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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Peut-on faire confiance à François Hollande, par Jean D'Ormesson.

Pour un coup d'éclat, c'était un coup d'éclat. Annoncée à grand fracas, attendue avec impatience, la troisième conférence de presse du président Hollande a ouvert une étape nouvelle et suscité une foule de questions qui peuvent être rangées sous trois rubriques: confirmation ou tournant? Quels effets sur l'opposition? Quels effets sur la majorité?

Intervenant dans un contexte particulièrement difficile - impopularité record, crise de la vie privée -, le président est apparu au mieux de sa forme. On dirait que les épreuves lui réussissent assez bien. À la fois digne et amusant, détaché et précis, il a fait de sa troisième conférence de presse un succès verbal qui rappelle son grand discours du Bourget. À ceci près qu'il a dit il y a quelques jours à l'Élysée exactement le contraire de ce qu'il a dit il y a dix-huit mois au Bourget.

Le président lui-même est bien conscient de ce retournement. La meilleure défense étant dans l'attaque, il a tenu à insister sur «la constance qui est la mienne depuis mon premier engagement». Pour que personne ne s'y trompe, il a précisé avec force qu'il n'était pas question de tournant, mais, bien au contraire, d'accélération sur le même chemin. Peine perdue. Presse de droite et presse de gauche, unanimité des commentateurs, sentiment commun de tous les téléspectateurs, tout le monde est d'accord pour reconnaître que la conférence de presse marque, au minimum, une inflexion, et peut-être même un virage à cent quatre-vingts degrés de la doctrine présidentielle.

La meilleure défense étant dans l'attaque, il a tenu à insister sur «la constance qui est la mienne depuis mon premier engagement»

Plus proche d'un politique de la IIIe ou de la IVe République que du général de Gaulle, François Hollande a marché, en 2014, dans les pas de François Mitterrand en 1983: il a opéré un virage imposé par la constatation de la réalité. Il a illustré une fois de plus la malédiction historique qui veut que la gauche au pouvoir soit dramatiquement différente de la gauche en campagne.

Au moins temporairement, opérant, comme toujours, une sorte d'attente et de fuite en avant, remettant à son habitude les choses au lendemain, François Hollande a maintenu Ayrault à son poste de premier ministre et il lui a demandé de faire demain le contraire de ce qu'il a fait pendant dix-huit mois, à jamais perdus. Le sort du malheureux premier ministre sera sans doute réglé au lendemain des municipales, ou peut-être des européennes. Par qui sera-t-il remplacé? Tout ce que l'on peut dire, c'est que l'hypothèse Martine Aubry à Matignon semble désormais écartée. Il s'agira pour Hollande de trouver un homme - ou une femme - de gauche compatible avec le nouveau cours droitier de la parole présidentielle.

Le président n'a pas changé de politique parce qu'il aurait des convictions, parce qu'il s'avancerait masqué, parce qu'un destin se déroulerait. Il a changé - radicalement, aux deux sens du mot - de politique pour la simple et bonne raison que celle qu'il a menée jusqu'à présent s'est révélée désastreuse. Il a mis dix-huit mois à comprendre qu'il s'était trompé et que la crise était plus profonde et plus durable qu'il ne l'avait d'abord cru.

Ce que François Hollande, dans un langage éloigné de la vérité d'une façon stupéfiante, a appelé sa «constance» et «l'accélération sur un même chemin» est en vérité un ralliement aux thèses défendues par l'opposition. Devant les risques d'effondrement, de bons esprits avaient cru pouvoir spéculer, avec un peu d'imprudence, sur une dissolution de l'Assemblée nationale suivie d'une cohabitation. François Hollande a fait beaucoup mieux avec une intelligence tactique remarquable: il a repris à son compte les voies et moyens de l'opposition en lui demandant son concours au nom d'une union nationale à peine camouflée.

Le résultat a été un vent de panique dans une opposition déjà déboussolée et minée par les querelles de personnes et par les divisions. Fallait-il repousser toutes les avances en bloc ou les accepter le bec enfariné? Le spectacle de l'opposition au lendemain de la conférence de presse a été aussi tristement réjouissant que la conférence elle-même. Les chiffres ont volé à la façon d'enchères où le vague le disputait à l'absurde et où les milliards se distribuaient comme par enchantement. Le chiffre d'un million d'emplois assurés en échange des paroles présidentielles a paru dérisoire à M. Arnaud Montebourg, qui a poussé le bouchon un peu plus loin: ce sera deux millions ou rien.

Ce que François Hollande, dans un langage éloigné de la vérité d'une façon stupéfiante, a appelé sa «constance» et «l'accélération sur un même chemin» est en vérité un ralliement aux thèses défendues par l'opposition

Le côté comique de ces propositions et contre-propositions n'a guère été souligné. Et ceux qui le dénonceront ne tarderont pas à être catalogués comme des déclinistes et comme de mauvais Français. Pourquoi, dira-t-on, ne pas faire confiance à François Hollande, social-démocrate sinon confirmé, du moins soudain révélé? Pourquoi? Parce qu'un arbre est jugé à ses fruits. François Hollande s'est bien gardé de jamais trop s'engager, mais, enfin, pour son malheur, il s'est engagé à fond sur deux points, et sur deux points seulement: l'inversion avant la fin de 2013 de la courbe du chômage et le retour au fameux 3 % du PIB. Où en sommes-nous aujourd'hui? Pour se méfier de l'avenir, il suffit de constater le présent et de se souvenir du passé.

S'il y a eu, après la conférence de presse, un sentiment de méfiance et d'inquiétude, ce n'est pas au sein de l'opposition. C'est au sein de la majorité de gauche. François Hollande a été élu président grâce aux voix de Bayrou, bien sûr, mais aussi grâce aux voix de l'extrême gauche, soit au sein du PS lui-même, soit du côté des communistes et de M. Mélenchon. Faiblesse de l'habileté: ce sont ces voix d'extrême gauche, et peut-être un certain nombre de voix de gauche, qui, révulsées par la teneur droitière de la conférence de presse, risquent de manquer désormais à M. François Hollande.

Rattrapera-t-il au centre, voire dans la droite modérée, les voix perdues à l'extrême gauche ou à gauche? C'est possible. Ce n'est pas sûr. Il n'est pas acquis d'avance que la parole présidentielle, si souvent démentie par les faits, suffise à l'emporter sur la dure réalité, longtemps ignorée, selon l'aveu - tardif - de François Hollande lui-même. MHollande est intelligent et habile. C'est un rhéteur de talent, toujours oscillant entre le oui et le non. Attaché à un socialisme français qui n'a pas fait sa mue, il est social-démocrate par éclipses. Voilà qu'il essaie de cajoler les entreprises qu'il a accablées pendant un an et demi. Tout ce qu'il a attaqué et démoli hier, il le revendique à son compte aujourd'hui. Incertain et changeant, velléitaire, capricieux, virtuose du zigzag et bien sûr de ses choix, adorant ce qu'il a brûlé, et brûlant ce qu'il a adoré, il commente sévèrement un cours des choses dont il est le premier responsable. On dirait qu'il passe son temps à poser des sparadraps sur les plaies qu'il a creusées lui-même. Reniant son passé, donnant raison à ses adversaires de droite en se préparant peut-être à les traiter demain comme il traite aujourd'hui ses amis de gauche d'hier, François Hollande, dans tous les domaines de la stratégie politique, n'en finit pas de vouloir le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière par-dessus le marché.

Jean d'Ormesson.

* Membre de l'Académie française.

 

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C
<br /> Puisqu'officiellement, il quitte Valérie, qu'il se contente du cul de Julie, et qu'il ne s'occupe plus de politique!<br /> <br /> <br /> Et nous, nous garderons le beurre et l'argent du beurre!<br />
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