26 Février 2009
Très populaire au début du mouvement de grève, le Collectif LKP est désormais ouvertement critiqué pour ses méthodes brutales, voire totalitaires. Menaces, intimidations, violences, nombre de Guadeloupéens sont exaspérés. Revue de presse hexagonale.
par Philippe Triay
"Gros bras" du LKP, de plus en plus critiqués pour leurs méthodes d’intimidation © AFP |
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Le Figaro (26 février)
Rodolphe Geisler, envoyé spécial à Pointe-à-Pitre
...) La crainte des représailles est toujours vivace. Les témoignages de pressions exercées par les gros bras du LKP sont nombreux. Les menaces graduées. Du simple avertissement aux menaces
physiques. Quand ce ne sont pas des insultes racistes lorsque le commerçant n’est pas « pays ». Ce lundi, donc, après que notre homme à la casquette a harangué la foule, des petits
groupes se sont ainsi dispersés dans la ville. « On a dit fermé, pas ouvert », répétaient-ils, en tapant du poing contre les rideaux métalliques des magasins. Cette fois, pas
de blessé. Juste le bruit des coups donnés sur les rideaux. Les commerçants se sont exécutés. Résignés, un nœud à l’estomac.
Depuis le début du conflit pourtant, plusieurs cas de « tabassage » de commerçants ou de chefs de petites entreprises sont à déplorer. Au moins une dizaine de signalés, sachant que la plupart n’osent pas porter plainte. Comme cet Haïtien. Alors qu’« on » lui demandait de « se solidariser » avec le mouvement, il eut le toupet de répondre : « J’ai connu les Tontons macoutes, c’est pas vous qui allez me faire fermer ! » Il a été roué de coups. Son entreprise est désormais fermée. Cette restauratrice de Pointe-à-Pitre, installée en Guadeloupe depuis une quinzaine d’années, s’est, quant à elle, fait traiter de « sale putain de blanche » pour avoir tenté d’ouvrir. Ce mois-ci, elle ne pourra pas donner de salaires à ses deux employés, pourtant des « locaux ». Ni à elle-même.
(...) Le mouvement, entamé maintenant depuis près de six semaines, a néanmoins trouvé ses limites tolérables, en défiant l’État de droit. L’entrave à la liberté du commerce, même si trois commerçants seulement ont osé porter plainte à Pointe-à-Pitre, est manifeste. Pour ne pas jeter de l’huile sur le feu depuis les quatre nuits de violence de la semaine dernière pendant lesquelles des tirs à balle réelle ont été constatés, la police se fait discrète dans les rues. D’une certaine façon, les « amis » du LKP ont les mains libres pour imposer leur loi. Élie Domota le répète chaque jour : « Seule la pression populaire peut faire pression sur le gouvernement. »
Sous couvert d’anonymat, un policier pose tout de même la question des relations entre le LKP et ce qu’il est convenu d’appeler « les jeunes des quartiers difficiles » qui seraient à l’origine des barrages et des pillages de la semaine dernière. Était-ce réellement spontané ? « Pour tracter des carcasses de voiture sur les routes et les incendier à l’aide de bidons d’essence alors que les stations-service étaient officiellement fermées, il leur a bien fallu une aide logistique », estime-t-il.
France Info (25 février)
Richard Place, envoyé spécial à Pointe-à-Pitre
(...) Le mouvement syndical reçoit une large approbation en métropole. Près de huit Français sur dix (78%) trouvent justifié le mouvement social qui paralyse la Guadeloupe depuis plus d’un
mois, selon un sondage BVA pour Orange, L’Express et France-Inter publié mardi.
Pourtant, sur l’île, la situation n’est pas simple et certains vivent de plus en plus difficilement une grève qui leur apparaît imposée par le syndicat unitaire. Mais ceux là, on les entend peu, les médias étant "gentiment" tenus à l’écart des discours discordants. Lorsqu’un des envoyés spéciaux de France Info tente de réaliser l’interview, en place publique, d’une mère de quatre enfants excédée par la grève, il est aussitôt interrompu par un militant du LKP qui lui demande d’arrêter "gentiment". Peu après un autre membre du collectif interviendra, plus menaçant, pour prévenir : " Tu n’as pas enregistré ? Sinon, fais attention à toi ".
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(24 février)
Laure de Charrette, envoyée spéciale à Pointe-à-Pitre
(...) Si les fonctionnaires ont été payés en janvier, les retenues sur salaire s’opérant dans un délai de deux mois, les commerçants s’inquiètent désormais haut et fort du contre coup
économique. Certains ont rouvert. Comme ce vendeur de cartes postales, Michel. Les « commandos du LKP », dit-il, qui sillonnent la ville pour intimer l’ordre aux commerçants de
baisser le rideau ne lui font « plus peur ».
Pourtant ceux qui ont dédaigné le blocus les premières semaines l’ont payé cher. « Six chefs d’entreprise ont été tabassés. L’un parce qu’il a refusé de fermer sa boutique, un autre parce qu’il s’est exprimé contre la grève dans les médias. Ceux qui ne se couchent pas devant le LKP sont frappés », assène Patrick Vial-Collet, antillais, directeur d’un groupe hôtelier. « Vous pouvez me citer, je n’ai pas peur des représailles ».
A l’origine d’une marche anti-grève annulée mardi faute de participants - « les 4 600 personnes attendues ont été coincées par les barrages » - lui est convaincu qu’une « majorité silencieuse pro-LKP, mais anti-pagaille » existe. « Les gens commencent à être trop dérangés dans leur confort de vie pour approuver encore les méthodes du collectif » poursuit-il. Lundi matin, la place du marché est encombrée d’étals et les quais de pêcheurs. Comme si la solidarité avec le mouvement permettait désormais aussi de vivre, et de s’exprimer.