9 Novembre 2020
Mort Il y a aujourd'hui juste 50 ans le général de Gaulle reçoit un hommage vibrant de ceux qui auraitent été à ses côtés le 18 juin 1940, et dans d'autres époques dangereuses pour la France. Il est vrai aussi qu'il y avait à Colombey, ce jour, une foule de récupérateurs, lamentables créatures, au rencart comme disait le général, et cherchant par un culte aussi tardif que suspect à sauver leur misérable existance politique du bourbier en quoi elles consistent. Par exemple qu'allait chercher à Colombey-les-deux églises l'ombre falotte du François Hollande. Ce sont les alter-egos de ce misérable politicien que le général en pleine crise de 1968, avait ridiculisé et ringardisé dans une allocution radiodiffusée le 30 mai decette année là, et que je vous propose d'écouter avant de lire plus bas l'article du jour . (Le Scrutateur).
EXCLUSIF - Le nouvel ouvrage du philosophe se veut une contre-histoire du gaullisme, mais aussi, à la façon de Plutarque, une comparaison entre le Général et son éternel adversaire. Le premier en ressort sublimé ; le second misérable.
«Après la mort du général de Gaulle, il ne fut plus question de grandeur. Le Général avait dit que le peuple avait choisi d’être un petit peuple, il eut donc de petits gouvernants. Le plus petit des petits de ceux-là eut à cœur de détruire tout ce qu’avait fait le général de Gaulle ; ce fut sa seule constance: faire que ce qui avait été grand devînt petit, comme lui - il s’appelait François Mitterrand. […]
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L’opposition entre Charles de Gaulle et François Mitterrand met dos à dos un homme qui lutte contre l’effondrement d’une civilisation et un individu qui se moque que la civilisation disparaisse pourvu qu’il puisse vivre dans ses ruines à la façon d’un satrape. Le premier donne sa vie pour sauver la France ; le second donne la France pour sauver sa vie. L’un veut une France forte, grande et puissante, à même d’inspirer l’Europe des États ; l’autre la veut faible, petite et impuissante, digérée par l’Europe du capitalisme. L’un est un sénateur romain ; l’autre un citoyen de Capoue. De Gaulle vit dans une cellule de moine ; Mitterrand dans une cambuse de Cythère. Le premier est un ascète qui aime Jeanne d’Arc ; le second un jouisseur compagnon de route des héros d’un marquis de Sade charentais.
Le Général aime la madone de France et n’a qu’une seule femme sa vie durant ; le socialiste s’arrête sur tout jupon qui passe et épouse une nouvelle femme chaque jour que Dieu fait. De Gaulle a le sens de l’Histoire et des longues durées, les premières phrases de ses Mémoires témoignent: la France vient de la nuit des temps et il la veut éternelle, elle n’est pas sans passé ni futur, mais il la veut sans naissance et sans mort - elle serait là depuis toujours et pour toujours ; Mitterrand a le sens de son histoire et de la brièveté de son temps personnel inscrit dans les grands espaces infinis qui le déroutent et le conduisent dès qu’il le peut sous les jupes du philosophe pétainiste et catholique Jean Guitton, le confident de ses petites angoisses existentielles qu’il presse de questions sur ce qui advient après la mort. L’un ressuscite Caton ; l’autre réincarne Néron.
De Gaulle se sait et se veut au service de la France, et ce dès ses plus jeunes années où, à peine âgé de quinze ans, il s’imagine déjà en général boutant les envahisseurs allemands hors de France ; Mitterrand veut une France à son service et, pour parvenir au pouvoir suprême, il sera de toutes les intrigues politiciennes, avec Pétain puis avec les communistes, avec l’extrême droite puis avec les socialistes, avec les bigots puis avec les laïcards, avec les tenants de l’Algérie française puis avec des décolonisateurs, mais jamais avec les gaullistes - qui, de toute façon, n’auraient jamais voulu de lui. L’un sait avoir un destin ; l’autre se veut une carrière. De Gaulle n’ignore pas qu’il est plus petit que la France ; Mitterrand se croit plus grand que tout. L’un construit parce qu’il sait que la France lui survivra ; l’autre détruit et sacrifie à l’adage «après moi, le déluge!».
Le Général sait que le corps du roi prime et assujettit le corps privé ; l’homme de Jarnac croit que son corps privé est un corps royal. L’un écoute le peuple et lui obéit quand il lui demande de partir ; l’autre reste quand le même peuple lui signifie deux fois son congé. L’un se recueille en dehors de tout regard et, sur un prie-Dieu modeste, il invoque un genre de Dieu pascalien qui apaise la misère de l’homme sans Lui ; l’autre cherche matière à génuflexion chez une voyante ou un médecin charlatan condamné par le Conseil de l’ordre, dans les livres de sagesse égyptienne ou dans les délires des tenants d’un Grand Architecte occultiste. L’un a lu Péguy, Bergson et Nietzsche ; l’autre Paul Guimard et Erik Orsenna. De Gaulle est en Pléiade chez Gallimard ; les livres de Mitterrand s’achètent en solde chez les bouquinistes pour un ou deux euros. De Gaulle a eu Malraux ; Mitterrand, Jack Lang. L’homme de Colombey-les-Deux-Églises était une ligne droite ; celui de Jarnac un nœud de vipères. L’un a laissé une trace dans l’Histoire de son vivant, mais aussi, tel César ou Napoléon, après lui ; l’autre pèse désormais autant qu’un obscur président du Conseil de la IVe République. L’un a fait la France ; l’autre a largement contribué à la défaire… […]
Le combat du général de Gaulle aura été en tout un combat de civilisation
La question: «Que ferait de Gaulle?» n’est pas si sotte ni si vaine que cela car il a laissé une doctrine simple: celle du souverainisme selon laquelle le peuple est l’horizon indépassable de toute vérité politique, ce qui ne va pas sans l’indépendance de la France, une puissance et une force, une potentialité et une énergie à maintenir coûte que coûte. Le chef de l’État ne se sert pas de l’État mais il le sert, car il est lui-même un instrument au service de la volonté populaire. Le fin mot de la République est donc la consultation électorale qui permet de savoir ce que veut le peuple. Dans cette configuration, l’objectif du chef de l’État n’est pas de tout faire pour être élu ou réélu, mais de proposer un contrat social auquel seul le peuple peut consentir et qu’il est le seul à pouvoir rompre: l’élection permet en effet le mouvement politique par excellence, la dynamique démocratique - élection donc, mais aussi éviction.
C’est dans ce perpétuel aller et retour entre ce que veut le peuple et ce que peut celui qui, mandaté par lui, parle en son nom, que se trouve matière à grandeur. Le chef de l’État propose, le peuple dispose et quand il dispose en sa faveur, le premier des Français fait le nécessaire pour maintenir la grandeur de la France - ce qui suppose, a minima, qu’on veuille que la France soit et dure, et non pas qu’on prétende qu’elle n’aurait plus de sens et d’avenir qu’en devenant la petite province d’une grande puissance européenne devenue courroie de transmission du marché.
En fait, le combat du général de Gaulle aura été en tout un combat de civilisation. André Malraux l’a compris parmi les premiers et, après son compagnonnage avec les communistes avant-guerre, il le rejoint en politique pour cette seule et unique raison. […]
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Il est malveillant de dire que de Gaulle est contre l’Europe: il est contre celle de Jean Monnet, libérale et pro-américaine, mais pour celle qui permet aux nations associées en elle de se retrouver plus fortes. Il dit: «La politique de la France est de faire une Europe qui en soit une, qui existe par elle-même, qui ait son économie, sa défense, sa culture. C’est un sujet qu’il faut traiter objectivement et sans passion. La France est profondément attachée à la construction européenne. C’est dans le cadre européen que nous entendons désormais placer notre vie nationale.» L’Europe gaullienne et gaulliste, c’est donc une Europe au service des nations et non des nations au service de l’Europe.
Ce n’est donc pas faire parler un mort ni lui faire injure que d’estimer que le traité de Maastricht puis le traité de Lisbonne, par lesquels la France renonce à sa souveraineté, n’auraient aucunement obtenu ses faveurs et qu’ils auraient même provoqué son courroux. Nombre de pouvoirs nationaux ont été transférés au niveau supranational. Désormais, le pouvoir véritable se trouve moins dans le Parlement européen que dans une Commission opaque rassemblant des gens qui ne sont pas élus par le peuple mais nommés par le chef de l’État du pays concerné. La monnaie n’est plus nationale, la diplomatie non plus, les frontières ont disparu, la défense est commune: quels sont dès lors les attributions de l’État et, partant, les attributions du chef de cet État? L’Assemblée nationale et le Sénat ont un pouvoir secondaire par rapport à celui de la Commission de Bruxelles.
Michel Onfray.
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