1 Mars 2013
( Le Rastignac d'Honoré de Balzac ).
Dans Valeurs actuelles ( le meilleur hebdo actuel en France ), il est un article, que toutes activités cessantes, je lis avec délectation. Il est rédigé parEugène de Rastignac, pseudonyme balzacien d'un jeune confrère, dont l'humour allègre est aussi féroce que son « look » est policé.
Je ne peux m'empêcher de vous en offrir la dernière « lettre », consacré au prélude de ce qui s'annonce comme la plus terrible des batailles qui se sera jamais livrée sur le pavé de notre capitale, pour la conquête de la Ville.
L'un des charmes des lettres de Rastignac, est qu'elles sont cryptées. Autrement dit, les patronymes des personnages réels sont remplacés par des cryptonymes, généralement empruntés à la Comédie humaine, mais dont le mystère est facilement dissipé, pour les initiés, d'abord par le cher Eugène, comme vous allez le voir, mais aussi, pour cette fois, par cette vieille canaille, assez médisante quand elle s'y met, de Scrutateur.
Voici d'abord le « coup de main » d'Eugène de Rastignac ( la pièce dont vous allez lire le premier acte, plein de promesses, - shakespeariennes ou...vaudevillesque, à votre goût - ,opposera pour votre plaisir « citoyen » les amis du genre humain suivants : « Félix Pheillon : maire de Paris ; Marianne Concha : candidate jacobine à la Mairie de Paris ; Lamya Madou : maire du VIIe arrondissement, candidate unioniste à la Mairie de Paris ; François du Falard : ancien premier ministre, député de Paris ; Éléonore de Conygham : candidate unioniste à la Mairie de Paris ».
Petit complément scrutatorien : Pourquoi Pheillon? Mystère et boule de gomme. Une petite recherche étymologique nous renvoie au latin « fellare » qui a engendré en français un terme que je ne transcrirai pas ( car il y a peut-être, une...ou deux rosières, parmi nos lectrices ), mais qui peut se traduire encore en langue française par « gamahucher », ou, plus vulgairement « tailler une pipe ».
N'en disons pas plus, car des enfants peuvent lire ce blog, bien que des gens ( âgés ) prétendent qu'il n'y a plus d'enfants ( ce qui n'est pas vrai ).
Marianne Concha? Ce patronyme vous a un petit parfum ibérique. On pense à Conchita, mais aussi, quelle teigne ce Rastignac! à « conchier » dont je ne retiendrai, pour des raisons de pudeur ( et d'humanité ) que l'usage métaphorique : « traiter de manière insultante ». Kyrie eleison!
Lamya Madou n'est pas mal non plus. Cette Lamya la a le teint bronzé des natifs du Rif, l'oeil perçant et noir, la furia, aussi, d'une certaine Carmen, qui assimilerait volontiers Paris aux arènes de Séville. Paris, dont elle apprécierait particulièrement, chacun ses goûts, et...ses moyens, la place Vendôme, son architecture, et.....ses boutiques de « pacotille ». Levez le ban !
François du Falard, toujours bien mis, élégant, bien coiffé, poudré et parfumé, un peu falot, beaucoup balluche, selon ses détracteurs, mais qui devant le ballet des amazones s'est prudemment retiré du concours ( pour l'instant ), ce qui tendrait à prouver, que sauf la silhouette, il serait plus Sancho que Quichotte. Vous l'avez reconnu. Non? Je ne peux rien pour vous.
Eléonore de Conygham : On l'imagine, du temps de son CM1 faisant la ronde, avec vingt petites pestes, chantant à tue-tête la célèbre comptine : « Entre les deux, mon coeur balaannnce, je ne sais pas, le plus aimé des deux ».
Hélas! Les années ont passé, les tréteaux électoraux ne sont pas des cours de récréation ( quoique...? ) Eléonore n'a pas vieillie, elle s'est épanouie, et ce n'est pas la gentillesse ( encore moins la charité ) qui le fait dire, mais l'élémentaire justice. Eléonore est toute en grâce et élégance. Rastignac s'incline, à cet égard. Ce qu'il ne dit pas c'est que, ses coups de griffes pour mérités qu'ils soient, ne reflètent pas la vérité vraie, la vérité tout entière. Ce qu'il faudrait dire, pour compléter le portrait, et du point de vue de ceux qui croient en la réincarnation, c'est qu'Eléonore descend (peut-être ) de l'illustre épouse du grand Athos d'Alexandre Dumas ( père) dans Les trois mousquetaires, la superbe, fascinante, et terrible Milady de Winter.
Voilà, maintenant vous êtes prêts.
Place au théâtre!
Le Scrutateur.
http://www.valeursactuelles.com/au-bonheur-des-dames20130227.html
28 Février 2013
Par
Faut-il, pour une fois, laisser la plume à madame de Rastignac, mon cousin ? Depuis que Paris se passionne pour la succession de Félix Pheillon, il faut se mettre sur la pointe des pieds pour voir apparaître, derrière une rangée d’amazones, quelques maigres candidats en redingote. Qui s’en plaindrait ? Ce ne sont que cheveux parfumés, tailles fines et dents éclatantes. Toute la beauté du monde arrive sur ces talons et le sel de cette lutte, croyez-moi, aura une saveur toute particulière. Voyez Lamya Madou, ses doigts continuent de laisser tomber à temps leurs pierres, comme sa bouche les sourires ; ses colères soudaines ajoutent à sa beauté féline, et qui connaît sa férocité sait que même à terre, elle continuera de mordre.
Voyez le visage diaphane d’Éléonore de Conygham, il semble né du pinceau d’un de ces peintres anglais qui donnent aux pommettes la fragilité de la porcelaine. Son profil de marquise et ses cheveux d’or sont cependant ses seules douceurs car, dans le combat, c’est une lionne.
Et Marianne Concha, ce sourire andalou échappé d’un Murillo, elle ensoleille la grisaille de Paris ! Las ! Seule la fabrique de tabac de Séville sait la rage qui s’empare de ces femmes quand on les pique. Quand cette jacobine entre dans l’arène, un seul conseil, mon cousin, cachez vos rouges tabliers !
François du Falard, qui cultive la vertu de prudence avec la minutie d’un moine bénédictin, a donc préféré s’écarter de cette bataille. Il a bien fait. Sa redingote, après sa lutte pour le parti unioniste, est à peine recousue. Ses cheveux sont de nouveau ordonnés comme un parterre du Maine. Croyez-moi, ils n’auraient pas supporté une nouvelle mêlée.
Je reviendrai tantôt sur les querelles entre unionistes parisiens, mais laissez-moi ici vous raconter comment a débuté la bataille entre madame de Conygham et les jacobins. C’était l’autre semaine, dans ce quartier chinois de Paris que l’on appelle communément “le triangle de Choisy”. Dans ces rues où brillent les lanternes rutilantes, où se dressent ça et là des pavillons chinois avec leurs clochettes muettes, le bon peuple venu d’Asie inaugurait la fête du Printemps. Éléonore de Conygham avait décidé d’assister aux processions et à la danse du dragon, ces étranges rituels où se mêlent d’inquiétantes incantations et une joie enfantine.
Avec quelques amis, elle arrive donc de bon matin. La sorte de mandarin qui règne sur ces quelques rues s’empresse de l’accueillir avec déférence. L’honorable Éléonore de Conygham est la bienvenue, lui dit-il en substance. « Elle est belle et pure comme la rosée », semblent penser ces Chinois de Paris. C’était sans compter avec Marianne Concha et ses partisans. La candidate jacobine découvre en arrivant la présence de sa rivale. Elle s’indigne vertement auprès des mandarins de l’honneur que l’on fait à une simple citoyenne et rappelle que la candidate unioniste à Paris n’est rien, pas même conseiller d’arrondissement.
Madame de Conygham doit partir ! exige-t-elle, et notre conquérante unioniste se voit contrainte de quitter le carré des autorités. Une compagnie de gardes l’empêche désormais de rejoindre sa rivale. Madame de Conygham balance d’un pied sur l’autre, jette un oeil à gauche, à droite pour tenter de trouver une brèche, mais la barrière humaine suit cette danse : elle est infranchissable. Qu’importe ! Il en faut plus pour décourager la belle. Celle-ci sait être aussi extravagante que son allure est conforme. Elle taquine bientôt les gardes, minaude, les impatiente en les poussant du doigt, en répétant qu’elle ne menace personne et ne demande qu’à passer…
Ces chinoiseries en disent long sur les craintes des jacobins. Ceux-ci parlent haut pour dire que madame de Conygham n’a aucune chance de gagner, mais ils s’inquiètent déjà de sa seule présence. L’histoire révèle aussi de quelle nature sera cette campagne. Sachez-le, mon cousin, toutes ces dames, à quelques détails près, pensent la même chose. Elles défendent les petits oiseaux, veulent marier deux hommes entre eux, sont comme chez elles dans les étranges lucarnes, embouchent le clairon du progrès et de la générosité universels et n’ont qu’un ennemi : les frontistes. Plus que des idées, la lutte opposera deux styles : la froide ambition de madame de Conygham et l’audace successorale de Marianne Concha.
Nul ne peut dire aujourd’hui sur quelle couleur poser son jeton, mais, croyez-moi, les hommes se pressent nombreux autour de la table de jeu. À l’heure où je vous écris, c’est Éléonore de Conygham qui est fashionable. Jusqu’à la nouvelle lune, mon cousin, les modes à Paris fondent plus vite que neige…
Eugène de Rastignac.
Félix Pheillon : maire de Paris ; Marianne Concha : candidate jacobine à la Mairie de Paris ; Lamya Madou : maire du VIIe arrondissement, candidate unioniste à la Mairie de Paris ; François du Falard : ancien premier ministre, député de Paris ; Éléonore de Conygham : candidate unioniste à la Mairie de Paris.
Photo © Redon