texte introspectif de Ernest Pépin
Un peu de meditation sur une prise de position d'Ernest PÉPIN.
Tout à fait à contre courant de la tendance.
Merci Ernest!
Ce texte mérite d'être lu et diffusé.
« Comme de nombreux Guadeloupéens, je suis fasciné par cet homme qui a
réussi à faire entrer un noir à la maison blanche. Les commentaires
élogieux pleuvent de partout. C'est l'état de grâce bien mérité.
Pourtant une petite voix me souffle : et nous ?
Et nous guadeloupéens qu'avons-nous fait ? Que faisons-nous ? Que
ferons-nous ?
Passé les brûlures de l'esclavage, passé les interminables débats sur
l'identité, passés négritude et créolité, comment devons-nous aborder le
XXIème siècle dans une perspective qui soit la notre.
Je ne renie aucune parcelle de mon passé et je suis solidaire de tous
les combats que nous avons menés mais je voudrais me positionner
résolument dans l'avenir.
Nous sommes un petit pays. Une petite lèche de terre peuplée seulement
de 400.000 habitants et pour le moment nous sommes hors-jeu dans notre
présent et presque condamné à quémander l'avenir à ceux qui nous
gouvernent. Chacun y va de sa chanson, de son parcours, de ses rêves.
C'est précisément cela qui nous manque : une chanson commune, un
parcours commun, un rêve commun. Peut-être avons-nous besoin de savoir
ce qu'est une société. Je veux dire une entité sociale, économique,
politique, culturelle dont les rouages s'articulent dans un système
cohérent et efficace.
Je constate que nous sommes une somme de revendications syndicales
obsessionnellement tournées vers les questions salariales, le maintien
des avantages acquis, la guerre contre le patronat etc. Et ceci nous
condamne à des postures agressives ou impuissantes. Plus grave,
agressives ET impuissantes. Ce ne sont pas les miettes lâchées ici ou là
qui vont changer la donne en l'absence de tout projet viable.
Je constate que nous nous noyons dans le puits de la consommation. Les
panneaux publicitaires fleurissent. Les voitures de luxe encombrent les
routes. Les gadgets de toutes sortes tiennent lieu d'accès à la
modernité. La modernité est un mot terrible. Cela fonctionne comme une
machine à broyer le passé, la culture (reléguée au rang de tradition !),
les manières de penser, de faire et de vivre. Nous voulons être en
première classe sans nous soucier de la destination du train.
Moi, j'ai envie de crier : construisons les rails, construisons le
train, construisons la gare.
Nous avons le choix entre trois options :
- Laisser rouler les choses au risque de se perdre.
- Devenir indépendant au risque de s'appauvrir ;
- Tenter une autonomie au risque de se faire gruger.
Il y a toujours un risque ! C'est là notre douleur et c'est là notre
lâcheté. En réalité, je crois qu'il faut reformuler un projet
guadeloupéen en toute responsabilité et en toute lucidité.
Qu'est-ce à dire,
Définir (redéfinir) quelle peut-être notre fonction économique, sociale,
politique et culturelle. Et surtout définir (redéfinir) notre relation à
la France et à l'Europe pour sortir de l'assistanat (cette mendicité de
droit) et de l'infantilisation (ce légitime impôt prélevé par les
bailleurs de fonds). Il faut donc commencer par nous définir nous-mêmes
en ayant le courage et l'humilité d'éviter les postures victimaires ou
héroïques, les positions dogmatiques, les immobilités conservatrices,
les impasses de l'idéologie et le suivisme soi-disant moderniste. Cela
fait beaucoup de contraintes mais la lucidité est à ce prix.
- Nous sommes, le plus souvent, de piètres chefs d'entreprise.
- Nous sommes le plus souvent des petits tas d'égoïsmes et au mieux des
petites bandes de corporatismes.
- Nous sommes, le plus souvent, de mauvais maris, de mauvaises épouses
et pour finir de mauvaises familles.
- Nous sommes, le plus souvent, une société violente au niveau des
individus et au niveau du collectif.
- Nous sommes le plus souvent des viveurs au jour le jour, des
jouisseurs inconséquents. Toutes les industries du loisir le savent :
boite de nuit, sex-shop, déjeuner champêtre, hôtels, Midi-minuit. Etc.
- Nous sommes le plus souvent des travailleurs toujours en grève, en
congé, en dissidence, en ruse et en laxisme.
- Nous sommes le plus souvent abonnés à la seule culture populaire,
oublieux de la culture du monde et trop matérialiste pour comprendre
qu'un poème, qu'un roman, qu'un tableau, qu'une chanson, qu'une pièce de
théâtre, etc. ne sont ni des divertissements ni des exutoires mais des
problématiques d'un autre possible de nous et du monde.
- Nous sommes le plus souvent une insociété comme on dit une incivilité.
Et avec ça toujours empressé de nous comparer à la France comme si le
monde entier, les seuls modèles, les repères absolus appartenaient à une
France en crise depuis longtemps.
Nous regardons de haut la Caraïbe et nous ignorons les Amériques. C'est
pourtant selon la formule consacrée notre environnement naturel. Alors
que nous sommes si riches de l'argent des autres !
Il est de bon ton de dire qu'il ne faut pas diaboliser la Guadeloupe,
qu'il ne faut pas se flageller et qu'il faut positiver. Toute critique
est assimilé à une trahison ou à du vomi. Posons-nous la question
qu'est-ce qui est positivable ?
Une jeunesse aux abois !
Des citoyens irresponsables !
Des personnes âgées de plus en plus isolées !
Un nombre grandissant d'exclus !
Un pouvoir local sans vision !
Des intellectuels bâillonnés par la proximité !
Des artistes impécunieux et subventionnés !
De grandes messes jubilatoires !
Une impuissance économique chronique !
Un tourisme impensé !
Des rapports de classe et de race viciés par le passé !
J'aime la Guadeloupe, mais je crois qu'il faut lui dire ses quatre
vérités. Pas de presse capable de conscientiser ! Pas d'émissions
éducatives et formatrices ! Une université trop extravertie. Un
artisanat désuet. Une langue créole qui fout le camp ! Nous le disons
entre nous, en petits comités. Nous le chuchotons mais nous avons honte
de le crier en public. Comme dit Franky, c'est la vie en rose ! Césaire
l'a écrit : « un paradis absurdement raté ». Maryse Condé l'a craché :
la Guadeloupe n'est pas un paradis ! Et nous sommes là plein de rancœurs
rancies, pleins de rêves non muris, admirateurs des autres, ébahis
devant notre moindre prestation d'humanité, toujours dans la logique du
rachat. Ah nos sportifs ! Au nom de quoi, le fait d'être guadeloupéen
fait d'un exploit sportif un miracle ? A moins de douter de soi et
d'estimer inconsciemment que nous n'avons pas droit à l'excellence.
Et c'est la première leçon que je tire d'Obama : le droit au droit à
l'excellence.
La deuxième étant de casser, de répudier tous les discours qui obstruent
l'horizon : la race, konplo a neg sé konplo a chien ! Nou sé neg ! le
fandtyou ! Cette moquerie permanente de tous ceux qui tentent, qui osent
et même parfois qui font. Etc.… Cette mise en dérision de nous-mêmes !
La troisième étant de doter la Guadeloupe d'un vouloir collectif qui
transcende les différences, les rancunes, les sottes compétitions, les
querelles idéologiques, les xénophobies, les nombrilismes, les
chauvinismes à bon marché.
La quatrième étant de miser sur l'intelligence, toutes les formes
d'intelligence, pour élever le débat au-dessus des querelles de
personnes.
La cinquième d'assumer notre histoire, toute notre histoire, par nous,
pour nous, sans mendoyer une reconnaissance que nous ne nous octroyons
pas très souvent. C'est de nous-mêmes, de notre énergie, de notre
créativité, de nos talents, de nos forces, de notre rigueur, de notre
respect pour nous-mêmes que viendra la reconnaissance et non de telles
ou telles victoires plus symboliques que réelles.
Se déplacer à Washington pour dire « j'y étais ! » c'est bien. S'atteler
au char de la Guadeloupe c'est mieux !
Obama est un homme qui a cru en son pays sans renier ses origines. C'est
un homme qui a cru en la capacité de son pays à dépasser les frontières
des pensées établies. C'est un homme qui a su faire croire en lui. C'est
ce pari là qu'il faut gagner.
Si nous disons : « mon pays c'est la France ». Alors, il faut assumer et
faire en sorte que la France change et on ne peut le faire sans les
Français de l'hexagone.
Si nous disons « mon pays c'est la Guadeloupe colonisée ».Alors, il faut
l'assumer et décoloniser la Guadeloupe en privilégiant les armes de la
décolonisation de l'imaginaire, de l'économie, du culturel, du politique
et du social. Il est inconséquent de prôner la décolonisation en jouant
le jeu d'une surintégration parfaite et indolore.
Si nous disons « mon pays c'est la Guadeloupe autonome ». Alors il
faudra l'assumer en se préparant à exercer un pouvoir local plus riche
en compétences et désireux de développer une richesse guadeloupéenne.
Si nous ne disons rien, nous sommes coupables de nous croiser les bras
devant une société qui se saborde (violences sexuelles, violences des
jeunes contre les jeunes, violence des hommes contre les femmes,
violences au sein des familles, violences sociales plus ou moins
sournoises). Une société qui se cache derrière le paravent de la
consommation. Une société de gestion ou de géreurs et non une société de
l'entreprendre. Une société qui a mis en faillite les intellectuels de
tous bords.
Une société en danger.
Oui, je dis bien en danger ! Pendant que nous nous livrons à des actes
de cannibalisme (les uns à l'encontre des autres !), en l'absence de
projet construit par nous et soutenu par nous, des forces agissantes
décident pour nous, grignotent le territoire, contrôlent l'économie,
décident pour nous ! Je ne parle pas de race, je parle de filières, de
réseaux, d'organisations structurées, de puissances financières. Il
suffit de regarder Jarry, d'aller à Continent, à Millénis etc. Combien
de Guadeloupéens font partie du vrai jeu économique ? Nous ne sommes, à
part quelques cas, que des sous-traitants et surtout des sous-gagnants.
Il est vrai que nous sommes soumis comme les autres aux durs effets de
la mondialisation, que nos marges de manœuvres sont limitées et que nous
sommes un petit marché.
Ceci nous exonère pas de penser, de nous organiser, de lutter dès lors
que l'objectif est clair, accepté et positif. Quels objectifs pour
l'art, l'économie, le social, le politique ? Comment les atteindre ?
Avec quelle stratégie ? En clair comment (re)bâtir la Guadeloupe ?
Il me semble souhaitable d'arriver à commercialiser notre culture sans
la prostituer, à exporter ses meilleures créations et surtout à nous
nourrir d'elle. Pour le moins, faire entrer la notion de dépenses
culturelles diversifiées dans les budgets des familles et des
entreprises serait un grand progrès.
Il me semble souhaitable d'envisager un développement rentable de
l'agriculture afin de pourvoir, le plus possible, à nos besoins et à
ceux des marchés qu'il nous appartient de trouver à l'extérieur.
Il me semble souhaitable de repenser de fonds en comble l'industrie
touristique. Je dis bien l'industrie en l'accompagnant des produits du
soleil (maillots de bain, serviettes, lunettes de soleil, crème solaire,
vêtements etc) made in Guadeloupe ou labellisés « Guadeloupe » . C'était
une idée de Paco Rabanne. Je doute qu'elle ait été entendue !
Il me semble souhaitable de rechercher les voies et moyens d'une
solidarité active au sein de la société guadeloupéenne. Nous sommes si
généreux envers le téléthon !
Il me semble souhaitable de croire au développement de la langue et de
la culture créoles dans une perspective non folkloristes mais
diplomatique (il existe un monde créolophone), économique et culturel.
Il me semble enfin souhaitable que nos élus aillent se former non pas
seulement à Paris mais aussi dans la Caraïbe. Ils connaîtraient mieux le
fonctionnement des pays indépendants ou néo-colonisés. Ils seraient plus
au fait des données de la diplomatie. Ils gagneraient en relations
internationales. Ils créeraient d'utiles solidarités.
Mais tout cela n'est rien si nous ne répondons pas à la question
suivante : quelle Guadeloupe voulons-nous ? Autrement dit avec quelles
valeurs? Quel mode de fonctionnement ? Quel type de citoyens ? Quel
système économique ? Quel budget ?
Ce sont des questions qui sont loin de l'élection d'Obama. Ce sont des
questions auxquelles tout chef politique doit répondre de façon claire.
La méfiance des Guadeloupéens envers les élus, parfois leur inertie
apparente, résulte sans doute d'un manque de clarté, d'un manque de
pédagogie, d'un manque de vouloir.
Je répète avec Obama l'histoire retiendra notre capacité à construire et
non notre capacité à détruire !
Crier que nous sommes des petits-fils d'esclaves ne suffit pas !
Détester, singer ou vénérer la France, n'est pas une politique !
Croire que l'on peut construire sur des ruines est une erreur !
Seront nous capables de dire, nous aussi : YES WE CAN ! C'est cela la
leçon, la grande leçon d'Obama ! «
Ernest Pépin
Lamentin le 21 janvier 2009
PS : Je ne suis pas un spécialiste et mes idées n'engagent que moi. Je
ne les livre que pour lancer un débat que je crois nécessaire et
salutaire.