10 Juin 2011
"L'accroissement du nombre de fidèles [musulmans] et un certain nombre de comportements posent problème." Le ministre de l'Intérieur ne sera pas jugé pour ses propos tenus à Nantes le 4 avril dernier, à la veille d'un débat sur la laïcité. La Cour de justice de la République (CJR) a rejeté ce vendredi une demande d'enquête sur le ministre de l'Intérieur Claude Guéant pour "incitation à la discrimination raciale".
Cette décision ne peut pas faire l'objet d'un appel, ce qui dégage l'avenir judiciaire du ministre, qui était menacé de poursuites susceptibles d'affaiblir sa position, à l'image de son prédécesseur Brice Hortefeux.
L'avocat de SOS Racisme, l'ONG qui avait saisi la CJR, s'est déclaré "atterré" par une décision qui risque d'être vécue "comme un déni de justice par les millions de personnes qui se sentaient visées" par les propos du ministre.
Un discours récurrent pour SOS Racisme
"Il est difficilement compréhensible que des personnages politiques dans l'exercice de leurs fonctions ne puissent pas répondre de leurs propres actes", a dit Me Patrick Klugman à Reuters. "Il est malheureux dans cette affaire que les victimes n'aient pas eu accès aux juges."
Dans sa requête, l'association rappelait ses déclarations : "En 1905, il y a avait très peu de musulmans en France, aujourd'hui il y en a entre 5 et 6 millions. L'accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème."
Pour l'association, les propos du ministre n'étaient pas "un simple dérapage" mais s'inscrivaient dans un discours récurrent "fondé pour l'essentiel sur la xénophobie et la discrimination."
Outre les ONG antiracistes, l'opposition de gauche accuse Claude Guéant de reprendre systématiquement depuis sa prise de fonctions les thématiques du Front national.
"Ministre du FN" ?
Pour Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée, Claude Guéant, est "devenu le ministre du FN".
La présidente du parti d'extrême droite, Marine Le Pen, a de son côté ironisé sur ce proche de Nicolas Sarkozy, ancien secrétaire général de l'Elysée, estimant qu'il méritait une carte de "membre d'honneur" du FN.
SOS Racisme avait relevé dans sa requête toute une série de propos litigieux du ministre.
Dans le journal Le Monde du 15 mars, Claude Guéant expliquait que "les Français ont le sentiment que les flux (migratoires) non maîtrisés changent leur environnement." "Ils ne sont pas xénophobes. Ils veulent que la France reste la France", disait-il
Le prédécesseur de Claude Guéant, Brice Hortefeux, a été condamné pour injure raciale le 4 juin 2010 puis en décembre dernier pour atteinte à la présomption d'innocence. Jeudi, le parquet a réclamé sa relaxe lors du procès en appel pour des propos jugés racistes en première instance.
Ces condamnations, qui ne sont pas définitives, avaient affaibli la position de ce fidèle de Nicolas Sarkozy, écarté du gouvernement lors du remaniement de février dernier.