12 Février 2014
Justin Catayée fut député de la Guyane, de 1958 à son décès en 1962, jusqu'au crash du Boïng 707 d'Air France, sur un contrefort montagneux, commune de Deshaies, en Guadeloupe.
Comment pourrait-on l'oublier puisque, chaque année, et plusieurs fois plutôt que deux ou trois, les radios et télévisions de nos îles nous rappellent cet accident, transformé en attentat probable de l'Etat français, contre ce député alors autonomiste en politique, l'autonomie ayant été dans le vocabulaire politique de ces années 60 et 70 synonyme de séparatisme ou indépendantisme.
Hier soir, sur Guadeloupe 1ère, plusieurs minutes étaient consacrées à ce supposé attentat politique d'Etat ( fwancé! kon zot ka douté zot ).
Et nul doute que nous en aurons une nouvelle version, en juillet prochain, sinon avant, pour l'anniversaire du « crash criminel d'Etat », avec discours sur la colline tragique, larmes de la veuve et des descendants, discours épique de maître Félix Rodes qui se sera fait hisser jusqu'au lieudit par des bras compatissants.
C'est au nom de la justice et de la VERITE HISTORIQUE que l'on s'exprimera, bafouées par l'iniquité du pouvoir Kolonyal.
Je sais bien qu'il est difficile d'atteindre la vérité absolue dans cette « science » conjecturale qu'est l'histoire. Et je n'oublie pas qu'il n'y a pas que dans la fable de La fontaine qu'un ami trop zélé, et peu futé de la paix, peut commettre, au nom du bien, l'irréparable.
Mais tout d'même, tout d'même, tout d'même!
Justin Catayée était un autonomiste guyanais. Soit!
Etait-il cependant un personnage si important que son existence mit en péril l'équilibre national ?
Et, en admettant que l'on ait jugé bon de le rayer du nombre des vivants, n'existait-il pas, pour les services secrets d'une grand nation de moyen plus appropriés, et moins couteux que la destruction, avec lui, d'un avion Boïng, et d'un centaine de passagers de toutes origines, parmi lesquels plusieurs amis du Scrutateur?
Par exemple un bon petit accident d'auto, sur une route déserte, alors que le député se rendait chez une amie.
Ou bien une bonne petite indigestion qui tourne mal, à la fin d'un bon repas entre copains, si l'on voit ce que je veux dire.
Facile pour les services secrets d'un pays organisé. Et tellement moins couteux!
Le raisonnement est simple et clair.
D'où la nécessité, pour les accréditeurs de fables, de mentir à répétition, en vertu d'un principe, vieux comme la politique, évoqué par Voltaire ( « mentez, mentez! Il en restera toujours quelque chose ) et repris à son compte par Adoph Hitler : « Un mensonge répété dix fois reste un mensonge; répété dix mille fois il devient une vérité. »
En écrivant ces lignes, je me remémore le propos de ce Paul Valéry,intelligence supérieure, que je découvris il y a quelques 53 ans, sans pouvoir jamais m'en déprendre : « L'historien fait pour le passé ce que la tireuse de cartes fait pour le futur. Mais la sorcière s'expose à une vérification et non l'historien »
Je ne dirai pas que de l'histoire à l'imposture il n'y a qu'un pas. Même pas à la façon d'un Sacha Guitry qui aurait précisé « je ne le dis pas, mais...... je le pense ».
Non! Le sujet est trop sérieux et important pour qu'on le conclut par une boutade, bonne ou mauvaise
Mais, -et je m'adresse ici à ces jeunes étudiants guadeloupéens, en métropole, qui viennent de m'écrire pour solliciter quelques conseils de lecture -, il importe de se souvenir que l'on peut dire de l'historien ce que le Martiniquais Jules Monnerot disait du sociologue, qu'il n'est qu'un « computeur situé et daté », ( Jules Monnerot : Sociologie du communisme. P-U-F ) une subjectivité à l'oeuvre avec tous les avantages et inconvénients de sa nature active, créatrice, et inventive.
Quand nous lisons un livre d'historien, sur un personnage, une époque, etc, il ne faut jamais oublier que sur le même personnage, la même époque, etc, d'autres historiens ont vu, disent-ils ( et sincèrement, pour beaucoup, car je ne parle pas ici des bonimenteurs de profession ) des choses singulièrement différentes de celles aperçues par leurs dignes collègues « chercheurs ».
Si j'osais ( mais je n'oserai pas ) je poserais la question : Et si les livres d'historiens n'étaient que des livres « d'histoires »?
Et je graverais en lettres d'or, énormes, au-dessus de mon clavier d'ordinateur, ce mot du grand Jean-Baptiste Bénigne BOSSUET: « Je crains l'homme d'un seul livre ».
E.Boulogne.