11 Novembre 2011
Au bal de la crise, la Guadeloupe devra apprendre à valser sur le tempo de la rigueur !
Un pas en avant, deux pas en arrière, ainsi danse la France, au gré des bouffées de fièvre des marchés et de l'humeur des agences de notation.
La France est condamnée à une politique importante de rigueur afin de respecter ses engagements internationaux et réduire son déficit. Sa précieuse note «AAA» est en
jeu.
La France doit, coûte que coûte, préserver son précieux «triple A». Mais face à une crise de la dette aux effets incalculables, un sérieux tour de vis paraît
désormais inévitable dès l'année 2012 pour la Guadeloupe. En ligne de mire du gouvernement, les niches fiscales et le secteur social .
Accélération de la réforme des retraites, réduction des dépenses de santé, moindre revalorisation des prestations sociales... À elles seules, ces trois mesures
éclairent le sens profond de «l'assainissement des finances publiques» :sous la pression de la crise de la dette , le probable démantèlement de l'État-Providence qui a permis dans le passé le
progrès économique et social de la Guadeloupe .
En tenant compte de l’inflation prévue par le gouvernement à 1,7%, les crédits de la mission outre-mer diminuent donc en valeur nominale de 31 millions d’euros, soit
un recul de 1,6%. Après la nette diminution de près de 60 millions d’euros l’an passé, l’outre-mer enregistre donc une seconde année consécutive de baisse de ses crédits budgétaires.
De plus, cette diminution devrait être encore amplifiée par le prochain projet de loi de finances rectificatives qui traduira le deuxième plan de rigueur annoncé .
Ce projet de loi de finances rectificatives consistera, notamment, à diminuer de 500 millions d’euros les dépenses budgétaires, soit très probablement une nouvelle baisse de l’ordre de 28
millions d’euros sur la seule mission outre-mer, et à supprimer le dispositif Scellier notamment, ou raboter de nouveau certains dispositifs fiscaux pour une économie de 150 millions d’euros au
détriment des outre-mer.
Comme l’an passé, cette diminution des crédits se double d’une diminution très forte de la dépense fiscale outre-mer, qui pèse pourtant près de deux fois plus lourd
dans l’effort de l’Etat outre-mer que les seules dépenses budgétaires. Ainsi, selon le document de politique transversale pour 2012, les dépenses fiscales pour les outre-mer diminuent de 381
millions d’euros par rapport à l’an passé, avant même le nouveau plan de rigueur annoncé hier !
Ce projet de loi de finances, symbolisera plus que jamais le dogme de la politique à l’égard des outre-mer : le désengagement de l’Etat et les coupes sombres à venir
dans les budgets sociaux .
La défiscalisation pourrait-elle un jour être remplacée par des subventions ? L’idée fait son chemin. Pour preuve, mardi, Jérôme Cahuzac, président de la commission
des finances PS, Claude Bartolone, rapporteur spécial PS, et Gilles Carrez, rapporteur général UMP, ont déposé un amendement afin de demander au gouvernement de réaliser, “avant le dépôt du
projet de loi pour 2013, un rapport étudiant l’opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales”. La commission des finances a relevé que
pour un coût égal, la dépense fiscale apporte à l’outre-mer un soutien moindre que la dépense budgétaire.
Plus que jamais, il faut que toutes les forces vives de la Guadeloupe unissent leurs efforts pour réfléchir à notre modèle économique et social . Le moment de
l’unité pour le salut de la cohésion sociale s’impose à tous nos élus ? Que font nos parlementaires ? Quand comptent-ils monter au créneau pour défendre les spécificités de la Guadeloupe , dont
la reconnaissance par Paris et Bruxelles a permis depuis des décennies à l’économie Guadeloupéenne perfusée de survivre ? Ces spécificités sont de plus en plus rabotées voire supprimées. C’est le
cas du Scellier outre-mer que ses détracteurs qualifient de niche fiscale, supprimé à partir de 2013. La défiscalisation avait pourtant permis depuis 1986 de booster les investissements
immobiliers dans le secteur libre et intermédiaire. Autant dire qu’elle constituait un véritable levier pour notre économie en faisant notamment travailler le BTP. C’en est fini. On ratiboise à
tous les niveaux. Nul doute qu’au rythme où vont les coupes budgétaires, la surrémunération des fonctionnaires ultramarins devrait, après la présidentielle de 2012, passer à la casserole de la
rigueur. Lors d’un point presse , il y a quelques mois, la ministre de l’Outre-mer n’avait-elle pas évoqué du bout des lèvres cette possibilité ? Le dossier est de nouveau ouvert. En tout cas,
pour combler les déficits et éviter une dégradation de sa note, c’est-à-dire la perte du fameux triple AAA, le gouvernement serre la vis. Faut faire entrer 7 milliards d’euros dans les caisses
vides de l’Etat dès 2012, puis 11 milliards un an plus tard et près de 30 milliards d’euros d’ici à 2016. De la rigueur, nous n’avons pas fini d’en goûter. Il y en a et il y en aura pour tout le
monde : les petits, les gros, les pauvres, les riches, les salariés, les ménages, les entreprises, les consommateurs et même les bénéficiaires des prestations sociales. L’État va taxe r les
salaires qui augmentent mais également les petits salaires, qui deviendront imposables.
Pour revenir à l’immobilier, le gouvernement procédera à un recentrage du prêt à taux zéro sur le neuf. Il est par ailleurs prévu une diminution de 20 % du crédit
d’impôt développement durable. La TVA, on l’a dit, augmentera de 2 points en métropole. Autrement dit, la consommation déjà mise à mal par un pouvoir d’achat quasiment en berne depuis ces
dernières années sera de surcroît taxée. Et qui dit consommation et investissement au ralenti, dit croissance économique en panne. Et lorsque la croissance patine, les déficits se creusent
davantage. Faudra encore des plans d’austérité car - comme l’avait déclaré Fillon dès 2007, avant de se faire remonter les bretelles par un Sarkozy en colère - l’Etat est en “faillite”. Et ce
n’est pas demain la veille qu’il va pouvoir remplir ses caisses et éponger les déficits sans casser la croissance . Déjà L'IEDOM dans sa note N° 228 de novembre fait état en Guadeloupe d'une
Inflexion à la baisse du climat des affaires .
L’indicateur du climat des affaires (ICA), calculé à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité, s’inscrit en léger repli au
troisième trimestre. Il se situe maintenant à peine au dessus de son niveau moyen de longue période. Cette inflexion à la baisse, après trois trimestres de hausse puis de stabilisation,
s’explique principalement par l’évolution défavorable de l’activité et des prix de vente des entreprises ainsi que par l’allongement des délais de paiement de la clientèle.
Dans un contexte économique jugé plus incertain, les chefs d’entreprise revoient encore à la baisse leurs prévisions d’investissement.
Mais il ne faut pas se prendre la tête. La vie continue… en Guadeloupe comme si de rien n'était ! Après tout, les cigales, avec leurs fêtes à crédit du crédit, ont
imité le reste du monde, Guadeloupe compris.
DOLTO