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9 Décembre 2011
Sénateurs, ou prédateurs ?
Les temps changeraient-ils à ce point ?
Le Sénat – aussi appelé Chambre haute –, considéré comme l’antre de la modération, de la sagesse, du retour à la raison quand les ardeurs républicaines se sont enflammées au-delà du bon sens et de l’intérêt national – est vraisemblablement en train (comme un certain DSK) de faire son outing, autrement dit de révéler sa face cachée. Car le Sénat – qui ne peut pas agir ainsi sans que cela procède d’un plan soigneusement orchestré par le parti qui en détient la majorité – vient “d’accorder” le droit de vote aux étrangers aux élections locales. La date du premier avril étant trop éloignée pour que l’on puisse penser que c’est une plaisanterie, force est de constater qu’il s’agit là de la recherche d’un effet. C’est une proposition qui compte pour beurre, ce n’est qu’un jeu, c’est pour rire, c’est un “buzz” et rien d’autre. Hé oui, entre les mains des socialistes, la France en est tombée là : la Haute assemblée en est arrivée à produire un texte sans valeur juridique, anti-constitutionnel, grotesque même, au risque de ridiculiser la France. Le véritable objectif de ce contre-emploi institutionnel est de servir de levier à l’opinion publique avec une intention tactique sur laquelle on pourrait s’interroger à l’infini, mais qui n’est pas l’objet de notre réflexion. Nous aimerions bien nous en tenir aux principes.
Alors, qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête des sénateurs pour qu’ils dévissassent ainsi ?
C’est comme si le Sénat n’avait pas compris son propre rôle au sein des institutions de la République. En effet, rien – rien – ne saurait justifier le vote des étrangers aux élections locales ou extra-locales. Naturellement, il faut bien faire semblant de trouver des motifs de légitimation de cette incartade, aussi a-t-on entendu plus d’incantations que de véritables raisons qui permettraient de prendre au sérieux une telle sortie de route. On a plus ou moins compris que comme certains étrangers payaient des impôts locaux, il fallait que ceux-ci, n’est-ce pas, ne fussent pas tenus à l’écart de l’activité “citoyenne”, au moins au niveau local… Et donc, à moins de subordonner le vote des étrangers aux élections locales au règlement de taxes locales acquittée par eux (taxe foncière, taxe d'habitation et taxes locales liées à l'exercice d'une profession, comme l'ancienne taxe professionnelle pour les personnes exerçant une activité en nom propre), quelle autre raison pourrait-on invoquer, quelle que soit l’opinion que l’on ait de ce principe ? En ce cas, cela ne saurait concerner les seuls étrangers, car la subordination du vote local aux impôts locaux serait un principe ferme et établi – dans le développement durable, aurait-on envie d’ajouter pour bêler dans le ton.
Cela reviendrait alors à reconsidérer le droit de vote en fonction de l’élection concernée : il faudrait donc hiérarchiser le droit de vote et scinder celui-ci en plusieurs catégories selon la catégorie d’élection considérée. Pourquoi pas ?
À condition de ne pas céder à la tentation schizophrène qui s’empare souvent du discours public (essentiellement tactique comme chacun sait, puisqu’il s’agit d’un jeu dont la finalité est de se mettre à l’abri des dures réalités dans les ors, petites gourmandises, gros avantages et retraites dorées du pouvoir et de ses allées). Ainsi, en subordonnant le droit de vote aux taxes acquittées dans ou autour de la localité où l’on prétend – dans le cadre des provocations sénatoriales – à la qualité d’électeur “local”, il faudrait obligatoirement étendre celui-ci aux Français (en plus du droit de vote intégral dont ils disposent déjà) sous peine de discrimination. Toujours sous peine de discrimination, il faudrait aussi créer le droit de vote multiple (dès lors que les élections locales seraient régies par ce statut particulier lié aux taxes locales), dont il ne saurait être admissible que les contribuables locaux – étrangers ou Français – fussent écartés dans toutes les communes où ils peuvent y prétendre. Eh oui ! si c’est la contribution qui fait la condition, pourquoi en limiter le champ dès lors que le principe en est acquis ?
En ce cas, les personnes payant des impôts dans plusieurs communes devraient alors être en mesure de voter, elles aussi, dans toute commune – c’est-à-dire dans chaque commune – où elles paient des impôts locaux. Au motif qu’elles y paient des impôts, naturellement. N’oublions pas que le vote des étrangers aux élections locales ne pourrait être recevable qu’à cette condition, puisque c’est la contribution locale que mettent en avant les promoteurs de l’étrange vote étranger. Dans ces conditions, l'assujetti Français d'une commune payant des impôts sur place sans y bénéficier du droit de vote aux élections locales serait réduit à la qualité de citoyen de seconde zone. Et, pour que les choses soient bien claires, n’hésitons pas à nous répéter – car, étrangement, une partie de la classe politique s’est “indignée” de ce dérapage sénatorial mais n’a pas opposé le moindre argument à cette provocation institutionnelle.
Personne, jusqu’à présent, n’a souligné que dans une commune où l’étranger serait admis à voter sur justification fiscale, il bénéficierait d’un super privilège par rapport au Français payant des impôts dans la même commune depuis des lustres sans avoir le droit d’y voter (pas plus que dans toute autre commune dans laquelle il paierait également quelque taxe) du fait qu’il vote déjà ailleurs. Mais l’étranger aussi, peut déjà voter ailleurs, ne serait-ce que dans son propre pays, et cette idée ne traverse pas l’esprit de nos généreux législateurs du dimanche qui veulent à tout prix consoler les étrangers de ne pas être Français.
N’oublions pas qu’un “gros patrimoine” peut payer des impôts dans plusieurs communes, sans que cela constitue – au moins pour le moment – un crime. Le crime serait de l’empêcher de voter dans chacune de ces communes où voteraient des étrangers, électeurs de passage et contribuables de passage… Si la condition de contribuable local donnait droit à celle d’électeur local, il faudrait donc que ce soit le cas pour le Français, autant que pour l’étranger. Au cas où Marianne déciderait d’offrir à son corps à celui-ci. L’adultère ne rompt pas le lien conjugal, n’est-ce pas ?
Dans la misère politique que traverse aujourd’hui la France, il est à craindre que la boîte de Pandore ne soit un peu une boîte de vitesse destinée à créer dans les rapports entre assujettis des discriminations sans fin, en commençant par la discrimination électorale : à commencer par électeur non national titulaire du bonus local et électeur national de plein droit interdit de bonus local, par exemple. Or, quand on commence à pondérer le droit dans la négation des principes (républicains ou autres), le Comité de Salut public se rapproche dangereusement Cependant, dès lors que l’on a admis – avec les médias pour témoins – qu’un critère particulier donnait naissance à un droit particulier, comment oser prétendre que ce droit – le bonus local – puisse être refusé à toute autre personne répondant objectivement au même critère de corrélation ? Et donc, comment refuser qu’il soit ouvert aux Français, de même que le droit de vote local multiple ? Faudrait-il appeler celui-ci le vote “pluriel” pour le rendre plus présentable ?
Le statut de super contribuable – c’est le cas de ceux qui paient beaucoup d’impôts, et souvent dans plusieurs communes différentes – ne confère certes aucun privilège, mais s’il doit s’assortir d’une brimade et d’une rupture du principe d’égalité devant la loi électorale, il vaudrait mieux que les choses fussent précisées par les sénateurs eux-mêmes et qu’ils exprimassent clairement leurs arrière-pensées, plutôt que de brouiller les pistes avec des déclarations que n’auraient désavouées ni Camille Desmoulins ni Saint-Just. Car il se vérifie tous les jours que le mépris de la citoyenneté est une idée neuve en Europe. Alors pourquoi refuser de le formuler explicitement, puisque le cordon sanitaire du politiquement correct protège les pervers comme les invers de tout risque de sanction de leurs débordements ?
En attendant, que ce soit juridiquement, moralement ou constitutionnellement, il est inadmissible d’envisager d’accorder à l’étranger un droit que l’on refuserait à au Français remplissant les mêmes conditions d’éligibilité à ce droit. Si le droit de vote dans une commune (s’agissant des affaires de la commune) ou dans un département (s’agissant des affaires du département) devait être subordonné à la qualité de contribuable local, refuser ce droit à un Français serait une forfaiture.Évidemment, la qualité d’électeur local multiple – conséquence naturelle de la proposition sénatoriale – est de nature à faire bondir les esprits généreux (épris de justice, naturellement) alors qu'elle repose sur leur propre raisonnement, tant il est vrai qu'on a l'habitude de la discrimination, en France : celle-ci a fini par devenir la règle, dès lors qu'elle vise à désavantager les Français par rapport aux étrangers.
Le droit du sol est une idée qui a fait son chemin, certes, mais sur le sol français les Français devraient se sentir aussi un peu chez eux, non ? Il ne serait pas mauvais qu’ils s’y sentissent les bienvenus, ne serait-ce que de la part de leurs soi-disant représentants, les élus du peuple français.
À la suite de ce pronunciamiento sénatorial, une seule question reste en suspens, c’est celle-ci : les sénateurs ont-ils franchi le Rubicon, ou le Rubitraître ?
André Derviche, le 9 décembre 2011