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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Wellington's Victory.

Pas de politique, ni de « Mundial » de football, aujourd'hui. Mais de l'histoire. Ou plus exactement de l'histoire transformée en légende, en épopée. Je suppose, ou plutôt j'espère, que nos âmes d'aujourd'hui, tant meurtries, avilies par une actualité terre à terre et petite bourgeoise, en vont sortir transformées, ragaillardies.

« J'ai pétris de la boue, et j'en ai fait de l'or » disait Baudelaire à propos de ses « Fleurs du mal ».

Je ne donne pourtant pas la parole maintenant à Baudelaire, mais à deux autres grands artistes, Ludwig Van Beethoven, et Victor Hugo.

Nos deux alchimistes nous parlent, chacun dans son registre, sa vision d'une bataille. Celle que les Anglais appelle The Wellingston's Victory, et nous autres Français : la bataille de Waterloo. Le choix des mots est significatif, surtout pour les humoristes. Car, n'est-ce pas, c'est à Londres que l'on trouve la Gare de Waterloo. A Paris ce serait plutôt la Gare d'Austerlitz. Le contraire est peu imaginable !

 

( I ) The Wellington's Victory, par Beethoven.

 

Beethoven, qui fut, d'abord, un admirateur de Bonaparte quand celui-ci était premier Consul de la République, le renia complètement quand le premier des Français, se fit sacrer Empereur des Français en 1804.

Il ne lui pardonna jamais ce qu'il considérait, comme c'était son droit, d'avoir trahi la République.

Quand le 18 juin 1815 ( les Français commémorent beaucoup plus LE 18 juin 1940, que celui de 1815 ! ), Napoléon perdit sa dernière bataille contre les Anglais, à Waterloo ( en Belgique ), le grand Ludwig exulta, et composa une petite oeuvre, celle que vous allez je l'espère écouter.

On sait que pour des raisons météorologiques la bataille commença à midi, et non, comme prévu, à six heures du matin. Cause banale, et grands effets.

Le combat fut atroce, d'une extraordinaire violence. Les Anglais s'accrochaient avec leur ténacité bien connue. Mais vers les 18 heures, ils étaient sur le point de s'effondrer. Il manquait pourtant aux troupes françaises, très éprouvées elles aussi, un renfort que Napoléon attendait, car il avait envoyé un courrier au colonel Grouchy, à la tête de 30.000 hommes, stationnés à dix kilomètres de là. L'estafette, abattue par une balle perdue ( le dieu de la victoire semblait abandonner l'empereur ), les renforts n'arrivèrent pas. En revanche, ce furent les britanniques qui reçurent l'apport décisif d'un corps d'armée prussien – maudits Allemands – commandé par le général Blucher. « L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme ».

C'est alors que l'empereur lança l'ordre : « Faites donner la garde ». Et que, comme dit Victor Hugo, dans les quelques 40 pages des Misérables, qu'il consacre à notre bataille, - le texte le plus étonnant des récits de bataille que j'ai lu - : «  Alors la garde impériale entra dans la tourmente ».

Beethoven transcrit le combat en notes musicales.

C'est un incroyable enchevêtrement, de coups de canons, de bruits de bottes, d'hymnes militaires, tant français que britanniques, l'air de Marlborough, la Marseillaise, le Rule Britannia, de fracas harmonisé, de haines et d'enthousiasme meurtriers, d'admirations réciproques, comme dans l'Illiade d'Homère quand le héros d'un camp, admiratif devant son fraternel adversaire, l'égorge en larmes, lui disant « meurs, ami »! ( ce qui, vers mes 15 ans m'émouvait aux larmes ( soigneusement refoulées ).

Tout cela peut être écouté avec respect pour un si grand génie musical. Mais il faut savoir que Beethoven, l'oeuvrette terminée s'exclama «  c'est une totale ineptie »!

Peut-être. Du moins si on la compare aux grands chefs d'oeuvre du musicien. Mais si nul n'osa contredire le maître, dont le mauvais caractère, à l'égal de son génie, était bien connu. Et tous continuèrent à jouer « l'ineptie » jusqu'à ces jours de 2014, même Furtwangler, même Karayan!

 

Cliquez, et écoutez, sans omettre de forcer sur votre sono.

 

LS.

 

http://www.youtube.com/watch?v=ZPX7RT9uFUU

 

( II ) Waterloo, selon Victor Hugo.

 

J'ai déjà évoqué le récit fait de la bataille par HUGO, dans les Misérables. L'auteur a très souvent évoqué Napoléon 1er pour écraser par comparaison le neveu du Grand, c'est à dire Napoléon III, dit « le petit ».

Je cite ci-dessous un passage, épique du poème L'Expiation. Je ne serai pas plus long dans la présentation, car l'heure de cette nuit où j'écris s'avance, s'avance. Et la clepsydre se vide.

 

LS.

 

Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !

Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
D'un côté c'est l'Europe et de l'autre la France.
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l'espérance ;
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O Waterloo ! je pleure et je m'arrête, hélas !
Car ces derniers soldats de la dernière guerre
Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
Chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin,
Et leur âme chantait dans les clairons d'airain !

Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
Il avait l'offensive et presque la victoire ;
Il tenait Wellington acculé sur un bois.
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit : Grouchy ! - C'était Blücher.
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme,
La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
La batterie anglaise écrasa nos carrés.
La plaine, où frissonnaient les drapeaux déchirés,
Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge,
Qu'un gouffre flamboyant, rouge comme une forge ;
Gouffre où les régiments comme des pans de murs
Tombaient, où se couchaient comme des épis mûrs
Les hauts tambours-majors aux panaches énormes,
Où l'on entrevoyait des blessures difformes !
Carnage affreux! moment fatal ! L'homme inquiet
Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
Derrière un mamelon la garde était massée.
La garde, espoir suprême et suprême pensée !
« Allons ! faites donner la garde ! » cria-t-il.
Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,
Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.
Leur bouche, d'un seul cri, dit : vive l'empereur !
Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.
Hélas ! Napoléon, sur sa garde penché,
Regardait, et, sitôt qu'ils avaient débouché
Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
Voyait, l'un après l'autre, en cet horrible gouffre,
Fondre ces régiments de granit et d'acier
Comme fond une cire au souffle d'un brasier.
Ils allaient, l'arme au bras, front haut, graves, stoïques.
Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
Le reste de l'armée hésitait sur leurs corps
Et regardait mourir la garde. - C'est alors
Qu'élevant tout à coup sa voix désespérée,
La Déroute, géante à la face effarée
Qui, pâle, épouvantant les plus fiers bataillons,
Changeant subitement les drapeaux en haillons,
A de certains moments, spectre fait de fumées,
Se lève grandissante au milieu des armées,
La Déroute apparut au soldat qui s'émeut,
Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut !
Sauve qui peut ! - affront ! horreur ! - toutes les bouches
Criaient ; à travers champs, fous, éperdus, farouches,
Comme si quelque souffle avait passé sur eux.
Parmi les lourds caissons et les fourgons poudreux,
Roulant dans les fossés, se cachant dans les seigles,
Jetant shakos, manteaux, fusils, jetant les aigles,
Sous les sabres prussiens, ces vétérans, ô deuil !
Tremblaient, hurlaient, pleuraient, couraient ! - En un clin d'œil,
Comme s'envole au vent une paille enflammée,
S'évanouit ce bruit qui fut la grande armée,
Et cette plaine, hélas, où l'on rêve aujourd'hui,
Vit fuir ceux devant qui l'univers avait fui !
Quarante ans sont passés, et ce coin de la terre,
Waterloo, ce plateau funèbre et solitaire,
Ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,
Tremble encor d'avoir vu la fuite des géants !

 

Victor Hugo. 

( I ) Tableau d'Edouard Detaille: la bataille de Waterloo.( II ) Buste de Beethoven, par Bourdelle. ( III ) Esquisse de Victor Hugo.
( I ) Tableau d'Edouard Detaille: la bataille de Waterloo.( II ) Buste de Beethoven, par Bourdelle. ( III ) Esquisse de Victor Hugo.
( I ) Tableau d'Edouard Detaille: la bataille de Waterloo.( II ) Buste de Beethoven, par Bourdelle. ( III ) Esquisse de Victor Hugo.

( I ) Tableau d'Edouard Detaille: la bataille de Waterloo.( II ) Buste de Beethoven, par Bourdelle. ( III ) Esquisse de Victor Hugo.

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