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22 Février 2011
Des lits vides aux… livides.
Fort-de-France, le 22 Février 2011
Le Lycée Schœlcher était l’un des quatre Etablissements scolaires de « Haut niveau » que comptait la Martinique, alors Colonie Française.
Les trois autres étant le « Pensionnat Colonial » ou Lycée de Jeunes Filles, le Séminaire Collège qui accueillait les garçons et le Couvent de Cluny réservé aux Jeunes Filles.
Ces quatre Etablissements de « Haut Niveau » préparaient au Baccalauréat – au Bachot disait-on – un Diplôme Universitaire qui donnait l’assurance d’une profession, qui ouvrait les portes des Facultés de France, et notamment celles de Paris, Bordeaux, Montpellier : ici on sortait Bachelier comme on sort « ENARQUE » de nos jours.
L’ENARQUE étant en France l’Heureux et Majestueux Diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration.
De ces quatre Laboratoires de Formation de l’Intelligentsia Martiniquaise, les deux premiers étaient laïcs et les deux autres de Confession Religieuse, et, pour être plus précis, de Confession Catholique ;
De ces quatre Monuments du Savoir, l’un a disparu, mais tant d’autres sont nés de la Départementalisation.
Néanmoins, c’est du Lycée Schœlcher qu’il va s’agir.
Il va s’agir dans notre propos du Lycée Schœlcher, de son horloge, de son architecture, de sa discipline, de sa philosophie, de son petit monde et même de ses lits… c'est-à-dire combien il sera fait abus de l’écoute complaisante voire indulgente du LECTEUR.
Bâti sur une colline donnant regard sur la baie de Fort-de-France, le Lycée est construit par paliers étagés de bas en haut et, pour être simple, de la loge du concierge aux dortoirs, avec une respectable horloge à quatre faces, pour être vue des quatre points cardinaux.
Chaque palier comportant des blocs séparés de cours le tout étant relié par tout un ensemble d’escaliers et de couloirs abrités, ma fois, fort bien coordonné et réalisé par l’Architecte Martiniquais Jules ROY-CAMILLE qui fît de nombreux émules et dont de nombreux entrepreneurs nous parlent encore.
Les Personnages les plus « Haut en Couleur » de l’Honorable Etablissement étaient :
· Bill Barbe Rousse, son surveillant général, son surveillant général, énorme, ventru, la face rouge comme un radis et redouté comme le plus féroce des cerbères gardiens du Royaume des Morts, des livides comme il est dit ici.
· Le père Médouze, son veilleur de nuit, père de tant d’enfants qu’il vaut mieux en taire le nombre, sans pour autant cacher combien tant de bouches à nourrir soumettaient leur procréateur à l’autorité drastique de son supérieur hiérarchique direct, le déjà bien connu Bill Barbe Rousse que par malice on appelait Barbe Rosse.
Chargé de la surveillance de tout, donc des dortoirs, le père Médouze était d’une telle exactitude, d’une telle ponctualité qu’il avait valeur de Greenwich Meridian Time pour la majestueuse Horloge dont nous avons parlé et que l’on sait située au dessus du dortoir du milieu.
La discipline du Lycée lui était venue de Sparte, elle était donc Spartiate. Elle le serait même si elle était de Syracuse, avec un Bill Barbe Rosse, comment aurait-il pu en être autrement.
Quand à la philosophie, elle était plutôt athénienne, mais n’oublions pas qu’à Athènes, le mot responsabilité avait un sens, que la Cigüe était connue et que chacun savait qu’il valait mieux qu’un autre que soi la boive, depuis que Socrate en fit son breuvage… son tout dernier breuvage.
Enfin, pour clore cet interminable prologue, qu’il soit dit un mot de ce que nul n’ignore une fois venue cette infernale et paradisiaque étape de la vie du nom d’adolescence.
Un vrai typhon quand nous viennent les pulsions érotiques.
Un typhon qui vous arrache de votre lit, vous emporte Dieu sait où, pour vous jeter en vrai gaulois dans le lit fortuné d’une belle romaine ou sur la paillasse bourrée de punaises d’une ribaude.
Quand la pulsion lui monte, tout fait office de lit pour un gaulois en pleine adolescence.
Alors nous y voilà. Rien ne se voit quand tout va bien. Mais ce jour là, ou plutôt cette nuit là, le père Médouze fit une entorse à ses habitudes, l’Horloge en fut surprise, outrée même, et voilà comment elle le lui rendit.
Arrivé au dortoir, Médouze se trouva nez-à-nez avec deux lits vides de leur occupant, à quoi bon dire pourquoi, notre veilleur en devint blême, n’ayant remarqué ni intercepté aucun fuyard.
Il fonça chez Bill, hoqueta ces quelques mots :
« Surveillant ! Deux livides… Deux livides » – donc deux morts – et il perdit conscience… peut-être pour adoucir la sanction plus que spartiate qui s’ensuivrait… à chacun ses astuces.
Le gros Bill en fit une poussée d’apoplexie, sa responsabilité s’en trouvant engagée.
Sa barbe fit irruption chez le Proviseur et bégaya :
« Deux livides cette nuit Proviseur. »
Ce fut toute une affaire qui descendit de l’horloge au bureau du proviseur, à proximité de la loge du concierge où toutes les autorités de l’île commençaient à se bousculer… sans que personne ne se soit soucié de se rendre au dortoir où étaient les lits vides ou peut être les… cadavres.
Et l’Horloge sonna six heures : « A la douche ! »
Et l’Horloge sonna sept heures : « Au refectoire pour le petit déjeuner ! »
Et l’Horloge sonna huit heures : « En salles de Classe ! »
Quand elle sonna dix heures, poltrons et lâches comprirent, perplexes, que l’oreille est parfois trompeuse… et la raison aussi, au point que, Deux lits vides fassent deux livides donc deux morts.
Eric E.G. NOGARD
Eric E.G. NOGARD,
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