Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
4 Février 2009
( Les lecteurs du Scrutateur trouveront ci-dessous, en deux parties, le scrpt complet de l'émission de canal + qui sera diffusée sur nos écrans très prochainement, intitulée « Les derniers maîtres de la Martinique ».
En ce moment, les békés (à la Martinique), les blancs créoles (à la Guadeloupe) sont sur la sellette.
Ils constituent une des facettes des antilles françaises. Tout récemment j'ai répondu aux questions d'un journal dynamique de jeunes Guadeloupéens, situés « à gauche » : Le Mika déchaîné, sur le milieu des blancs créoles de la Guadeloupe. J'ai tâché d'être honnête, et objectif. On pourra lire le texte de cette interview sur ce blog même, en cherchant à gauche de notre écran, dans la rubrique des catégories, en cliquant sur la rubrique Société, et en faisant « défiler » jusqu'à l'article en question : Le milieu des blancs créoles de la Guadeloupe.
L'émission de Canal + est d'une autre nature. On y trouve mêlées, des choses authentiques, et d'autres qui le sont beaucoup moins, qui relèvent davantage de la subversion politique et sociale que d'un souci d'information objective.
Il n'en reste pas moins que certains des chefs d'entreprises békés qui s 'y expriment, - des gens d'une autre génération, des octogénaires, - montrent à quel point on peut être un entrepreneur de très grande qualité, et, sur d'autres plans, des gens coupés des réalités. Je n'accuserai pas monsieur Alain Huygues-Despointes de racisme, parce que je ne le crois nullement « raciste ». Mais enfin des propos qui auraient fait sourire en 1950, et les premiers interessés eux-mêmes, par exemple sur « les nègres qui sont de grands enfants » sont en 2009 parfaitement déplacés. Le monde, la France, et la Martinique, et la Guadeloupe ont changé depuis cette époque. Les petits enfants des « grands enfants » ne peuvent comprendre ce langage d'un paternalisme désuet.
Cela dit, je l'espère fermement, et sans équivoque , je ne me joindrai pas à la cohue de ceux qui vont, en métropole et en outre-mer prendre des airs de cabris effarouchés ou de chacals enfiévrés devant ces maladresses d'un autre âge.
Nos îles sont ce qu'elles sont, nous nous connaissons bien les uns et les autres par delà nos bigarrures. Nous crions, nous hurlons, mais nous sourions aussi, en douce. Il y a de la farce dans notre théâtre.
Dans notre vie quotidienne, demain, nous nous retrouverons, nous nous fréquenterons, et nous coopérerons – ayant, - les uns et les autres - , tenus compte de nos « bétises » et de nos rodomontades, pour la continuation de nos sociétés créoles françaises, qui ne sont pas si mal, quoique que nous en disions dans certains de nos « forums », qui ressemblent parfois à s'y méprendre à des « pits a kok » (des gallodromes) . Les journalistes boutefeux, venus de Paris pour dresser les uns contre les autres les membres turbulents de la tribu antillaise, n'y comprendront rien. Tant pis pour eux! Tant mieux pour nous!
Edouard Boulogne).
Présentateur
Bonsoir. Je suis très heureux de vous retrouver comme tous les vendredis pour ce nouveau numéro de Spécial investigation.
Ce soir, nous vous emmenons en Martinique. Enquête sur ceux qui ont façonné ce département français depuis des siècles : on les appelle les békés, c'est une petite communauté blanche, très puissante et très fermée.
Journaliste
Les Caraïbes comme on l'imagine : de l'eau bleue turquoise à 30 degrés, des paysages de rêves et de grandes villas, les pieds dans l'eau. C'est le bastion de la communauté békée, un monde à part où les blancs vivent entre eux.
Présentateur
Ces békés, ce sont les descendants des premiers colons blancs arrivés en Martinique au XVIIe siècle. Aujourd'hui, ils sont moins de 3000, ce qui représente environ un pour 100 de la population locale, mais ils détiennent 40 pour 100 des supermarchés, 60 pour 100 des terres agricoles et même 90 pour 100 de l'industrie agroalimentaire. Une domination économique qui est souvent mal vécue par les 96 pour 100 de noirs et de métis et qui composent l'essentiel de la population. Pour certains, les békés monopoliseraient la richesse et surtout, ils seraient les principaux responsables du coût élevé de la vie, ce que l'on appelle là-bas la vie chère et qui vient d'ailleurs de provoquer une grève générale en Guadeloupe.
Derrière la carte postale, vous allez donc découvrir un département français sous haute tension. Les Derniers maîtres de la Martinique, c'est une enquête de Romain Bolzinger pour Tact presse et Spécial investigation.
Journaliste
Avril 2008 : la Martinique est en deuil. Aimé Césaire s'en va, il entraîne derrière lui une foule immense. Aimé Césaire, le chantre de l'anticolonialisme, l'intellectuel qui a redonné toute sa fierté aux descendants d'esclaves.
Interviewé
Il a trouvé dans la négritude un mot nous disant que nous sommes des êtres humains.
Journaliste
Pour rendre un dernier hommage au poète, la plupart des politiques français ont fait le voyage. Le président Sarkozy, Ségolène Royal et nombre d'anciens Premiers ministres.
Événement exceptionnel : la présence singulière de descendants des colons blancs comme Bernard Hayot. C'est la 119e fortune de France. L'homme d'affaires le plus puissant de l'île.
Bernard HAYOT
L’émotion... L'émotion que je viens partager avec le peuple martiniquais et toute la France.
Journaliste
En Martinique, on les appelle les békés : les blancs créoles. Leurs ancêtres ont colonisé l'île il y a près de quatre siècles et aujourd'hui, cette infime minorité blanche semble communier au milieu des noirs antillais. Mais contrairement à la foule, le recueillement est plutôt discret.
Un dernier hommage à M. Césaire ?
Eric DE LUCY DE FOSSARIEU
C’est pas le moment ! En cet instant, je suis muet. Il est muet comme moi. La réponse est faite.
Journaliste
Aimé Césaire, c'est l'homme qui a gommé les tensions entre les noirs descendants d'esclaves et les blancs descendants des colons. Mais derrière ce consensus apparent, la Martinique est coupée en deux depuis des siècles. D'un côté, des familles békées fortunées, de l'autre, une population dont 15 pour 100 vit sous le seuil de pauvreté.
La Martinique, une ancienne colonie française devenue un département en 1946. 400 000 habitants qui sont officiellement égaux depuis seulement 60 ans. Pourtant, le clivage racial et les tensions sociales sont toujours exacerbés dans l'île.
Port de commerce de Fort-de-France, 200 containers de bananes attendent au soleil depuis une semaine. Les docks sont paralysés par une poignée de manifestants : ils empêchent l'expédition des bananes en métropole.
Interviewé
On bloque la banane. Tout peut passer, sauf la banane.
Journaliste
Les ouvriers de la banane exigent une prime exceptionnelle à leurs patrons békés, les anciens colons.
Interviewé
Nous sommes des esclaves.
Journaliste
C’est pas un peu trop, de dire que vous êtes des esclaves ?
Interviewée
Nous sommes des esclaves, c'est la réalité. Nous sommes des esclaves. Esclaves modernes.
Allez chercher Aubery, Hayot, de Lucy, de Reynal, Viviers : tout ça, c’est des gros békés. C'est à cause d’eux que nous sommes là !
Interviewé
Ils sont en train de couillonner les ouvriers. Tout temps, ils nous disent qu'il n'y a pas d'argent dans la banane.
Et on voit qu’ils font des bénéfices.
Interviewée
Ils sont même devenus des milliardaires de la banane !
Journaliste
Le dialogue social n'est pas bon avec les békés ?
Interviewée
Ah non ! Les békés se foutent de nous ! Le dialogue social à la Martinique, c'est à la con.
Journaliste
Qui est votre patron ?
Interviewé
Bernard Hayot.
Journaliste
Bernard Hayot, c'est la plus grande fortune de Martinique. 300 millions d'euros. Il a donné ses initiales à une multinationale implantée sur une quinzaine de territoires. Bernard Hayot emploie plus de 5000 personnes mais il ne répond presque jamais aux journalistes. C'est son bras droit Éric de Lucy de Fossarieu qui nous reçoit. Lui aussi est béké. C'est un homme influent.
Eric DE LUCY DE FOSSARIEU
Tu as de la chance que je sois de bonne humeur ce matin, parce que tu m'emmènes exactement là où tu as envie ! Lui, c'est Jacques Chirac. Lui, c'est le président de la République, il s'appelle Chirac.
J'entretenais à cette époque-là avec le président de la République des relations très bonnes, des relations plus anciennes d'ailleurs que de l'époque où il était président de la République. Je le connais depuis très longtemps.
Journaliste
Jacques Chirac ou encore Bernard Pons, l'ancien ministre de l'Outre-mer. Le grand patron des bananiers est un homme de réseaux.
Ce matin, ce n'est pas la grève qui anime sa discussion avec un collègue planteur : une bonne nouvelle vient d'arriver de Paris.
Eric DE LUCY DE FOSSARIEU
La banane a une très bonne nouvelle : c'est que les 50 millions d'euros de prêt qui nous avait été fait par le gouvernement ont finalement été transformés en subvention avec l'accord de Bruxelles hier. Donc ça va changer la gueule de tes comptes d'exploitation et de tes propriétés. Tu passes en profit ce qui était en dette.
Journaliste
Pour ce qui est de la grève, Éric de Lucy se veut rassurant.
Eric DE LUCY DE FOSSARIEU
La deuxième, c'est que je suis pas très très très... Je suis soucieux mais pas très inquiet de la grève : je pense qu'elle est extrêmement peu suivie.
Journaliste
Une grève dans la banane ?
Eric DE LUCY DE FOSSARIEU
Pas grave ! Un mouvement social pour cause de distribution de primes, certains planteurs ont donné des primes à leurs ouvriers.
Journaliste
Le climat social et syndical est très tendu ?
Eric DE LUCY DE FOSSARIEU
Non ! Il n'est pas tendu. Il est bon.
Journaliste
Pourtant, sur le port, la tension monte.
Grévistes
Ce qu'on veut, c'est négocier ! Il ne faut surtout pas laisser entrer les camions !
Journaliste
Des manifestants prennent à partie des chauffeurs-routiers qui veulent livrer leurs bananes.
Interviewé
On nous a dit d'entrer, de ne pas négocier : c'est clair, on va rentrer !
Interviewée
Ne te bats pas avec les routiers ! Si c'était les békés qui venaient là, devant nous, on se battrait. Ne te révolte pas contre nos compatriotes nègres !
Journaliste
Au siège de Banamart, le QG des planteurs, on prépare la riposte. Ici, les patrons d'exploitation sont tous, ou presque, des blancs créoles. Et pour cause : les agriculteurs békés contrôlent plus de la moitié de la production bananière.
Interviewé
Je suis fatigué des grèves. Vous comprenez ? Fatigué ! La libre circulation, ça n'existe pas.
Journaliste
Frédéric de Reynal est le président du syndicat des planteurs. Au bout du fil, le grand patron de la banane, Éric de Lucy, suit les opérations à distance.
Frédéric DE REYNAL
On a du mal à interpréter mais ce qu'on pense aujourd'hui, c'est qu'ils sont conscients qu'ils sont dans une impasse et ils n'ont pas de porte de sortie.
Journaliste
Les planteurs békés ne sont pas inquiets car ils ont un appui : le préfet de la Martinique.
Frédéric DE REYNAL
Moi, j’ai fait un fax au préfet. Il est au courant. Il sait que les opérations sont lancées.
Journaliste
La situation est complètement bloquée, là, monsieur ?
Frédéric DE REYNAL
Pour l'instant ? Oui.
Journaliste
Qu’est-ce qui va se passer, à partir de maintenant ?
Frédéric DE REYNAL
À partir de maintenant ? J'en sais rien du tout.
Journaliste
Vous avez demandé l'intervention des forces de l'ordre, c'est ça ?
Frédéric DE REYNAL
Non. On a demandé à ce que les accès au port soient libérés.
Journaliste
C’est toujours compliqué, le dialogue social, en Martinique ?
Frédéric DE REYNAL
C’est des spécificités liées aux Antilles françaises.
Journaliste
Ça veut dire quoi, ça, exactement ?
Frédéric DE REYNAL
C’est toutes les complexités du dialogue social, plus toutes les complexités qu'on connaît peu retrouver aux Antilles.
Journaliste
Ils sont assez virulents, en face !
Frédéric DE REYNAL
Non ! Ils sont pas virulents. C'est un jeu de rôle. On est dans un jeu. C'est du cinéma.
Journaliste
Il est 17 heures.
Visiblement, le cinéma a assez duré pour les békés. Le préfet dépêche les gardes mobiles pour libérer les docks, 3 millions d'euros de marchandises doivent impérativement partir.
Gréviste
Allez-vous faire cocu !
Journaliste
Les gendarmes mobiles sont tous métropolitains. Mais pour déloger les manifestants, c'est la police locale qui s'y frotte.
Policier
Messieurs dames, assez joué, maintenant : il y a 5000 tonnes de bananes qui attentent, ça doit passer. Sinon, on procède à interpellation.
Gréviste
Ne me touchez pas !
Gréviste
Les békés nous ignorent ! Ils ont pas voulu négocier avec nous ! Ils ont de l'argent mais ils ne veulent pas en donner !
Journaliste
Les policiers jouent les médiateurs, sans grande conviction. Le dialogue social en Martinique, c'est un blocus sur le port en moyenne tous les 18 jours.
Journaliste
Excusez-moi... La situation est souvent tendue, comme ça à Fort-de-France ?
Policier
Absolument pas. Absolument pas. Ceci dit, beaucoup de manifestants effectivement prennent le port de Fort-de-France en otage parce que comme vous l'avez constaté, il n'y a qu'un portail et ensuite il n'y a plus rien. C'est vrai que c'est facile de bloquer l'activité économique de Fort-de-France.
Journaliste
Après une semaine de grève, les containers de bananes pénètrent enfin sur le port. Il n'y a pas d'interpellation mais les manifestants sont amers.
Gréviste
Je ne suis pas venue prendre des coups de matraque ! De l'argent pour mieux manger ! Une prime de vie chère ! Eux, ils s’enrichissent grâce à notre travail ! Nous, on travaille samedis, dimanches, jours fériés...
Journaliste
La banane, c'est le premier employeur de Martinique. Près de 10 000 personnes récoltent et conditionnent la principale ressource de l'île. Payés au Smic, beaucoup d'ouvriers agricoles habitent ces baraquements en tôle. Ici, 60 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté. La Martinique reste l'un des trois départements français les plus sinistrés avec 22 pour 100 de chômage et plus de 30 000 RMIstes.
De l'autre côté de l'île, les Caraïbes comme on l'imagine : de l’eau bleu turquoise à 30 degrés, des paysages de rêves et de grandes villas, les pieds dans l'eau. C'est le bastion de la communauté békée, un monde à part où les blancs vivent entre eux. Nous sommes au Cap Est, le havre de paix des blancs créoles.
C'est ici qu'habite Alain Huygues Despointes, sa famille a débarqué en Martinique il y a quatre siècles. Au Cap Est, il n'y a que des grandes propriétés à l'abri des regards.
On est dans un quartier bien particulier, ici ?
Alain HUYGUES DESPOINTES
Oui : ici, on appelle ça « békés land ».
Journaliste
Il y a beaucoup de propriétés qui ont des grands murs !
Alain HUYGUES DESPOINTES
Les gens s'isolent car il y a toujours un peu de délinquance...
Journaliste
Même ici ?
Alain HUYGUES DESPOINTES
Un petit peu, mais moins qu'ailleurs...
Journaliste
Derrière les clôtures, de grandes villas avec piscine et terrain de tennis. Impossible d'apercevoir ce luxe de l'extérieur : la communauté békée se veut discrète sur ses richesses.
Alain Huyges Despointes est le seul qui ait accepté de nous ouvrir les portes de sa maison. Une demeure de style colonial dans un parc de trois hectares avec vue imprenable sur la baie.
À 82 ans, cet homme est une figure de la Martinique. L'industriel le plus puissant de l'île, issu d'une grande famille de colons arrivée ici en 1650.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Vous voyez la Pointe Jacob ? Tout ça m’a appartenu... Toute la partie que vous voyez là, c'était des moutons. C'était un élevage de moutons. C'est un bien qui appartenait à mon beau-père : c'est ma femme qui a hérité de ça.
Journaliste
Aujourd’hui encore, les grandes familles békées détiennent la majorité du foncier en Martinique. 52 pour 100 des terres agricoles appartiennent à moins de un pour 100 de la population. Des terres qui se transmettent de famille en famille depuis le XVIIe siècle.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Je vais vous montrer un document qui va vous intéresser. Pour connaître un peu l'histoire des colons de la Martinique, on nous appelle aujourd'hui les békés mais on va voir avec ce document qu’ils sont pratiquement tous apparentés. Ils descendent tous d'un ancêtre qui s'appelle Jean Assier.
Journaliste
10 générations de colons aristocrates ont façonné la petite communauté békée.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Toutes les familles sont là : les Hayot, les Duchamps, les Despointes, les Plissonneau, les de Reynal…
Journaliste
Au bout de l'arbre généalogique, il reste aujourd'hui 2 à 3000 personnes toutes unies par les liens du sang.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Là, vous avez mes enfants : José, Laurent, Thierry et Marie-Christine que vous avez vue ce matin.
Journaliste
Comment une si petite communauté a-t-elle pu perdurer ainsi à travers les siècles ? Les blancs créoles martiniquais sont une exception historique.
Tout commence en 1635 : des aristocrates français débarquent pour coloniser la Martinique, une île volcanique de 1000 kilomètres carrés. Considérés comme une marchandise, les esclaves importés d'Afrique meurent à la tâche dans les plantations. Les békés prospèrent jusqu'à la Révolution. 1793 : Ta terreur s’abat sur la France ses colonies. Les nobles sont décapités, l'esclavage est aboli, sauf en Martinique. Protégé par la Couronne d'Angleterre, les békés martiniquais échappent à la guillotine.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Ils ont été malins : ils ont fait entrer les Anglais ici. Les Anglais nous sont protégés pendant cinq ou six ans. Pendant la Terreur. Ça n'a pas été pareil en Guadeloupe.
Journaliste
Qu’est-ce qui s'est passé, en Guadeloupe ?
Alain HUYGUES DESPOINTES
En Guadeloupe, le gouverneur a été envoyé par la Terreur. Il a pratiquement guillotiné tous les colons.
Journaliste
La Révolution passée, la Martinique devient française. Les planteurs békés continuent à employer des esclaves : au total, plus de 700 000 Africains ont été déportés dans les Antilles françaises, un crime contre l'humanité reconnu par la loi en 2001, un crime qui n'est toujours pas admis par la communauté békée.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Les historiens exagèrent un petit peu les problèmes. Ils parlent surtout du mauvais côté de l'esclavage mais il y a des bons côtés aussi. C'est là où je ne suis pas d'accord avec eux.
Journaliste
C’est quoi, les bons côtés de l'esclavage ?
Alain HUYGUES DESPOINTES
Il y a des colons qui étaient très humains avec leurs esclaves. Qui les ont affranchis... Qui leur donnaient des possibilités d'avoir un métier, des choses...
Journaliste
Pourtant, c'est grâce à l'économie esclavagiste que les familles békées ont fait leur fortune. Après l'abolition en 1848, les anciens esclaves deviennent des salariés mais les patrons békés restent les maîtres de l'économie. Le clivage racial est omniprésent.
En 1960, voilà ce que déclarait un parent de Bernard Hayot devant les caméras de l'ORTF.
Journaliste
M. Hayot est un béké.
C'est facile à mener, des ouvriers noirs ?
M. HAYOT
Oui... Le noir, c'est comme un enfant : il faut être juste. On en obtient ce qu'on veut.
Journaliste
Vous êtes un béké. Qu'est-ce qu'un béké ?
M. HAYOT
C’est ce qu’il y a de mieux. Les békés, ce sont les descendants des blancs européens qui se sont reproduits en race pure dans les colonies.
Journaliste
48 ans plus tard, le discours n'a pas vraiment changé. Aujourd'hui encore, la pureté du sang est un critère d'appartenance à la communauté.
Alain HUYGUES DESPOINTES
Quand je vois des familles métissées, avec des blancs et des noirs, les enfants naissent de couleurs différentes. Il n'y a pas d'harmonie. Il y en a qui naissent avec les cheveux comme moi, et d'autres avec des cheveux crépus dans la même famille, avec des couleurs de peau différentes. Moi, je trouve pas ça bien. On a voulu préserver la race.
Journaliste
Certains békés qui se marient avec des gens de couleur sont exclus de la communauté. Sans métissage, le patrimoine a pu rester dans le giron des grandes familles. La communauté békée représente aujourd'hui moins de un pour 100 de la population et concentre près de 20 pour 100 de la richesse de l'île.
10 kilomètres plus loin, la ville de Fort-de-France. Nous sommes dans une cité HLM. C'est ici que vit Erika, 27 ans, employée de mairie, elle gagne le Smic, 1022 euros par mois. Et ce qui la préoccupe, c'est de réussir à remplir son caddie toutes les semaines car ici, avec le Smic, mieux vaut ne pas être trop gourmand, même dans un supermarché hard discount.
Erika
Ça, j'achète plus. Avant, je buvais beaucoup de lait. 92 centimes la brique, on arrondit à un euro, ça fait six euros le pack de lait. Trop cher !
Journaliste
Vous buvez plus de lait ?
Erika
Je bois plus de lait.
Journaliste
Erika fait aussi l'impasse sur le rayon légumes.
Erika
On n'achète pas de pommes de terre. C'est vrai, la salade de concombre, j'adore, mais non : c'est trop cher au kilo.
Journaliste
Même problème du côté des desserts...
Erika
J’aime bien les crèmes brûlées, ou bien les mousses au chocolat mais non : ça coûte trop cher. J’évite. Je les regarde, triste, dans le supermarché.
(à suivre).