29 Mars 2010
Un dimanche des rameaux sans rameaux!
(Un lecteur martiniquais, s'appuyant sur les travaux d'un savant guadeloupéen nous explique pourquoi les catholiques ont vécu
un dimanche des rameaux sans rameaux, et ...comment y remédier....peut-être).
Cette année la raréfaction des rameaux à cette fête traditionnelle de la bénédiction des rameaux – dimanche dernier, ce « Dimanche des Rameaux » – ne sera pas passé inaperçue, et RFO Télé Martinique a même fait un reportage sur le sujet : Mais où sont passés nos rameaux se demandait-on ? Certains accusaient la sécheresse, un agriculteur a parlé de maladie, mais tout le monde sait en Martinique et en Guadeloupe que les « Rameaux » meurent ; et bien sur un petit rameau était dorénavant proposé à 4 € la pièce sur le marché vu qu’il n’y en a presque plus.
Naturellement des branchages de remplacement furent utilisés dimanche dernier, et naturellement la portée spirituelle de cette Grande Fête Catholique n’a pas été entamée. Alors pourquoi diable (!) les rameaux ont-ils quasiment disparus de notre univers, de nos traditions, de la Tradition ? Et bien les Rameaux meurent tous dans les Antilles Françaises pour un raison bien précise, ils meurent car ils sont assassinés sauvagement par un « ravageur » « exotique » qui vient de Thaïlande, une cochenille du nom de Aulacaspis yasumatsui Takagi.
C’est M. Jean Etienne - cet entomologiste et chercheur guadeloupéen bien connu - qui donnait en 2007 toutes les explications nécessaires et l’alerte dans la revue spécialisée « L’Entomologiste », je le cite : « La Cochenille des Cycas, originaire de la région orientale, a été décrite en 1977 à partir de spécimens collectés à Bangkok (Thaïlande). Actuellement elle est connue de Chine, Singapour, Hong-Kong, Hawaii. Dans la région caraïbe, elle est signalée de Porto-Rico, des îles Caïman (?), des îles Vieques, des îles Vierges (US) et en Floride [BEN-DOV et al., 2003]. Elle est actuellement présente aux Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique) ».
Les « Rameaux » ce sont des Cycas, je cite toujours l’article de 2007: « Les Cycas ont été introduits il y a fort longtemps en Guadeloupe et font donc partie intégrante de la flore de notre île. Ce sont des plantes primitives fort anciennes dont le développement est très lent et certains spécimens de Guadeloupe sont âgés de plus de 50 ans, voire de plus d’un siècle ! Appelées localement « Rameaux », ces plantes appartiennent à la famille des Cycadaceae et sont représentées en Guadeloupe par deux espèces : le Cycas revoluta, originaire du Japon, communément appelé « Petit Rameau » ou « Petit Cycas » et le Cycas circinalis, originaire du Sud-Est de l’Inde, appelé « Grand Rameau » ou « Grand Cycas ».
Les Rameaux meurent parce que l’ «ennemi naturel » de cette cochenille est resté tranquillement en Thaïlande, tandis que ce « ravageur », ce tueur des Cycas, arrivait clandestinement dans les Antilles sans doute sur du matériel végétal.
La lutte chimique n’ayant rien donné, cette cochenille semblant indestructible, la seule solution est naturellement l’introduction d’« auxiliaires » de lutte biologique, qui eux contrôleront la cochenille tueuse et sauveront les Cycas, c’est ce qui fut fait en Floride et à Hawaii et c’est ce qui n’est pas encore fait chez nous.
« Proposition d’introductions d’auxiliaires pour la protection des Cycas en Guadeloupe : Il apparaît clairement que la Cochenille des Cycas est un ravageur particulièrement difficile à combattre. En Guadeloupe, les particuliers qui ont essayé d’effectuer des traitements se sont heurtés aux difficultés d’utilisation des produits et aux inexorables infestations successives qui suivent ces interventions. Compte tenu de la mortalité très importante des Cycas en Guadeloupe, il apparaît que leur maintien dans l’île ne pourra se faire qu’en introduisant les ennemis naturels de la Cochenille. Les travaux et les résultats mentionnés précédemment nous incitent à préconiser les auxiliaires qui ont déjà donné des résultats encourageants en Floride ».
La proposition d’introduction comprenait deux insectes « ennemis naturels » de la cochenille thaïlandaise, un hyménoptère parasitoïde et un prédateur. Ces « auxiliaires » de la lutte biologique auraient pu aussi agir sur d’autres cochenilles diaspines de nos cultures commerciales courantes.
Et M. Etienne concluait ainsi : « L’introduction des ennemis naturels cités précédemment est à réaliser de toute urgence si l’on veut conserver chez nous ces arbres qui font partie de notre environnement et de nos pratiques culturelles. Elle est par ailleurs sans danger car les auxiliaires recommandés ont déjà fait leur preuve en Floride ou à Hawaii et ne pourraient se développer éventuellement que sur d’autres espèces de Cochenilles à bouclier (Diaspididae) qui sont toutes nuisibles à certains végétaux de Guadeloupe »
La demande d’introduction de ces « ennemis naturels » de la cochenille ravageuse thaïlandaise Aulacaspis yasumatsui fut déposée par le SPV en 2006, à ce jour il n’y a apparemment pas de réponses positives de la part des autorités compétentes; il semblerait donc que nos Rameaux y passeront tous inexorablement : Un jour proche il n’aura plus un seul rameau disponible pour le « Dimanche des Rameaux ».
AgrBio.