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25 Novembre 2011
Cher Scrutateur,
Il y avait hier soir sur France 2 un volet du magazine "Envoyé spécial" consacré à la défiscalisation dans les DOM. L'avez-vous regardé ? Moi si ! À mon corps défendant.
Ce que j'en pense ? Que c'est consternant d'observer les perroquets s'en donner ainsi à coeur joie ! Une telle désinformation, en principe, est impensable et pourtant c'est la réalité : pas une fois on a cherché à cerner le sujet autrement que pour servir l'objectif d'une propagande "anti-niches fiscales".
Au cas où vous n'auriez pas vu cet "Envoyé spécial", je vous en résume les grandes lignes.
Tout est parti d'un médecin de la région de Grenoble, "défiscalisant" au profit d'un planteur de cannes de la Réunion. Puis nous nous sommes transportés là-bas, à la Réunion, afin de voir travailler la machine à couper la canne que ce médecin avait contribué à financer au lieu de payer sa contribution directement au Trésor public. Le planteur enthousiaste et reconnaissant expliquait tout l'intérêt de cette acquisition pour lui, et surtout pour son exploitation agricole - ainsi que pour la filière dans laquelle celle-ci s'inscrit. Puis on nous a invité à nous rendre dans une entreprise de défiscalisation après que le commentaire eut indiqué qu'il y avait des dizaines d'engins de travaux publics en arrêt (saisis) et que ceux-ci seraient vendus une bouchée de pain aux enchères lorsque les délais légaux seraient écoulés. Le bureau de défiscalisation, incarné par un vieux monsieur très bien, a convenu de certains effets pervers de la défiscalisation, dès lors que celle-ci peut s'exercer n'importe comment, en particulier par ceux qu'elle est destinée à aider dans leur activité professionnelle. Puis retour sur les "victimes" : quelques "entrepreneurs" (que je ne permettrai pas de qualifier) qui se sont suréquipés sans la moindre perspective de rentabiliser leurs leasings et qui en veulent au système qu’ils dénoncent après avoir cru au Père Noël, autrement dit après avoir cru qu'il suffisait d'acheter des équipements ultra performants de manière disproportionnée pour créer des marchés, de la demande, des appels d’offre, etc. Puis visite à la FEDOM à Paris pour "démontrer" que la défiscalisation, c'est un lobby, une niche fiscale, etc. tout en illustrant le propos d'une image de circonstance : "Toute niche a son chien", dit le commentaire. Le “chien”, dans ce cas particulier, est incarné par la FEDOM. Bref, à en croire le très spécial envoyé, la défiscalisation ne serait qu'une combine au service d'une association de malfaiteurs qui ne se connaîtraient pas forcément entre eux. Le représentant de la FEDOM a néanmoins pu affirmer qu'il avait résulté de la défiscalisation un incontestable profit pour l'économie, les équipements privés et l'emploi dans les DOM.
L'employé de "Envoyé spécial" ne s’est par ailleurs pas privé de répéter des dizaines de fois qu'il s'agissait d'une niche fiscale, que c'était une forme de fraude, que l'on privait l'État de recettes, et tutti quanti.
Une telle volonté de travestir la réalité - à moins que ce ne soit pure ignorance - est affligeantissime :
a) C'est comme si les taxes n'existaient pas (TVA + octroi de mer sur toutes les marchandises générées par la défiscalisation en tant que moteur d'une activité économique qui ne s'exercerait pas sans ces nécessaires incitations)....
Car l'État ne perd pas d'argent du fait de la défiscalisation, et celle-ci a sauvé les collectivités territoriales qui regorgent d'argent dans les DOM (ce qui alimente les poussées indépendantistes, dès lors que la richesse de celles-ci – dans le cadre de la décentralisation (et plus si volonté politique) – permet d'entretenir l'illusion d'une prospérité quasi magique. Les élus indépendantistes ou assimilés, du reste, ne se privent, ni de se servir, ni de recruter des pairs, ni de semer de l'argent pour récolter de la communication, de la reconnaissance et des voix).
b) “On” met l'accent sur les entrepreneurs en défiscalisation qui sont, c'est vrai, des financiers : comme si les financiers n'étaient pas égaux à eux-mêmes depuis la nuit des temps ?
c) “On” oublie de souligner la cupidité (et la sottise) de ceux qui, sans le moindre discernement, entendent exercer une activité en se suréquipant. Comme si le suréquipement créait le marché et les appels d'offre ! Prendre le Père Noël comme chef de projet, ce n'est jamais une très bonne idée, mais, surtout, le commentaire a soigneusement passé sous silence tout ce qui pouvait montrer le côté "branquignol" ce genre de Perrette (accessoirement, un petit détail montre toute la finesse de La Fontaine, c’est que "La Laitière et le pot au lait" succède immédiatement au "Coche et la Mouche" - un génie, ce La Fontaine).
d) Certes, la défiscalisation s'est vraisemblablement un peu dévoyée dans la mesure où elle est devenue une fin en soi et non plus un mécanisme utile et intelligent, mais de là en ignorer l'intelligence et l'intérêt pour le bien commun, c'est de l'ignorance ou de la mauvaise foi, ou peut-être les deux, mais il n'y apas la moindre trace d'information dans une telle démarche que nous avons jadis connue dans d'autres circonstances.
Pour la petite histoire, la rétorsion sur la défiscalisation opérée par l'irremplaçable M. Jégo en 2008 a provoqué - directement - 2 000 chômeurs dans le secteur du BTP à la Martinique, dès les mois qui ont suivi. Et celui-ci a continué à faire le malin par la suite, ce qui nous montre bien ce qu'est la nature humaine sans un minimum de santé mentale.
La défiscalisation a soutenu l'emploi, permis la mise à niveau et la création de nombreuses industries, permis à l'agriculture de perfectionner ses conditions d'exploitation (comme c'était montré dans le reportage qui,par ailleurs cherchait à nous faire penser que c'était mal), entraîné une forte augmentation de l'infrastructure touristique (destinée, en principe à être une panacée - en tout cas, si les Domiens voulaient bien se comporter autrement qu'en rentiers -, permis la réalisation de nombreux logements, y compris de constructions personnelles à fin de résidence principale, et, par la même, provoqué l'explosion des taxes foncières qui atteignent de surcroît des montants records malgré la multiplication des "sources", c'est-à-dire la quantité de logements bâtis. Sans parler, comme je l'évoquais plus haut de la TVA et de l'octroi de mer sur tous les matériaux importés, plus le volume de charges sociales et de cotisations payées, etc. etc. etc.
Maintenant, l'homme étant ce qu'il est, les paysages en ont souffert, et bon nombre d'usagers pris de boulimie capitaliste ont évidemment laissé libre cours à leurs bas instincts, encouragés en cela par l'air du temps, et par une autre boulimie - administrative, celle-là - qui est tellement budgétivore, "qu'il faut faire du fric" par tous les moyens afin d'alimenter la bête qui ne laisse pas le moindre répit à ceux qui ont la pénible charge de la nourrir de leur travail ou de leur patrimoine.
Bref, la niaiserie de ce reportage toxique m'aurait traumatisé si elle ne s'inscrivait pas dans le cours - hélas ! - "normal" des choses auxquelles nous avons eu le loisir de nous habituer très progressivement, tant les choses sont venues de manière régulière et dans une synergie qui ne laisse aucun doute sur le tour que prendra l'avenir si l'on veut bien considérer les causes, les en-cours et les effets.
Et, comme par hasard, cette émission a été programmée le jour même ou Valérie Pécresse y allait de son petit couplet (assorti de grandes leçons de morale) sur la chasse aux (présumés) fraudeurs, l'anathème sur paradis fiscaux et toute la quincaillerie qui sert à ce genre cuisine "allégée" - tellement digeste que Margot en perd du poids sans le moindre effort, et devient si séduisante aux yeux de... DSK, pour qui elle serait prête à voter en gloussant de bonheur, si l'on ne trouvait de la paille de cachot dans l'acier dont on fait les politiciens inoxydables.
Bref ! Une fois de plus l'information nous a promené dans l'intoxication en dissimulant la forêt avec un arbre dont les fruits sont certes visibles, mais qui n'est pas la seule essence que l'on doive prendre en considération sur le sujet.
Bien à vous,
André Derviche