Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
13 Juin 2014
Aujourd'hui, de 12h30 à 13 heures, à Guadeloupe 1ère, sous la férule à la fois rigoureuse et souriante du journaliste François-Joseph Ousselin, trois professeurs de philo, ont commenté en direct, quelques-uns des sujets sur lesquels venaient de s'escrimer les candidats à l'examen jadis instauré par Napoléon premier. Trois professeurs MM. Luckry, Lollia, et un rengagé de la vieille garde, à savoir LS, votre serviteur.
A l'instant, au journal télévisé de 19h30, je viens d'écouter les réactions, espoirs, et craintes de quelques candidats pris au hasard, sur leur épreuve du jour.
En les écoutant, je me suis rendu compte de l'incompréhension chez beaucoup de candidats, de ce qu'est la philosophie, et de ce qu'est cet exercice, difficile, mais passionnant de la dissertation philosophique. Celle-ci n'est pas la simple occasion d'exposer ce que la plupart appellent leurs « idées », exposé qui leur vaudrait une bonne ou une mauvaise note, selon que le correcteur serait, ou non d'accord avec eux.
C'est tout autre chose. Et comme je n'ai pas l'intention, ce soir, de résumer ce que mes collègues et moi avons dit ce midi, je vais, à votre intention, jeunes et moins jeunes, publier le cours sur la dissertation, que je distribuais en début d'année, ronéoté, à mes élèves des classes terminales. Ce cours date de l'année 2006-2007, le dernière année avant, non pas ma retraite ( mot exécrable !!! ), mais avant mon engagement dans une autre forme de scrutation.
Je proposais aux élèves, aussi, un autre cours sur le commentaire de texte, qui est l'autre exercice auquel ils ont à se confronter. Je ne l'éditerai pas maintenant, ne voulant pas en effet, abuser de votre patience.
Ce sera peut-être l'objet d'un autre rendez-vous, l'année prochaine. Qui sait.
Si bon Dié vlé !
LS.
Sur la méthode de la dissertation philosophique.
La dissertation de philosophie est un exercice très rentable pour la formation de l’esprit, mais difficile aussi.
Pour réussir sa dissertation il faut en connaître les règles, mais ne pas oublier qu’il ne s’agit pas d’un quelconque travail de littérature ou d’histoire, qu’il s’agit de philosophie, et qu'il faut donc savoir ce qu’est la philosophie, ce qu’elle vise, quel est son objet.
· La philosophie.
Activité rationnelle qui vise la sagesse.
L’animal, dans la vie, dispose d’un arsenal de savoir-faire innés, tout faits, qui lui permettent de s’adapter et de survivre, sans même avoir besoin de penser, de réfléchir ; il s’agit des instincts. Ceux-ci, à mesure qu’on s’élève dans l’ échelle de complexité des êtres sont capables d’une certaine adaptabilité aux situations nouvelles, mais limitée. Le comportement des espèces animales n’évolue guère avec le temps.
L’homme, lui, n’a pas d’instincts au sens technique du terme. Au départ, il ne sait rien de ce qu’il faut faire pour survivre. Mais ce handicap a sa contrepartie. L’homme est souple, plastique, ouvert sur un nombre indéfini de possibles. Et il est doté de conscience. Conscience : faculté qui lui permet de savoir qu’il est, de se distinguer de l’univers, des choses, de se poser des questions, de se sentir comme un être de désirs, vivant dans le temps, capable de mémoriser, et de prévoir.
Il désire son bien, mais il ne sait pas ce qu’est ce bien ; Par le langage qui lui permet de nommer les choses et d’agir sur elles, l’homme fabrique des outils, transforme le monde dans un sens favorable à sa survie.
Quand il a acquis suffisamment de sécurité matérielle, il dispose de temps libre. C’est alors que surgit la philosophie. Car l’homme découvre que la sécurité matérielle ne suffit pas pour assurer le bonheur.
Que faire pour être heureux, pour connaître le bien être psychologique, spirituel et moral ? Là non plus l’homme ne sait pas spontanément. Il cherche à constituer la science, le savoir méthodique et rigoureux qui lui procurera la sagesse et le bonheur. D’abord il a été éduqué par ses parents, par la société. Mais les plus intelligents parmi les hommes remarquent que les recettes sociales ou familiales sont loin d’être parfaites, qu’elles se contredisent souvent, que souvent elles ne procurent pas la sagesse, mais parfois beaucoup de malheurs, qu’elles ne sont pas toujours fondées sur la réflexion et un savoir vraiment scientifique et universalisable ; que la prétendue « sagesse » collective est surtout, trop souvent, une belle collection de préjugés, de simples opinions sans fondements solides.
La philosophie est la tentative pour dépasser ces préjugés et ces opinions, et pour tenter de répondre rationnellement aux questions qui tourmentent l’homme.
Qu’est-ce qu’un grand philosophe (Platon, Aristote, St-Thomas d’Aquin, Descartes, Kant, Hegel, Bergson, etc) ? C’est quelqu’un qui s’est illustré davantage que les autres dans cette recherche de la vérité, de la sagesse, et a bâti une œuvre philosophique pour aider les autres à penser par eux-mêmes, pour leur propre compte.
Car, philosopher ne consiste pas à savoir ce qu’a dit Platon ou Bergson, mais à tenter de répondre pour son propre compte aux grandes questions que l’on se pose : Vaut-il la peine de vivre ? L’altruisme a-t-il un sens, et l’égoïsme n’est-il pas la voie du bon sens ? La recherche du plaisir n’est-elle pas la seule qui vaille contre toutes les philosophies du devoir et du sacrifice ? etc, etc.
Les grandes philosophies ne sont là que pour nous aider à penser, à gagner du temps en empruntant les sentiers qu’elles ont tracés plutôt que de toujours repartir à zéro et recommencer toujours les mêmes choses.
· Finalité de la dissertation.
L’exercice de la dissertation c’est cela : une tentative d’apprentissage des techniques de pensée efficace ; un effort pour se dégager des opinions superficielles, des préjugés sociaux ou familiaux, des rancœurs historiques, etc ; un effort pour penser par soi-même dans un esprit de vérité.
Penser par soi-même ne signifie pas « être le seul à penser quelque chose », penser de façon tout à fait « originale » ou idiosyncrasique. Je peux penser par moi-même et penser la même chose que mon camarade qui, lui, pourtant n’est qu’un conformiste et répète tout comme un perroquet.
Mais c’est que moi j’ai commencé par douter de l’opinion qui était la mienne (reçue) ; je l’ai examinée sous toutes les coutures,, sous tous les angles. Et j’ai vu qu’elle résistait au doute, qu’elle reposait sur des bases rationnelles solides (mais quelquefois elle n’a pas résisté, et je l’ai abandonnée). Dès lors, elle cesse d’être une opinion pour devenir un savoir, solide, fondé.
Tandis que mon camarade, même s’il croit quelque chose qui est vrai, ne sait pas pourquoi c’est vrai, ; il en reste au stade de l’opinion ; son esprit faute de savoir douter et penser, flotte à la merci de tous les préjugés sociaux, de toutes les rumeurs, comme une barque sans pilote au milieu de l’océan.
Telles sont la finalité et la nature de la dissertation philosophique.
· L’exercice en lui-même.
Une bonne dissertation doit aussi, être ordonnée, organisée suivant un plan rigoureux.
Le Plan :
Pas de recette miracle. Pas de plan type, qu’il suffirait d’appliquer mécaniquement. Une dissertation doit cependant obligatoirement comporter une introduction, un développement, une conclusion.
(I) L’introduction.
Elle doit :
· Amener le sujet.
· Formuler une problématique.
· La problématique annonce le débat et exonère d’avoir à exposer le plan de façon trop didactique.
· On peut amener le sujet par une courte citation, mais ce n’est pas toujours possible et certains correcteurs y sont opposés à cause du risque de substitution d’un sujet à un autre.
· Problématique : art de poser les problèmes. Est problématique ce qui contient ou enferme des contradictions que la réflexion aura à tenter de réduire, de lever. Dans une bonne introduction on pourra montrer la contradiction sur un exemple ou une confrontation de citations. Il s’agit de donner à penser.
En règle générale : pas d’introductions fleuves (15 à 22 lignes sont un objectif sensé).
Ne pas donner la réponse dans l’introduction qui est essentiellement interrogative.
Donnons ici un exemple d’introduction à partir du sujet Toutes les opinions sont-elles tolérables ?
Amener le sujet : « A première vue la diversité est une richesse. Une peinture monochrome est-elle plus riche qu’un tableau de Manet ou de Monet ? Une société où une seule opinion se partagerait tous les esprits suinterait l’ennui. A terme cette pauvreté idéologique l’entraînerait dans la régression et la mort, comme en biologie la consanguinité a des effets souvent dégénérescents.
Poser la problématique : Mais dans les sociétés modernes occidentales, au moins en apparence, ce risque n’est pas avéré. Ce qui éclate, à première vue, c’est la diversité, la profusion des couleurs et des formes, vestimentaires, politiques, religieuses, culturelles.
Mais cette richesse polyphonique peut déboucher sur une cacophonie. Un certain Islam ne tolère pas d’autres formes d’expressions religieuses. L’extrême gauche politique refuse à l’extrême droite le droit à l’expression, (et parfois réciproquement) etc.
Ainsi la variété peut déboucher sur le désordre, et les guerres civiles et religieuses La tolérance serait-elle impossible ? Et la paix entre les hommes serait-elle inséparable d’un ordre politique impérieux, de la violence légale dont l’Etat aurait le monopole » ?
(II) Développement :
Il n’y a pas un nombre de parties qui s’imposerait. Mais il y a une logique philosophique qui fait que souvent une bonne dissertation comporte trois parties.
Logique philosophique : Toute question doit être examinée sous tous les angles. Reprenons l’exemple de tout à l’heure.
On pourrait :
· Faire l’éloge de la tolérance, montrer toute sa fécondité, faire l’apologie de la variété.
· Montrer, a contrario, son impossibilité, comment elle débouche souvent sur des conflits insurmontables, soit à cause de la faiblesse psychologique des hommes, soit par suite de la radicale incompatibilité logique des positions en présence.
· Rechercher une solution intermédiaire (rationnelle), qui ne soit pas un fade compromis artificiel. Une dissertation n’est pas un mélange de glaçons et d’eau bouillante. Le résultat serait de l’eau tiède, un vomitif, qui à l’examen débouche sur un 04 ou 05 / 20 (ou moins ! ! !).
Tout cela doit être bien écrit (respect de la syntaxe et de l’orthographe), bien argumenté.
A l’appui de son dire, produire des exemples. On peut produire des citations d’auteurs, si on en connaît. Mais ne pas en abuser. La citation n’a pas de valeur en soi (cf le rôle de l’argument d’autorité en philosophie). Mais elle facilite parfois les transitions, fait rebondir la réflexion, etc.
Dans une argumentation aller toujours du simple au complexe, du moins percutant au plus percutant.
Dans une partie, chaque argument doit constituer un paragraphe. Ceux-ci doivent s’enchaîner logiquement mais aussi harmonieusement (aspect littéraire).
(III) La conclusion .
Le sujet introduit est maintenant traité. Normalement le lecteur, si votre travail est valable, comprend votre conclusion, qui est votre réponse, pensée, argumentée, à la question posée (et non simplement une préférence sentimentale engendrée par un préjugé, quel que soit sa nature). La conclusion doit être claire, ferme mais aussi ouverte. Car vous devez montrer que vous avez conscience de la complexité des choses, et que peut-être vous avez tort, si certains aspects du problème vous ont échappé.
Ajout, ce matin 14 juin.
A la demande de plusieurs lecteurs qui voudraient prendre connaissance des sujets de philo donnés le 13, j'ajoute les photos scannées des sujets qui m'ont été fournis juste avant l'émission à Gpe 1ère, et que j'ai eu le temps, avant l'entrée sur le plateau, de griffoner sommairement ( plutôt qu'annoter ).