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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Littérature : On a retrouvé Michel Houellebeck, par Raymond Joyeux.

 

 

 

Houllebecq.jpg ( Michel Houellebeck ).

 

 

 

 

( Notre ami Raymond Joyeux poursuit sa chronique littéraire, en nous parlant aujourd'hui de l'écrivain Michel Houellebeck.EB ).

 

 

 

Désarroi sans lendemain dans le landernau littéraire :

l’écrivain Michel Houellebecq disparu, finalement retrouvé !

 

La rumeur a couru en effet ces derniers jours sur la disparition mystérieuse de Michel Houellebecq. Celui-ci n’a donné, semble-t-il, aucun signe de vie durant une semaine, ni à ses proches ni à son entourage éditorial qui se sont inquiétés. L’écrivain a finalement été retrouvé sain et sauf en Espagne... tel un personnage de son avant-dernière publication : La possibilité d’une île...

 

C’est l’occasion où jamais de revenir sur cet auteur à succès, natif de la Réunion et Prix Goncourt 2010 pour son roman paru chez Flammarion en septembre de la même année : La carte et le territoire... Mais paradoxalement, ce n’est pas de ce livre (son meilleur, semble-t-il) que je vous entretiendrai dans la présente chronique. Comme tout lecteur attentif aux prix littéraires, j’imagine que vous vous êtes précipités l’an dernier sur le Goncourt et que vous vous êtes fait une idée personnelle du contenu de ce roman. Je m’attacherai donc à vous donner mon sentiment sur son précédent livre justement : La possibilité d’une île,  quatrième roman de l’auteur, publié en 2005 chez Fayard.

 

Ce roman commence ainsi :

 

C’est bien à tort qu’on suppose que toutes choses se conservent dans le sanctuaire de la mémoire... La mémoire cognitive a pour support adéquat le langage.”

 

Je préciserai pour ma part le langage transcrit. Qui n’est pas seulement d’ailleurs le support de la mémoire mais la condition première de sa survivance. Ce n’est pas pour rien que l’Histoire connue de l’humanité commence avec l’apparition de l’écriture. C’est-à-dire avec ce qui permet la matérialisation et la perpétuation du langage compréhensible articulé et de la pensée, deux attributs spécifiques de l’homme. Une langue sans écriture, sans transcription matérielle et durable, est vouée à terme à la disparition. Sinon à sa propre et totale disparition, du moins à l’altération ou à la méconnaissance de tout un pan de l’histoire du groupe social qui la pratique sans en laisser une trace matérielle autre que l’évanescente et éphémère oralité... Encore que, aujourd’hui, les moyens techniques d’enregistrement atténueraient fortement cette dernière assertion. Se souvenir néanmoins de cette affirmation de Stéphane Mallarmé : « La parole et l’écriture sont les deux manifestations (essentielles) du langage. »

 

 

la-possibilite-d-une-ile.jpg

 


La possibilité d’une île : bien que séduit par le titre, j’étais réticent à me lancer dans la lecture de ce roman. À cause sans doute du matraquage médiatique, auquel je suis allergique, et que provoque chaque publication ou simple apparition de l’auteur, mais aussi parce qu’ayant lu ses deux précédents ouvrages, je m’attendais à y trouver les mêmes ingrédient, autrement dit : du Houellebecq.

À la vérité, je n’ai pas été trop déçu. Car, davantage encore que dans Les particules élémentaires ou Plateforme, l’auteur pousse le cynisme à son degré le plus élevé. Et, sans dévoiler les avatars successifs du narrateur Daniel, - qui structurent de façon ultra futuriste l’intrigue et le développement de l’œuvre - je pense qu’il est parfois bon d’entendre un langage, même outrancier, qui cisèle aussi précisément le profil sombre de la condition humaine. L’auteur décortique avec une adresse et une précision chirurgicales les mensonges et les hypocrisies habituels dont on emballe généralement aussi bien les rapports sociaux que les relations intimes et les (pseudo) sentiments. Ce livre dépoussière certains tabous et transpose dans le réel (fictionnel) les théories de Cioran sur la supposée misère congénitale de l’homme. Ce n’est pas du pessimisme, c’est un coup d’éponge salutaire dans la vision volontairement idéalisée et souvent erronée que nous avons généralement de notre condition. Il ne faut pas chercher plus loin les causes de la polémique et des réactions de rejet que provoque cet auteur. Sa clairvoyance et son style direct dérangent à juste titre les bien pensants et les adeptes du politiquement correct. Mais n’est-ce pas aussi le rôle de la littérature - et de l'art en général - que de remettre les choses en place de temps en temps et de renvoyer l’homme à ses tendances  inavouables, qui le poussent trop souvent à dissimuler les manifestations et les conséquences des bas instincts dont il est pour partie pétri ?

 

Pour autant, Houellebecq n’est pas un philosophe. Ce n’est ni le Camus de La Peste, ni le Malraux de La Condition humaine, ni le Sartre de La nausée, encore moins le Cioran de L’inconvénient d’être né ou du Précis de décomposition. Je le vois plutôt comme un clown triste ou un mystificateur doué, qui se régale à dénoncer et à faire exploser - sans autre portée que littéraire - les conventions établies. Et cela dans tous les domaines : monde des arts, du spectacle, de l’argent, des  médias, de l’idéologie, de la religion, de la politique, des sciences, du sexe, des relations sociales et sentimentales...  En réalité, à mon sens, Houellebecq n’a que faire de la condition humaine et n’a aucune théorie personnelle là-dessus. Il se contente d’en trouver les failles, de les habiller habilement et de nous les renvoyer en pleine figure, avec cynisme et jubilation.

 

C’est n’est pas non plus le militant avoué d’une quelconque cause anti-humaniste. Plutôt un provocateur crypto-timide qui fait semblant de se prendre au sérieux et utilise toutes les ficelles de son acuité intellectuelle pour nous balancer ses (ou nos) quatre vérités en gagnant de l’argent (respectivement 400 000 et 500 000 exemplaires vendus de ces deux précédents romans évoqués plus haut), et en jouissant des réactions médiatiques que  provoque sa sulfureuse mais artificielle réputation. Un antidote à la mouise récurrente de Houellebecq : Humanisme intégral, cet essai roboratif toujours d’actualité du grand penseur catholique, Jacques Maritain, paru en 1936 aux éditions du Cerf et réédité en 2000 chez Aubier-Montaigne, et peut-être aussi, - mais sans comparaison avec l’essai de Maritain - : Au secours, Houellebecq revient de Éric Naulleau, aux éditions Chiflet &Cie.

 

Raymond Joyeux

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