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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Il a raté le Nobel : son dernier roman : un chef d’œuvre pour les uns de la bouillie pour les autres, par Raymond Joyeux.

 

 

 

Il a raté le Nobel :

son dernier roman : un chef d’œuvre pour les uns

de la bouillie pour les autres.

 

 

1q84.jpg

 

 

Seuls les deux premiers tomes, sur les trois publiés au Japon en 2009, du long roman de l’écrivain Haruki Murakami – dont nous avons parlé dans une précédente chronique -  ont été édités chez Belfond, et parus en France à la fin du mois d’août de cette année. Le troisième tome est prévu pour 2012.

 

Il n’y a pas que le titre - 1Q84  - de ce roman à tiroirs qui interpelle le lecteur. Sa composition elle-même est surprenante quoique pas nouvelle en littérature. Pour ne prendre qu’un seul exemple, Jonathan Coe  procède de la même manière dans La maison du sommeil, (Folio 3389).  Comme dans ce livre du romancier britannique, deux histoires parallèles se déroulent en effet dans le roman de Murakami et, chapitre après chapitre, nous voyons évoluer alternativement les deux principaux personnages, avec l’intuition qu’ils se sont connus autrefois et se retrouveront à un moment ou à un autre du récit. Sinon dans le premier tome du moins dans l’un les deux suivants. Les subtils indices habilement semés par l’auteur et de plus en plus évidents au fil du récit ne laissent aucun doute à ce sujet.

 

S’il arrive que le lecteur impatient soit tenté de sauter tel ou tel chapitre pour suivre le personnage de son choix, il n’en reste pas moins que l’histoire  respective des deux protagonistes, et finalement des autres personnages, semble parfaitement imbriquée, même si les pièces du puzzle ne se mettent en place que très progressivement.

 

De quoi s’agit-il en fin de compte ? Clin d’œil Orwellien, pas seulement littéraire : nous sommes en 1984. Le récit débute par l’entrée en scène du personnage principal féminin, au nom improbable d’Aomamé. Bloquée dans un embouteillage elle écoute à l’arrière d’un taxi la Sinfonietta de Janàcek, compositeur tchèque dont elle s’étonne de connaître instinctivement le nom. Cette jeune femme, qui n’est pas sans rappeler la Lisbeth Salander de Millenium du Suédois Stieg Larsson, a un « travail » urgent et important à faire, comme elle l’explique au chauffeur de taxi. Ce « travail  » ne pouvant attendre, elle débarque du taxi, au milieu de l’autoroute et des voitures arrêtées et, sur les conseils du taximan, rejoint à pied par un étroit escalier métallique la gare située en contrebas, ce qui lui permettra de ne pas rater son train pour la ville où elle doit remplir sa mystérieuse mission.

 

La description particulièrement expressive que fait l’auteur du visage anamorphique d’Aomamé nous indique d’emblée que ce personnage a quelque chose de troublant, voire d’inquiétant,  qui se précisera au cours de l’histoire et que résume l’épigraphe en exergue à ce premier chapitre : « Il ne faut pas se laisser abuser par les apparences... » Nous apprendrons évidemment par la suite  quel est ce « travail » auquel se livre Aomamé, pour quelles raisons elle le fait et qui la soutient et la dirige dans cette entreprise.

 

Le second chapitre nous présente Tengo, personnage principal masculin du roman. Comme Aomamé, Tengo a 29 ans. Il est professeur de mathématiques dans une école préparatoire et écrivain débutant à ses heures perdues. Encouragé par un éditeur influent et redouté qui apprécie son talent, il est pressenti par ce dernier pour réécrire le manuscrit d’un premier roman que s’apprête à publier une toute jeune fille de 17 ans jusqu’alors inconnue. Après moult hésitations et interrogations sur les conséquences pour sa propre carrière de ce projet hasardeux, Tengo accepte finalement de rencontrer la jeune romancière. Le manuscrit de La chrysalide de l’air sera réécrit et le livre obtiendra le prix du premier roman, ce que souhaitait l’éditeur... Nous reconnaissons ici le procédé du roman dans le roman.

 

Par-delà l’histoire en parallèle des personnages, se dégage au fil d’une écriture limpide et comme toujours parfaitement maîtrisée, une philosophie, une interrogation sur le sens de l’existence humaine individuelle et collective que le lecteur découvrira aisément. Enfermés, enfants, dans un système clos et abusif, tant familial que social ou religieux, les principaux protagonistes de 1Q84 réussiront à s’en échapper, à se reconstruire librement, tout en étant fortement marqués par leur difficile et éprouvant passé. « Devenir libre, qu’est-ce que cela veut dire finalement ? s’interroge Aomamé... Est-ce que cela signifie réussir à s’échapper d’une cage pour s’enfermer dans une autre beaucoup plus grande ? »

 

Bien entendu, l’intrigue - les intrigues successives et enchevêtrées - ne s’interrompent pas à la fin du premier volume. Deux autres tomes nous apporteront sans doute la clé définitive au dénouement de ce nouveau et grand roman, selon moi, de Murakami, à déguster sans modération. N’oubliez pas la référence à George Orwell et l’année du déroulement des faits  : 1Q84 !

  

 Raymond Joyeux

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