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12 Novembre 2010
Une grande figure militaire Guadeloupéenne : Le général Lanrezac.
( L'article d'Amédée Adélaide, hier, a suscité plusieurs commentaires très intéressants d'un de nos lecteurs sur...le général Lanrezac. Oui, la Guadeloupe et la Martinique ont donné à la patrie des hommes, nombreux et de tous grades. Plusieurs d'entre eux ont joué un rôle important dans la victoire : Le commandant Mortenol – voir l'article le concernant sur Le Scrutateur- le général Emile Ruillier, et Lanrezac lui-même, notamment.
En hommage, nous publions le chapitre le concernant de notre ami Robert Desgranges, dans son utile et excellent ouvrage Qui furent-ils? Guadeloupéens dignes de mémoire.
J'illustre cette page de deux reproductions des titres d'ouvrages, dont j'ai hérité, qui furent consacrés à notre éminent compatriote.
EB).
Charles Louis Marie LANREZAC (1852-1925), général guadeloupéen :
II naît à Pointe-à-Pitre, le 30 juillet 1852. Son aïeul, Auguste, né à Toulouse, était officier, mais s'était établi quincaillier à Basse-Terre, après y avoir épousé la fille d'un négociant de cette ville. Son père, né à Basse-Terre, avait quant à lui épousé une créole du Moule. Il était dans l'Infanterie de Marine (musique) et finira commandant, tandis que son oncle Charles sera plus tard président de la Chambre de Commerce du chef-lieu.
Le jeune Charles suit son père dans ses déplacements, qui le mènent à Cherbourg (capitaine en 1865). Après la mort du père, il est, comme son frère Victor, « enfant de troupe », et entre au Prytanée Militaire de La Flèche. Pour ne pas être trop longtemps à la charge de sa mère, il veut brûler les étapes, et présenter le concours de Saint-Cyr en même temps que son baccalauréat. Ses professeurs veulent l'en dissuader, le trouvant trop jeune. Il se fait alors bannir de La Flèche pour finir son année scolaire au Lycée de Cherbourg, où il passe l'examen de fin d'études avec la mention « Très bien », et est en même temps reçu à Saint-Cyr, 75°sur 250 (après que le général de Gondrecourt, directeur de l'Ecole et cousin de sa mère, lui ait obtenu une dispense d'âge). Ce cousin de cousins entre à 18 ans dans la carrière militaire, quittant Saint-Cyr, sous-lieutenant, en 1870. C'est la guerre, et il ne peut rejoindre son régiment enfermé à Sedan. Il est alors versé à l'Armée de la Loire, où il se conduit fort bien, et termine les hostilités comme lieutenant. L'année suivante, il est rappelé à Paris pour un stage de perfectionnement. Logé chez son oncle maternel, y rencontre une très jeune fille, sa cousine, dont il tombe éperdument amoureux. De retour dans son régiment, il sollicite un congé pour se marier. Son colonel, qui lui veut du bien s'y oppose, et lui demande de choisir entre les galons de capitaine et le congé demandé. Notre jeune lieutenant opte pour le congé. Il se marie en 1873, et ne sera capitaine (à l'ancienneté) qu'en 1875 (à 23 ans, quand même!). En 1877, il entre à l'Ecole de Guerre, qui vient d'être créée. Il la quitte deux ans plus tard, avec encore la mention « Très bien ». Ce brillant résultat aurait du logiquement le faire accéder très vite au grade supérieur, mais il n'en est rien, et il deviendra commandant... à l'ancienneté.
C'est un signe de la carrière de Lanrezac : il dit toujours ce qu'il pense, et cela ne plaît pas souvent à ses supérieurs. En 1891, il est pourtant appelé à professer à l'Ecole de Guerre. Il y restera onze ans, et en sortira colonel, bientôt général. Malgré l'Affaire des Fiches (1904) qui lui aura valu l'hostilité des Loges. Il est affecté en Tunisie, mais aussi à Rennes (sous les ordres de Lyautey qui l'apprécie beaucoup), et dans bien d'autres divisions.
En 1911, il entre au Conseil Supérieur de la Guerre. Lyautey espérait qu'il y ferait merveille, et serait choisi comme chef d'Etat-major, mais c'est Joffre qui l'emporte, après le retrait de Gallieni (qui se juge trop vieux.)..-Lyautey s'en indigne, et se retire lui aussi.
En juin 1914, Lanrezac est appelé par Joffre au commandement de la Vè armée qui doit constituer l'aile gauche des forces françaises, en cas de conflit. Certain que l'armée allemande pénétrerait en Belgique aux premières heures du conflit, il part, en civil, explorer le terrain des possibles opérations. Il en revient assuré que l'offensive aura bien lieu sur la Meuse et la Sambre. Il fait part à Joffre de ses observations, en proposant de décaler son armée vers l'ouest, et en même temps, de renforcer son aile droite. Il n'est pas écouté. Même, on lui enlèvera un corps d'armée (le 18°. transféré à Sedan).
La guerre est déclarée le 28 juillet, et dès le 4 août, tandis qu'on mobilise, l'armée allemande bouscule Belges et Luxembourgeois, avance vers l'ouest, dépassant la Vè armée, comme l'avait prévu Lanrezac. Le GQG français, hélas toujours en retard d'une information, croit encore (bien que le plan Schlieffen lui soit connu depuis 1904) qu'il s'agit seulement là d'une diversion, et que la véritable attaque aura bien lieu à l'est.
L'ordre vient enfin de monter au contact des divisions allemandes. La V°armée se porte vers Charleroi. Elle a en face d'elle trois armées (qui sont bien mieux loties en armement), et le Corps Expéditionnaire Anglais de French ne suit pas. Les Allemands ont déjà attaqué. Les 3° et I0°corps, désobéissant à Lanrezac, se sont lancés à l'assaut et sont décimés. L'ennemi franchit la Sambre, la Meuse. La Vè armée risque d'être tournée et enfermée, l'état-major allemand prévoit déjà sa reddition. Les 20 et 2l août, la situation devient critique, tandis que l'ennemi perce sur tout le front, de la Lorraine à Charleroi, poursuivant son mouvement en tenaille. Les 22 et 23, la bataille fait rage. Lanrezac doit décrocher ; «Seule la France compte. Si la Vè armée est obligée de capituler, la France est perdue !» dit-il. A 3 heures du matin, le 24, il se replie, tandis que les Allemands restent sur leurs positions. Désobéissant aux ordres contradictoires du GQG, il regroupe ses forces devant Guise. Il y remporte la victoire, le 29 août, donnant la possibilité à l'aile gauche de l'Armée française de se regrouper, et de reculer en bon ordre. Tandis que les Allemands restent prudemment dans l'expectative, et dévient de leur axe de déplacement. Ce sera, avant longtemps, la seule victoire remportée par une armée française au nord de la ligne de front qui va bientôt s'établir. Lanrezac reçoit alors l'ordre de se replier sur Laon, où il arrive le 3l après une marche forcée de 50 km. Il y trouve des trains et des autobus, qu'il va aussitôt utiliser pour déplacer ses soldats, et combler le trou béant sur son aile gauche, dégarnie par les Anglais. Il continue sa retraite en bon ordre, et le 3 septembre, il aura ramené son armée, en bon état, derrière la Marne, préparant en cela la bataille victorieuse qui va s'y dérouler un peu plus tard. Mais lui-même n'en sera pas : Joffre, se rendant aux réclamations de French, le destitue et le remplace par Franche! d'Esperey, à la tête de la V°armée.
Héros malheureux, il est envoyé à Gallieni, à Paris, puis affecté à Bordeaux., à la formation d'une armée de réserve. Loin du front, où il ne reviendra plus.
En 1920, il va publier un ouvrage où il critique, avec preuves à l'appui, Joffre et son entourage. On ne le lui pardonnera pas non plus : Joffre sera Maréchal, comme Foch, Gallieni, Lyautey, Pétain, et... Franchet d'Esperey.
Il disparaît en 1925, à Paris.
Aucune rue ne lui a encore été consacrée à Pointe-à-Pitre, sa ville natale...
A Basse-Terre, il existe bien une rue Lanrezac dans le quartier de la Rivière des Pères, mais n'honorerait-elle pas plutôt son oncle, qui fut président de la Chambre de Commerce de cette ville, en 1862 ?
Robert Desgranges.