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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Journal d'un papy, "bègue et claudiquant", par E.Boulogne.

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( Cette nouvelle chronique a d'abord été conçue pour mes amis de facebook. Elle paraîtra aussi, parfois sur le Scrutateur ).

 

Mardi 13 novembre 2012.

Prélude du veilleur. 


Me voici, là, songeur et immobile, sauf les doigts, et peut-être ce qu’il me reste de petits neurones, à l’image, peut-être du vieux Faust de Goethe, passablement mythique, mais si paradigmatique et prégnant. Non point comme le célèbre philosophe alchimiste du moyen-âge allemand, dans une salle voutée, enfumée et obscure, mais dans mon bureau, petit, et encombré de livres.

bureau-scrut-001.JPG ( Caverne de scrutateur, bégayant et...). 

Non loin de moi, la pendule fait « tic-tac ».

La nuit est tombée. Non pas la nuit éternelle, mais celle que nous connaissons tous, à l’instar de Baudelaire «  aux uns portant la paix, aux autres le souci ».

 Oh! Je ne suis pas Faust. Je ne suis plus qu'un vieux papy, pas encore trop perclus, mais s'interrogeant beaucoup. C'est un autre poète à qui je songe, Paul Valéry : « L'oiseau cruel, toute la nuit me tint ». L'oiseau cruel, c'est à dire la chouette de Minerve, déesse de la sagesse, mais aussi l'insomnie.

Je devrai revenir un jour sur l'insomnie. Elle ne comporte pas que des inconvénients. Elle nous ramène peut-être à nous-même, loin des préoccupations parfois futiles de la « multitude vile » dénoncée par, Baudelaire. Encore lui !

Non, je ne suis pas Faust, ni par le génie, stérilisée par une erreur, sans doute, que je voudrais débusquer au fil de ce journal inquiet du boiteux que je suis, au sens peut-être un peu figuré.

J'ai lu, cherché, enseigné. J'ai marché, j'ai marché. J'ai rencontré des gens. Des jeunes, des vieux, des gens généreux, et de fieffés égoïstes, des intelligents, et d'autres qui l'étaient moins.

J'ai été, souvent sincère ( mais que vient faire la sincérité en cette recherche du vrai à laquelle nous aspirons, et qui pourrait n'être qu'une illusion, si j'en crois certains de mes distingués contradicteurs ). J'ai parfois plastronné, je ne me l'avoue pas sans honte, ni amertume, ni regret.

Les philosophes aussi sont parfois des acteurs. Certaines langues de vipères, tel Voltaire, ou mon grand Valéry, ont même accusé Blaise Pascal, parmi d'autres, d'avoir été un grand comédien. Peut-être! Mais que ne s'introspectent-ils pas eux-mêmes, de temps à autre?

Avec le temps, oh!oui, avec le temps s'impose la mise au point avec soi-même.

Faust au début de la célèbre pièce de théâtre qui porte ce titre, est désespéré. Dans sa cave de savant alchimiste, sa récapitulation est amère.

Je le relis :

« Philosophie, hélas ! jurisprudence, médecine, et toi aussi, triste théologie !… je vous ai donc étudiées à fond avec ardeur et patience : et maintenant me voici là, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je m’intitule, il est vrai, maître, docteur, et, depuis dix ans, je promène çà et là mes élèves par le nez. — Et je vois bien que nous ne pouvons rien connaître !… Voilà ce qui me brûle le sang ! J’en sais plus, il est vrai, que tout ce qu’il y a de sots, de docteurs, de maîtres, d’écrivains et de moines au monde ! Ni scrupule, ni doute ne me tourmentent plus ! Je ne crains rien du diable, ni de l’enfer ; mais aussi toute joie m’est enlevée. Je ne crois pas savoir rien de bon en effet, ni pouvoir rien enseigner aux hommes pour les améliorer et les convertir. Aussi n’ai-je ni bien, ni argent, ni honneur, ni domination dans le monde : un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix ! Il ne me reste désormais qu’à me jeter dans la magie. Oh ! si la force de l’esprit et de la parole me dévoilait les secrets que j’ignore, et si je n’étais plus obligé de dire péniblement ce que je ne sais pas; si enfin je pouvais connaître tout ce que le monde cache en lui-même, et, sans m’attacher davantage à des mots inutiles, voir ce que la nature contient de secrète énergie et de semences éternelles ! Astre à la lumière argentée, lune silencieuse, daigne pour la dernière fois jeter un regard sur ma peine !… j’ai si souvent la nuit, veillé près de ce pupitre ! C’est alors que tu m’apparaissais sur un amas de livres et de papiers, mélancolique amie ! Ah ! que ne puis-je, à ta douce clarté, gravir les hautes montagnes, errer dans les cavernes avec les esprits, danser sur le gazon pâle des prairies, oublier toutes les misères de la science, et me baigner rajeuni dans la fraîcheur de ta rosée ! ».

 C'est dit, j'écouterai demain le début du Faust de Gounod, un opéra qu'il faut connaître :

http://www.youtube.com/watch?v=CHSGwophClY&playnext=1&list=PL47819CD33A9BDF43&feature=results_video

Oui, je l'écouterai, dans cette belle interprétation de Raoul Jobin, faute d'avoir trouvé la meilleure, la sublime, celle de Nicolaï Gedda.

En relisant, je m'aperçois que, certes, je suis pas un disciple de Faust. Ce n'est pas moi, qui crierait, désespéré, et m'adressant à Méphistophélès ( le diable ) et lui lancerait cet appel imprudent, qui, en notre XXIème siècle n'est plus l'expression d'un homme désabusé, mais celle d'une classe entière de la société, celle « des parents », qui, hommes et femmes, rêvent d'un retour à l'adolescence, refusent d'assumer leurs responsabilités d'adultes, et copient leurs filles et fils, jusque dans leurs fantaisie vestimentaires les plus ridicules.

Que dit Faust donc à Méphistophélès ?

« Eh bien, rends-moi ces temps de mon adolescence
Où je n’étais moi-même encore qu’en espérance ;
Cet âge si fécond en chants mélodieux,
Tant qu’un monde pervers n’effraya point mes yeux ;
Tant que, loin des honneurs, mon cœur ne fut avide
Que des fleurs, doux trésors d’une vallée humide !
Dans mon songe doré, je m’en allais chantant :
Je ne possédais rien, j’étais heureux pourtant !
Rends-moi donc ces désirs qui fatiguaient ma vie,
Ces chagrins déchirants, mais qu’à présent j’envie,
Ma jeunesse !… En un mot, sache en moi ranimer
La force de haïr et le pouvoir d’aimer » ! 

 

C'est, littérairement beau, mais c'est fou. Pas à la ma manière des fous du théâtre shakespearien, si lucides et réellement « sages », pas à la manière des fous des anciennes cours royales d'Europe qui avaient le pouvoir de dire impunément, aux rois leurs quatre vérités, et même davantage, privilège dangereux, et si utile, mais à la manières des faux intellos d'aujourd'hui, qui, drapés dans leur suffisance affectent un savoir et une sagesse qu'ils n'ont pas, mais à la manière des vrais philosophes, qui, comme disait Socrate ne savent pas, mais le savent, et avancent en claudiquant sur le chemin escarpé de la recherche.

C'est l'un d'entre eux, le célèbre Maurice Merleau-Ponty, qui disait dans son Eloge de la philosophie : «  La claudication du philosophe est sa vertu ».

Or, je boite, comme je l'ai dit, au moins au sens figuré. Et cela me donne l'espoir de progresser, puisque dans le domaine qui me préoccupe, c'est plutôt une force.

Cela me donne l'espoir de, peut-être, faire quelque découverte, de rencontrer, peut-être, quelques pèlerins, peut-être même jeunes, qui point intimidés par quelqu'un qui boite, comme eux, ,plutôt qu'un « détenteur » du vrai ( détention...provisoire, le plus souvent ), consentiront à dialoguer, à partager cette errance.

A bientôt, si vous avez eu la bonté de me suivre jusqu'ici.

A bientôt, peut-être, pour la poursuite de notre petite équipée.

 

EB. 

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