13 Mai 2012
Il y a longtemps que je l'ai écrit, dans mon livre France, Garde-nous : Nous autres antillais, nous connaissons mieux l'histoire de France, que les Français d'Europe ne connaissent l'histoire des anciennes colonies devenues départements et régions d'outre-mer, par une lente imprégnation des valeurs de la civilisation française ( combinées à des sources multiples africaines, indiennes, moyen-orientales, qui lui donnent le cachet ctéole ), puis par la force de la loi, en 1946.
Notons qu'il en est de même, d'ailleurs, des membres de la nation française, à l'égard des vieilles provinces de l'hexagone, dont le lycéen, même de bon niveau, ne sait pas trop quelles étaient les spécificités ethniques, linguistiques, religieuses, les parlers régionaux, des vieilles provinces de la France d'ancien régime, si profondément diverses, et qui constituaient la France d'ancien régime, décentralisée, riche de sa variété extrême.
Ainsi l'a voulu la République, tellement centralisatrice, niveleuse, éradicatrice des spécificités comme nous aimons à dire aujourd'hui, à l'envi, et jusqu'à l'écoeurement pour ceux qui aiment la belle, et si précise, langue française, lassés d'entendre radoter, à l'infini, les commissaires politiques affectés à l'institution de la novlangue, émasculateurs de toute variété, de toutes les richesses qui ont longtemps fait de notre peuple, un agent de l'esprit, et de la vraie liberté.
Oui, le nivellement, l'uniformisation ont été l'oeuvre de républicains, dès 1793, au demeurant souvent purs dans leurs intentions, et notamment celle par la langue, par l'interdiction des langues régionales. Tel le célèbre abbé Grégoire, farouche républicain, l'ami des noirs, et qui ne contribua pas peu à la première abolition de l'esclavage aux colonies, en 1794, mais en même temps à l'interdiction des langues régionales, dont les créoles.
Il serait donc bon, que certaines réformes s'appliquent à faire de l'enseignement de l'histoire, une redécouverte de la diversité française, de l'existence d'une France qui, au moment de la Révolution de 1789, avait déjà plus de 15 siècles d'histoire, et dont la Guadeloupe fait partie intégrante depuis 1635.
( I ) Une lettre ouverte, de Victorin Lurel, à nos compatriotes de l'hexagone.
J'ai donc été heureux que Victorien Lurel, président de la région Guadeloupe, et député de la Guadeloupe, ait partagé ma préoccupation et se soit adressé à nos compatriotes de " là-bas", pour leur faire mieux connaître notre existence, celle d'un "morceau de France, palpitant sous d'autres cieux" comme disait quelqu'un de célèbre, et dont il ne récusera pas le témoignage puisqu'il s'agit d'un socialiste, comme lui : Jean Jaurès.
J'ai lu l'ouvrage de M. Lurel, qu'il a eu la gentillesse de me faire parvenir, avec une dédicace, où je n'ai pas discerné d'autre provocation que celle d'en dire ce que j'en pense, loyalement, et donc sans flagornerie, et sans complaisance évidemment, Victorin Lurel n'ignorant pas les usages de la maison "scrutatrice"!
( II ) Un sympathique autoportrait.
Nombre de pages de cette épître mérite, il me semble, à la fois l'approbation et la sympathie.
Ce sont celles d'abord où l'auteur nous parle de son enfance et de sa jeunesse, celle d'un enfant d'assez modeste origine sociale, dans la commune rurale des Vieux-Habitants, sur la côte sous le vent. Le père, Gervais Lurel, toutefois possédait "quelques hectares de terre", dont le nombre n'est pas précisé par son . fils. (Le marquis de Carabas en possédait aussi, plusieurs! ). Mais les revenus étaient semble-t-il modestes. Gervais Lurel était un homme affamé de culture. Il lisait beaucoup, et de tout, et la célèbre collection "Que sais-je" des P-U-F, était en bonne place dans sa bibliothèque, où le fils ( notre cher Victorin ) fréquentait assidûment.
Il parlait, semble-t-il déjà beaucoup et regurgitait d'abondance son savoir à ceux qui voulaient l'entendre, et notamment au paternel, qui, amusé ( peut-être ) lui attribua le sobriquet de "petit professeur.
Cela a-t-il tellement changé maintenant qu'il est devenu grand? !
Sa mère, Simone Beaugendre, était, comme souvent chez nous aux Antilles, le pilier central de la maison, le "potomitan" comme on dit en créole. "Monsieur le président" lui doit beaucoup semble-t-il, notamment de ce qu'il appellerait son "réalisme".
Ne chipotons pas, il arrive à Victorin d'être réaliste, et de le montrer sans barguigner.
J'aime assez, qu'évoquant le temps de ses études supérieures, il évoque ceux des étudiants antillais qui avaient choisi d'évoluer politiquement dans les associations estudiantines d'extrême gauche, ou dans le GONG ( Groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe ). " Ils mesuraient sans doute mal, écrit le "petit professeur', que nous avions choisi une autre voie, originale, de décolonisation avec la départementalisation de 1946" ( P. 14 ).
Ou ceci : " Personnellement, je considère – et j'y reviendrai – que cette question de l'identité des ultramarins est certes complexe, mais que nous pouvons fort bien assumer notre triple identité guadeloupéenne, française et européenne. Nous sommes forcément profondément Guadeloupéens, Guyanais, Martiniquais ou Réunionnais, mais nier que nous sommes aussi très Français ne serait pas réaliste...et nous devenons européens". ( P. 21 ).
C'est ce que je crie à tue-tête, depuis trente ans dans Guadeloupe 2000, d'abord, et présentement dans Le Scrutateur.
Ou encore : « Aux Antilles, le partage de notre identité-relation, riche de mélanges et de fraternités, n'exonère malheureusement pas certains d'entre nous d'accès de cécité, comme dans l'Hexagone ! Les équilibres restent fragiles, la braise du racisme peut aussi couver sous la cendre d'une certaine abondance. La crise économique a favorisé, début 2009, la désignation de boucs émissaires, de responsables des difficultés matérielles que rencontraient les Antillais. Je n'ai pas reconnu mon île dans ces heures troublées ! Une poignée d'exaltés a voulu confisquer la véritable essence de l'identité guadeloupéenne et a cherché à diviser et à dresser les Guadeloupéens les uns contre les autres. La question de l'identité guadeloupéenne était lamentablement instrumentalisée à des fins politiciennes par une partie du mouvement indépendantiste et nationaliste, déguisé en mouvement syndical. Beaucoup d'élus, à gauche et à droite, n'ont pas réagi, voire ont tacitement adhéré. Avec le soutien de quelques rares amis politiques, je suis intervenu pour rappeler à la raison la population qui a mis quelques jours à se ressaisir. C'est avec ces amis, de gauche principalement, mais aussi de droite pour certains, avec ces amis dotés d'une ossature morale que j'ai, l'année suivante, constitué une liste aux élections régionales. Cette liste a été la seule de France élue au premier tour avec près de 57 % des suffrages. Cette victoire massive des valeurs humanistes sur le populisme et l'instrumentalisation raciste des difficultés des Guadeloupéens m'a d'abord rassuré sur la santé de notre société et a consolidé en moi la conviction de la valeur du combat politique ». ( pp. 31-32 ).
On se rappelle qu'à cette occasion, un prêtre catholique, imposteur connu, encadré par deux ou trois moines rouges exaltés, dont un vieux loup pelé ont participé au carnaval indépendantiste, et M. Lurel fait une allusion à cette tourbe, en quelques lignes, avec la moue désabusée que l'on devine ( ou que l'on espère ) entre les lignes, mais en pas plus de six lignes, consacrées au baptême des « Samaritains du LKP. » Six lignes, pas plus. Politique oblige. ( Vieux loup efflanqué, vu par l'artiste Estoppey, dans les jardins du Palais Royal, à Paris . On se sera aperçu, je l'espère, qu'en choisissant les illutrations et en rédigeant leurs légendes, le Scrutateur s'est bien amusé ).
( III ) Le politicien socialiste.
« Halas, Halas, hélas! dit Grandgousier, ( … ) Ho, ho, ho, ho, ho, mon Dieu, mon Sauveur, aide-moi, inspire-moi, et me conseiller ce que je ferai! »
Rabelais, in Gargantua, Chapitre XXVIII).
Hélas, hélas, hélas! M. Lurel, dont je ne dissimule pas la sympathie qu'il m'inspire, en tant qu'individu, avec les qualités qui sont les nôtres aux Antilles quand nos esprits ne sont pas « captivés » au sens strict, par quelque mauvais loas ( ou Lwas. Entités surnaturelles du vaudou haïtien qui renvoient à des forces naturelles comme la foudre, la mer, la maladie, qu'ils déchainent à volonté ) dont je me voudrais, autant qu'il est possible, moins le bokôhoungan « l'interprète » que l'exorciste, M. Lurel, donc, est aussi un politicien, c'est-à-dire quelqu'un qui aspire au pouvoir, et qui, en conséquence, pense aux moyens de s'asservir le maximum d'électeurs, mal armés contre les coups de la subversion du politiquement correct.
Force est reconnaître, qu'y croyant, ou pas, il puise largement dans le carquois bien fourni en traits empoisonnés de la gauche « démocratique et républicaine » ( sic ) dont il est un membre actif et apparemment sincère.
A) Le racisme.
Ainsi « nosthromme » parle abondamment du racisme dont il est un contempteur, et moi aussi, mais dans un sens différent du sien ( voir dans les archives du Scrutateur les articles nombreux que nous avons consacrés à cette question sensible ).
Nosthromme va jusqu'à suggérer aux dirigeants nationaux du PS, et à François Hollande, de modifier l'Article premier de la Constitution de le V ème République qui affirme pourtant avec les meilleures intentions du monde l'égalité de tous sans distinction de race.
Mais il s'agit là, pour Victorin Lurel d'une erreur sémantique qui repose sur une conception scientifique dépassée du problème.
Et d'évoquer le généticien Jacques Ruffié, qui, en 1972, avait déclaré que « chez les hommes, les races n'existent pas ». ( voir les pages 36 et suivantes ).
A quoi l'on peut objecter que pour être un bon généticien on n'en n'est pas moins homme, avec des passions politiques, et notamment des idéologies d'extrême gauche.
Ainsi, en fut-il pour Alfred Kastler, ce physicien Français, qui obtint en 1966 le prix Nobel de physique, avec le prestige et l'aura qui accompagne généralement cette récompense.
Grand physicien M. Kastler n'en répondit pas moins avec empressement à l'invitation qui lui fut faite de se rendre à la Mutualité, à Paris, pour y prononcer un discours pour la paix au Viet-Nam, c'est-à-dire, en réalité, pour les communistes du Nord Viet-Nam qui s'apprêtaient à soumettre le sud du pays à la dictature sanguinaire du communisme.
Quand le malheur fut réalisé, et évident, même pour un Jean-Paul Sartre, Kastler se frappa la poitrine : « je n'avais pas voulu cela ».
Mais le mal, irrémédiable était fait. Car l'on peut-être un savant éminent, et un puceau en matière politique.
Si monsieur Ruffié avait été moins idéologue, et meilleur connaisseur de la logique classique, il eut sans doute reconnu qu'il y a un Genre, le genre animal, dont l'homme, le chien, la souris, etc sont des espèces ( et certes, il n'y a pas de procréation possible entre ces espèces animales ).
Ensuite qu'il y a des « différences spécifiques »: l'homme est raisonnable, le chien est un être sensible.
Et puis il y a « le propre », une notion qui s'attribue au sujet au titre de qualité essentielle : « Rire est le propre de l'homme » disait Rabelais. Et jusqu'à nouvel ordre, le ricanement apparent de certains singes n'a rien de commun avec le rire humain et la distance à soi et au monde, qu'il dénote, engendrant l'ironie et l'humour ces qualités si précieuses.
Enfin il y a « l'accident » cette notion universelle qui s'attribue à un sujet mais de façon contingente, et qui fait de tel ou tel, un musicien, un laboureur, un voleur, ou/et un politicien.
Mais M. Ruffié et monsieur Lurel font comme tout homme de gauche « qui se respecte » ( expression consacrée ): ils substituent les mots aux choses, et croient les problèmes réglés, après avoir manipulé les mots.
Mais quand on aurait supprimé le mot race de la Constitution, Pierre, Rachid et Mamadou, continueront à voir des noirs, des blancs et des jaunes.
Quand un criminel sera recherché avec de très fortes présomptions de culpabilité, il faudra bien, dans sa fiche de signalement préciser son teint, la texture de ses cheveux, etc, sous peine d'inefficacité totale. « Humaniste » peut-être, mais inefficace et stupide.
Les exemples analogues surabondent et montrent à l'évidence comment l'idéologie peut encalminer les meilleures intelligences.
Une telle mesure, pourtant aurait au moins un aspect plaisant : rendre logiquement inutile, faute d'objet, le maintien d'associations telles que SOS-racisme, la Licra, ou le Mrap, et la suppression des grasses subventions qui leur permettent d'exister, aux frais du contribuable, aux dépens d'une dette publique qui s'agrandit, et, dit-on, sans que l'on puisse dire avec certitude que les fonds attribués servent vraiment à ce pour quoi on les avait accordé.
(B) Le problème du multiculturalisme.
Pour être dans le ton de ses amis du boboïsme parisien M. Lurel donne évidemment dans la mode ( irresponsable, et creuse ) de l'éloge de la « diversité », et du multiculturalisme.
Les appels à la prudence, et à la responsabilité des politiques, lui paraissent très exagérés.
A mon sens, c'est Victorin Lurel qui exagère dans la cécité voulue, et exigée par la progression positive de sa carrière politique.
Dois-je lui rappeler ce que disait l'un de ses amis politiques, (puisqu'il a appelé à voter pour François Hollande). Je veux parler du sociologue Emmanuel Todd. Celui-ci dans la première édition, qui est celle que j'ai lue ( en 1988 ), de son livre L'invention de la France, il s'insurge contre l'image que l'on voudrait donner d'une France moisie, peureuse, et donc xénophobe.
Il notait qu'une inquiétude sourde commençait à poindre dans un pays, où dans le même temps un historien aussi probe et compétent qu'Alain Besançon, s'inquiétait du fait que l'immigration était en train « de devenir de véritables transports de peuples ». 25 ans plus tard, le phénomène a pris une ampleur véritablement inquiétante.
Or, cher Victorin Lurel, dans ce domaine de la politique d'immigration « et de la diversité » comme disent les amoureux de litotes, il faut être réaliste (et informé surtout ! ), et non bêtement sentimental et « humaniste » comme disent les ignorants qui ne savent pas le sens des mots.
Installer en France des millions d'immigrés qui viennent de civilisations et de cultures radicalement différentes de la nôtre c'est plus qu'une imprudence, une faute politique grave.
Ce n'est pas en faisant guili-guili à ces gens là, comme le souhaiteraient les Jack Lang et compagnies, qu'on les aidera, et encore moins qu'on fera perdurer la nation française ( et l'Europe ).
Une culture est un ensemble cohérent, qui s'est structuré parfois durant des siècles, où la langue, notamment, et la religion, ont joué des rôles majeurs.
Il ne suffit pas, avec de bons sentiments et de bons petits instituteurs, abrutis jusqu'à il y a peu par les IUFM, de dire « aimons nous, considérons et acceptons l'AUTRE dans son altérité » ( mais voici que je me met à jargonner ) pour transformer la diversité en symphonie classique.
Voici un exemple de l'importance des langues dans la formation des cultures, et des individus dans celles-ci, il est donné par le psychologue canadien Otto Klineberg :
« Un des exemples les plus frappants de la manière dont le vocabulaire peut refléter les intérêts d'un peuple nous est donné par les multiples façons de désigner le « chameau » dans la langue arabe. On dit qu'il y a environ dix mille mots se rapportant plus ou moins au «chameau », y compris les mots dérivés de chameau et attributs qui lui sont associés— II existe non moins de cinquante mots pour désigner une chamelle en état de grossesse, les étapes de sa grossesse, le moment où le mouvement du foetus est ressenti pour la première fois, les mères qui allaitent leurs petits et celles qui ne le peuvent point, celles qui sont près de la délivrance, etc....
De même, la grande variété des mots utilisés par les Esquimaux pour désigner « la neige » résulte clairement du besoin d'établir une différenciation entre les aspects multiples de ce qui pour nous constitue un phénomène unique ».
Et il en va de même pour tous les mots de la langue, et les comportements qu'ils engendrent l'amour, la haine, la jalousie, le travail, la … femme, etc.
Rien n'est simple, et les démagogues, mais aussi les innocents, très nombreux qui considèrent la politique comme le monde des bons sentiments, qui prennent des airs dégagés pour parler de l'immigration, tout en se rengorgeant de la BONTE qu'ils s'attribuent et de la « beaufitude » qu'il accordent, généreusement, à « la droite », à la malhonnêteté foncière du militant de droite, et même des philosophes de droite, ( si j'ose risquer une telle contradiction dans les termes! ) sont pour les gens qui réfléchissent, un très grand sujet d'inquiétude.
Il en est de même pour l'Islam, dont Victorin Lurel minimise l'actuelle et dangereuse pulvérulence, pour des raisons d'opportunisme, ce qui est indigne de l'homme que je crois qu'il est, sous son masque de politicien.
Je ne veux pas trop m'attarder sur ce point, pour ne pas donner à cette modeste recension les allures du fleuve Amazone.
( C ) La haine anti Sarkozy.
( Pommeau de la canne du Scrutateur. " Quand le sanglier tombe et roule sur l'arène, Alons, allons! les chiens sont rois" )
Monsieur le président, cher Victorin Lurel,
Permettez moi, par le lien suivant de résumer en deux minutes les aspects anthropologico-religieux du phénomène migratoire maghrébin, par quelqu'un qui était spécialement bien placé pour en parler :
http://www.youtube.com/watch?v=bsItfKAa2Us
Je n'insisterai pas non plus, pour ne vous être pas désagréable, sur un autre aspect fatigant de votre ouvrage. Certes vous êtes socialiste. Face à monsieur Sarkozy, vous étiez dans le camp adverse. La polémique était normale. Nous sommes sur la terre des hommes, non au Paradis des anges.
Mais les limites de l'acceptable ont été dépassées, et ont atteint parfois le seuil de l'abjection.
Je ne vous le cache pas, cher compatriote, - dont j'ai eu plaisir à souligner plus haut certaines des vraies qualités - , parfois j'ai eu honte de vous voir mêlé à la meute des vieux loups pelés du Mitterrandisme, ou des jeunes chiens impudents du socialisme new-look, aussi féroces qu'avides de prébendes et d'honneurs ( au pluriel, j'ai bien vérifié l'orthographe ).
( Loup efflanqué, haletant, prêt pour la curée.
).
Monsieur, la considération que j'ai encore pour vous m'incite, à vous inviter à cultiver cette vertu d'honneur, mais au singulier.
Vous êtes un de nos représentants en France hexagonale, comme vous dites, et même peut-être bientôt, sur une scène plus vaste encore. C'est une responsabilité importante.
Oui! La culture de l'honneur, c'est plus important qu'un maroquin.
Puissiez-vous ne jamais l'oublier !
Edouard Boulogne.
PS : Dans la ligne de cet article, Le Scrutateur publie, ce jour, ci-dessous et dans la rubrique des Pages ( à droite, et en haut de la page d'accueil ) le texte du jour. Il s'agit de quelques pages du livre La création des cultures, du philosophe Raymond Polin. Il y est question du MULTICULTURALISME.
Texte profond et beau de cet ancien professeur à la Sorbonne dont j'ai été l'élève. Il contient, mais la totalité du livre également, de quoi faire réfléchir et s'armer, pour la droite, notamment en Guadeloupe, si cette famille politique a réellement, chez nous le désir, de s'affranchir de certains loas ou lwas, et de s'élever au-dessus des querelles de village. Publié en 1993 ).
Peut-il exister des sociétés politiques multiculturelles ? Par Raymond Polin ( philosophe, ancien professeur à la Sorbonne, et membre de l'Institut de France).
« L'un des plus graves problèmes qu'affrontent les Etats d'Occident, c'est la constitution de sociétés dont on peut se demander si elles ne vont pas devenir de plus en plus des sociétés que l'on affuble déjà du qualificatif de multiculturelles.
Que des personnes, que quelques personnes appartenant à des cultures différentes, et même très hétérogènes, puissent entrer en dialogue et discuter de problèmes humains, traiter d'affaires sur des règles convenues et établir des contrats, leurs rapports entre eux tout extérieurs et très limités sont affaires de bonne volonté et de bonne foi de la part des protagonistes.
Que des étrangers viennent individuellement ou en groupes non concertés, visiter un pays, y séjourner plus ou moins longuement pour affaires ou par agrément, il faut à cette bonne volonté et à cette bonne foi entre gens du pays et étrangers ajouter, pour ceux-ci, le respect des lois et coutumes du pays d'accueil ainsi que les moyens de faire face aux frais de ce séjour. Ce peut être l'occasion d'un cosmopolitisme de bon aloi, capable parfois de s'avérer très fructueux.
Il peut même arriver qu'un étranger vienne s'installer avec sa famille dans un pays qui lui plaît, y résider de façon définitive, y prendre un travail, tout en gardant son statut d'étranger. S'il a les aptitudes et les moyens pour le faire, les mêmes dispositions suffisent.
Dans tous ces cas, qui sont tous des cas individuels et isolés, les étrangers à la communauté d'accueil ont entre eux et avec les gens du pays des relations de type privé fondées sur la bonne volonté, la bonne foi, le respect des lois et coutumes régnantes, un respect qui tend à valoir peu à peu assentiment et adhésion.
Tout change, en revanche, et pour trois raisons, si l'on envisage le cas où, dans le cadre d'une communauté culturelle politique préexistante, dans un Etat-nation moderne à l'occidentale, viendraient s'installer, en continuant à pratiquer leurs propres valeurs et leurs propres coutumes, des communautés culturelles fortement hétérogènes et continuant à vivre en blocs. Notons d'ailleurs que cette immigration systématique ne se passe jamais ainsi : ce sont des individus qui arrivent et s'installent isolément en avant-garde, et auprès desquels, peu à peu, s'agglomèrent d'autres individus, puis leur famille et leurs proches, jusqu'à former une communauté de fait rassemblée sur des lieux occupés et progressivement accaparés.
D'abord parce que ces communautés font intrusion dans un Etat : elles et leurs membres prennent des positions politiques. Ce ne sont pas simplement des sujets de droit, mais des citoyens et des collectivités de citoyens qui interviennent comme tels dans la vie et la politique du pays d'accueil.
Ensuite parce que ces communautés, développées à partir de flux migratoires massifs, provoquent des effets d'envahissement, d'invasion. Elles s'imposent comme d'encombrantes minorités, formant des groupes de pression puissants, et d'autant plus que leurs dimensions s'accroissent.
Enfin, parce que ces communautés veulent se constituer en ensembles solidaires autour de manières de vivre attachées scrupuleusement à leurs traditions religieuses, morales et même juridiques. Bien loin de tenter de résoudre leurs problèmes en s'efforçant de s'assimiler, ils insistent sur leurs différences, ils veulent faire triompher leurs particularités et les répandre autour d'eux. Aux réactions pénibles qu'ils provoquent, ils répondent par la mauvaise volonté, la mauvaise foi, l'intolérance. (souligné par Le Scrutateur ).
En exaltant leurs différences et leurs incompatibilités culturelles, ils rendent plus difficiles encore toutes les tentatives de compréhension réciproque, préviennent tout essai de conciliation, d'autant qu'il ne s'agit pas seulement de compréhension entre individus, mais de compréhension, ou simplement de tolérance, entre multitudes indéterminées. Ils vivent entre deux cultures, déracinés, marginalisés, de plus en plus mal supportés par la population environnante, qui ne voit en eux que des parasites et des incapables. Ils se trouvent eux-mêmes perdus d'incompréhension, désespérés, et bientôt révoltés à la fois contre la situation dans laquelle ils se sont fourvoyés et contre la société à laquelle ils ont imposé une présence non souhaitée et mal tolérée.
La culture qui se trouve être, volens nolens, une culture d'accueil, ne parvient plus au-delà d'un certain seuil d'infiltration, d'envahissement, d'invasion, à assimiler les immigrés s'installant sur son sol et y pratiquant obstinément la culture de leur ancien terroir. Ceux qui étaient des « barbares » de l'extérieur veulent demeurer des « barbares » à l'intérieur, pratiquent leurs propres coutumes et leurs propres mœurs, défendent leurs propres valeurs même si elles sont incompatibles avec celles du pays d'accueil. Ils sont peu à peu amenés à vivre en marge des lois du travail et des lois de l'Etat, à fomenter de l'intérieur une sorte de révolte civile larvée, qui peut tourner à la guérilla, où les raids de violence s'associent à des campagnes de désobéissance civile. (Souligné par LS.). Dans ce climat de désordre et de dissolution des mœurs, la population autochtone surprise, gênée, perturbée, soumise parfois à des gestes hostiles ou à une concurrence mal supportée, réagit, proteste, manifeste, cède la place ou s'insurge. Des conflits naissent, des violences éclatent et se multiplient. L'Etat, menacé dans sa vie culturelle, désordonné dans ses mœurs, défié dans son autorité politique, est mis en péril d'anarchie, en péril de dictature, dernier et funeste recours, ou, tout simplement, de survie.
Il faut reconnaître qu'au-delà d'un seuil assez bien connu, qui peut être, suivant les cultures en cause et la plus ou moins grande bonne ou mauvaise volonté de leurs membres, de l'ordre de 12 à 14 ou 15 %, les conditions de coexistence de ces communautés culturelles au sein de la communauté culturelle d'accueil sont de plus en plus conflictuelles. La survie de l'Etat risque d'être menacée, cela veut dire non seulement que la sécurité et l'ordre publics sont en danger, que l'autorité de l'Etat et des institutions est bafouée, mais que la culture elle-même entre en crise, à commencer par ses valeurs fondamentales, qui s'embrouillent et tombent en confusion ; les mœurs elles-mêmes risquent de se décomposer tandis que l'identité culturelle devient floue et que le sentiment national, la volonté nationale perdent peu à peu leur repère et leur âme ».
( In La création des cultures, P-U-F, collection Questions. pp. 208 à 211 ).