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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Mort du docteur Henri Bangou. Hommage impolitique mais vrai.

Mort du docteur Henri Bangou. Hommage impolitique mais vrai.
Mort du docteur Henri Bangou. Hommage impolitique mais vrai.

Le docteur Henri Bangou, qui fut sénateur de la Guadeloupe, et pendant quarante ans maire de Pointe-à-Pitre, est mort hier 21 novembre 2023. On sait qu'en marge de mon enseignement philosophique, j'exerçai la fonction de directeur d'un magazine mensuel : Guadeloupe 2000. Ce magazine n'était pas un supporter de M. Bangou leader communiste.

Cependant sur un plan personnel nos rapports furent toujours courtois, la polémique étant un genre littéraire, nos polémiques furent dépourvus de haine. Je passerai sans insister pour ne pas tomber dans mièvrerie. Mais quand en 1998 on célébra e cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage, je publiai un petit ouvrage  "Esclavage : Eléments pour une mise à plat du phénomène", j'en adressai, avec dédicace, un exemplaire à M. Bangou qui me répondit avec avec politesse. 

Cet homme courtois (et matois -politique oblige) est donc décédé.

Je choisis plutôt que de formuler des propos de circonstance, -c'est-à-dire plein d'onction et de chagrin politicien pour l'essentiel simulé, - de publier l'article que j'écrivis dans Guadeloupe 2000 à l'occasion, en 1992, de la publication des Mémoire du présent, de nôtre auteur.

 

Edouard Boulogne.

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(Docteur en médecine, né à Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, en 1922, Maire de Pointe-à-Pitre, ancien conseiller général, sénateur, M.Henri Bangou a fait l'essentiel de sa carrière politique dans le Parti communiste Guadeloupéen, avant d'en démissionner en 1990,peu après la chute du mur de Berlin. Henri Bangou qui est l'un des membres fondateurs du Parti du Peuple de la Guadeloupe, PPDG, a publié en 1992 un volume de ses "Mémoires du temps présent" aux éditions Jasor. C'est la publication de cet ouvrage qui a suscité le commentaire suivant

(l)Les amitiés d'enfance et de jeunesse.

       Les Guadeloupéens d'âge mûr trouveront de l'agrément à la lecture des 30 premières pages du volume de souvenirs que le sénateur et maire de Pointe-à-Pitre vient de publier sous le titre "Mémoires du temps présent". Ce sont les meilleures de l'ouvrage. Il s'en dégage de l'émotion et une sorte de paradoxale nostalgie. Paradoxale; car l'auteur a le mérite de le rappeler, les charmes incontestables de la vie coloniale, la lenteur paisible de la vie quotidienne en un temps où la Guadeloupe vivait encore à l'écart du modernisme, cachaient mal les conditions de vie difficiles, et souvent la misère d'une large partie de la population. Une misère dont notre île ne devait commencer à sortir qu'avec le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958,et enfin, la mise en place effective de la loi de départementalisation de 1946.On a la surprise de voir reconnaître, sans doute par distraction, en ce qui concerne Pointe-à-Pitre, par M.Bangou qu’en : septembre 1958"le général de Gaulle avait, en effet, envoyé dans les Antilles et en Guyane comme messager pour le "oui" le prestigieux André Malraux. Celui-ci , constatant l'état déplorable des faubourgs de Pointe-à-Pitre où il prit la parole, fit la promesse au nom du général de Gaulle ,en cas de victoire nationale du "oui", de mettre en place le financement nécessaire à la résorption de ce bidonville".

         A entendre s'exprimer le docteur Bangou, depuis près de 30 ans, sur la rénovation de Pointe-à-Pitre, et plus généralement celle de la Guadeloupe, on avait cru comprendre qu'elle s'était effectuée malgré, et même contre l'Etat, qu'elle avait été arrachée par la seule volonté du Parti communiste Guadeloupéen. la reconnaissance du rôle majeur à cet égard de l'Etat, et en particulier des gouvernements gaullistes, rend un son nouveau. Mieux vaut tard que jamais.

 

                   (1)Les amitiés d'enfance et de jeunesse.

 

                            D'autres pages encore retiendront l'attention, voire la sympathie, celles qui concernent les amitiés d'enfance et de jeunesse, la camaraderie inter classes sociales et inter ethnique entre le jeune Henri Bangou d'une part et les frères Guy et Henri Camenen, René de Friberg (l'ancienne maison de Friberg orne d'ailleurs la page de couverture du livre) ,le futur docteur Paul Bertrand et le professeur Jean Vergier, sur lequel, évoquant sa mort prématurée, le mémorialiste laisse percer une certaine émotion.

         Tout ce petit monde se retrouvait à la bibliothèque paroissiale, salle Jeanne d'Arc, qui semble avoir nourri la boulimie de lecture de la génération des années 30 et 40,puisque mes amis Raymond Cipolin et Luigy Colat-Jolivière,(plus jeunes cependant) m'en ont souvent parlé, et souvent des mêmes titres évoqués par le docteur Bangou.

 

                   (2)L'engagement politique.

 

                            Le futur sénateur quitte la Guadeloupe en 1944 pour le Maroc où il rencontrera sa future épouse Marcelle ("une française née à Ouezzane, au Maroc"),avant de gagner la France et Paris où il fera ses études et s'engagera politiquement au parti communiste. Le jeune Henri aurait quitté la Guadeloupe, me dit-on ici et là, avec une sensibilité politique "de droite" sous l'influence, notamment, de son professeur de philosophie Lénis Blanche, dont il n'est question qu'une fois, et de façon anecdotique dans l'ouvrage. D'ailleurs, écrit à peu près M.Bangou, "en ces années là j'eusse probablement penché pour une adhésion au R.P.F et pour le général de Gaulle, si je n'avais pas rencontré Marcelle".

         Marcelle, l'Elsa Triolet de notre héros et son Pygmalion, ancienne militante des jeunesses communistes d'Alger, incarnant la sensibilité janséniste du parti communiste, et vierge rouge alors, du marxisme-léninisme.

         Leur mariage suscitera la colère du père d'Henri et une lettre qui est un vrai document sur une époque, heureusement en voie de disparition :

                           

"Mon cher Henri,

 

                                                        Depuis ta génération, la mode ou la règle veut que tous les jeunes Nègres guadeloupéens qui vont en France continuer leurs études, la mode ou la règle, dis-je, veut qu'ils adhèrent au parti communiste de Russie et qu'ils se marient à une blanche de France (autre conséquence de l'assimilation intégrale).Pourquoi aurais-tu échappé à ces deux fatalités? Atavisme congénital? Complexe d'infériorité? qui veut que vous abandonniez vos sœurs du Cours Michelet, celles qui, comme vous ,poursuivent leurs études en France, que vous trahissiez en un mot la belle, la noble, la sainte cause, celle de l'évolution fatale de la race. Fils ingrat, vos enfants vous renieront comme ceux qui, issus du Blanc et de la Négresse, renient leur mère. Et ce sera le juste châtiment de votre trahison", etc, etc!

         On comprend qu' Henri ne soit pas peu fier d'avoir amené son père à évoluer, à accepter plus tard Marcelle et....le parti! Oui, le parti communiste où le jeune intellectuel de la fin des années quarante et des années cinquante, adhère, où il milite avec passion en plein stalinisme, à l'apogée de la guerre froide. Complicité profonde d'une nature timide et "complexée" (c'est lui qui le dit et le répète à satiété, au point d'en devenir suspect) qui trouve dans le parti la structure équilibrante d'une personnalité anxieuse? Calcul intéressé d'un jeune ambitieux qui croyait au sens de l'histoire, à la victoire imminente de "la patrie des travailleurs", de l'U.R.S.S, que des gens éminents d'alors, Aragon, Sartre, Garaudy annoncent à l'envi, prophètes d'une collaboration avec le futur occupant rouge d'une France quatrième République, mal remise de la guerre, "énervée de démocratie"(de Gaulle dixit)? Ou bien encore illusion lyrique que partagèrent bien d'autres dans cette génération malheureuse, les Leroy-Ladurie, Edgar Morin, Annie Kriegel (alors Annie Besse, Yves Montand, etc).

         Admettons cette troisième hypothèse, la plus indulgente pour notre personnage. Mais enfin, le livre est écrit dans les années 90,publié en 1992.Il n'est plus possible aujourd'hui, depuis la chute du mur de Berlin, l'effondrement de l'U.R.S.S et de l'idéologie marxiste-léniniste en Europe centrale et partout dans le monde, de nier que le communisme, pas seulement l'épisode stalinien, mais le communisme lui-même, a dépassé le nazisme hitlérien au hit-parade de l'horreur; l'horreur des camps de concentration et des dizaines de millions de morts sacrifiés à une idéologie fausse en son principe, meurtrière en ses applications.

         Pourtant, évoquant le mouvement de décolonisation des années 50 et 60, Henri Bangou écrit impavidement : "Sur les trois continents autrefois dépecés, assujettis et exploités, les révolutions triomphantes faisaient reculer les impérialismes de la vieille Europe et des Etats-Unis. Par-dessus tout, celle de la Chine faisait basculer un milliard d'êtres humains dans le camp anti-impérialiste alimentant les espoirs légitimes des peuples opprimés dans la lutte pour leur décolonisation."

         Mânes des dizaines de millions d'Européens, de Russes, Chinois, Vietnamiens, Cambodgiens, Africains et autres victimes du communisme, ou du fait du communisme, en Amérique latine et partout: pleurez, criez, clamez, hurlez de ce qui peut vous rester de voix là où vous êtes! Voici l'aveuglement, ou le cynisme (le cynisme certainement) dont est capable aujourd'hui à la fin du plus terrible siècle de l'Histoire, un bourgeois français des Antilles, distingué et cultivé.

         C'est à désespérer. On attendait d'Henri Bangou un examen de conscience, un acte de repentir vrai, et des sanglots. Il nous offre un satisfecit !

         Il y a bien des lacunes dans les "Mémoires du présent", bien des silences décevants sur certaines "affaires" expédiées au pas de charge, et dans ces quelques lignes de dérobade: "Par quel miracle en vingt ans, et sur tant de milliers d'actes, de contrats, de situations relationnelles, les plus honnêtes(sic!)des hommes, surtout aussi peu prévenu que nous des affaires publiques, ne seraient-il pas tombé sans le vouloir, dans quelque piège?"

         C'est un peu court ! Autre sujet de déception, les attaques portées contre la gestion d'Hector Dessout de 1959 à 1965.Hector Dessout fut gêné dans sa gestion, par la maladie d'abord, et par les tracasseries du parti communiste qui voulait éliminer un allié peu orthodoxe.(Au demeurant l'erreur d'Hector et de ses conseillers fut à l'époque de s'allier avec le PC). Henri Bangou en brosse un portrait de despote caractériel. A l'en croire, les seuls actes positifs de la mandature 1959-1965 furent opérés par lui,

         Mais la déception principale suscitée par cet ouvrage, que liront cependant avec intérêt ceux qui s'intéressent à la politique et à l'histoire de la Guadeloupe, demeure l'incapacité évidente de H.Bangou à libérer son esprit des mensonges, des schémas et des tics de l'idéologie marxiste où elle a macéré pendant tant d'années. Certes, le maire de Pointe-à-Pitre et la majorité de son conseil municipal ont rompu avec le parti communiste en juin 1991,mais c'était un peu tard, tout comme étaient tardifs les ralliements à la résistance française, en août 1944,de certains collaborateurs avérés. A propos des horreurs du communisme, "nous ne savions pas" déclarent sans rire le sénateur et ses amis. Dans les Mémoires le "reniement" occupe les quatre dernières pages. Quatre lignes y retiennent plus particulièrement l'attention, dans lesquelles je soulignerai quatre mots qui ont dû échapper à la sagacité de leur auteur : "Bref, socialisme, communisme sont devenus des repoussoirs, obligeant même ceux qui ne partageraient pas la responsabilité de l'échec de leurs homologues des pays de l'Est, mis à part l'aveuglement qui les avait frappés si longtemps à bannir le mot pour ne pas être emportés par l'allergie galopante qu'il engendre."

         Bref, on change les mots et l'on garde les choses que ces mots désignent. On garde le bâtiment après l’avoir repeint.

         Que ces hommes soient cependant acceptés par la classe politique, et même un nombre important d'électeurs, alors que le moindre petit fonctionnaire allemand ou français âgé de 17 ans en 1944,s'il était engagé, même de force, dans la SS ou la milice, voit sa carrière brisée, et sa vie personnelle gravement troublée, quand même le nazisme est-il écrasé et discrédité depuis des décennies, cela montre que nous n' avons pas encore réglé le problème du communisme dont les thuriféraires sont encore aux meilleures places, et aux postes d'influence clef.

         A leur façon, parfois avec une sorte d'impudence, mêlée de candeur, les Mémoires du docteur Bangou nous le rappellent. Ce n'est pas leur moindre mérite. Peut-être involontaire !

 

Edouard Boulogne

 

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