7 Février 2024
Je n'ai rien de personnel contre François Bayrou. Mais le fait qu'il ait été ministre à l'éducation dans un ministère ( à l'ducation) en l'année où Gabriel Atal n'avait que quatre ans m'interpelle. Faut-il que Macron soit dépourvu de soutiens pour que l'on imagine sa nomination à la tête d'un grand ministère ? Pauvre France !
Un peu d’Histoire : Gabriel Attal avait tout juste quatre ans lorsque François Bayrou devint ministre de l’Éducation nationale. C’était en 1993. François Mitterrand était président de la République, Édouard Balladur Premier ministre. Autrement dit, c’était il y a une éternité, un autre siècle, une autre époque. Trente et un ans après, on parle de ce même François Bayrou pour remplacer cette pauvre Amélie Oudéa-Castéra qui n’en peut mais. Un François Bayrou relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. « Au bénéfice du doute. » Cela ne fait aucun doute : fort de cette décision de justice, le maire de Pau, bientôt 73 ans, a la vie devant lui.
Bayrou, l'homme qui ne raccroche jamais
Jamais le Béarnais n’a évoqué une tentation de Venise, à la différence de son aîné de six ans Alain Juppé. À la tête d’un petit parti, le MoDem, héritier en ligne plus ou moins patrilinéaire du giscardisme, Bayrou est toujours là, quand Juppé pantoufle au Conseil constitutionnel, que ses copains du gouvernement Balladur ont raccroché ou sont morts. En décembre, dans ces colonnes, Arnaud Florac émettait l’hypothèse d’un Bayrou à Matignon alors que les jours de Borne semblaient comptés. Une hypothèse pas plus farfelue que celle d’Attal, à bien y réfléchir. Désormais, blanc comme neige aux yeux de la Justice, le voici de nouveau sur le marché de l’emploi ministériel. Et il n’a pas traîné à remettre son CV sur le dessus de la pile en déclarant, sur le plateau de BFM TV : « Il y a beaucoup de manières de servir, j’en ai jamais éliminé aucune », a-t-il déclaré. Si vous voyez ce que je veux dire. D’ailleurs, ajoute-t-il, « je ne me suis jamais dérobé ». C’est là qu’on voit qu’on est passé, en soixante-dix ans, de l’érotisme à la pornographie. En 1958, de Gaulle, du fond de sa Boisserie, faisait au moins semblant qu’on vienne le chercher, jouant plus des silences que des déclarations intempestives. En dire (en montrer) le moins possible pour se faire désirer. C’est fini, tout ça, et il y a bien longtemps.
À ce sujet — [EDITO] Amélie Oudéa-Castéra : une affaire tellement française…
Et un nouveau ministre de l'Éducation, un ?
Cela dit, on imagine qu’il a dû en être question en plus haut lieu, de cette hypothèse Bayrou. Mettons, maintenant, que dans les heures ou les jours qui viennent, elle se concrétise. Alors, jamais les propos de Macron, lors de sa conférence de presse de janvier, ne prendraient autant de sens. Souvenez-vous. La valse des ministre de la Santé ? « Les ministres, c’est la vie politique. » Ce qui vaut pour le ministère de la Santé vaut pour celui de l’Éducation nationale. Si Oudéa-Castéra dégage, on en sera donc au cinquième ministre depuis 2017. On est bien d’accord que l’Éducation nationale est une priorité… Vous me direz que depuis les cinquante dernières années, il faut remonter à 1974 pour trouver un ministre qui resta rue de Grenelle plus de trois ans. C’était René Haby, qui tint quatre ans au poste. Vous me direz, aussi, qu’il fut aussi l’inventeur du collège unique…
Comme un problème de ressources humaines
Mais assez d’Histoire. De quoi cette rumeur d’une entrée éventuelle au gouvernement d’un éléphant de la politique française pour tenter de piloter le mammouth est-elle révélatrice ? Bien sûr qu’en politique, on n'est vraiment mort que lorsque les croque-morts ont fait leur travail. Mais surtout qu’en Macronie, il y a tout de même un sacré problème de ressources humaines. Si on enlève Le Maire, Darmanin, Lecornu et Dati (qui, désormais, ne tarit pas d’éloges sur son « ami » Bayrou…), tous issus des Républicains, on voit bien que Macron est à la peine pour se constituer un gouvernement politique robuste (passons sur la nomination caricaturale de Séjourné au poste qu’occupèrent dans notre Histoire Talleyrand ou Briand). Enfin, une question se pose : si l’hypothèse Bayrou prospère, que serait l’autorité d’un Gabriel Attal face à un ministre qui fit ses premières armes ministérielles sous Mitterrand et Balladur et parle autant à l’oreille de Macron qu’à celle de son cheval ?