Per cio, Luciano Pavarotti, andrete al paradiso! par Edouard Boulogne.
6 Septembre 2007
Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis
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Per cio, Luciano Pavarotti, andrete al paradiso !
Luciano Pavarotti est-il le plus grand ténor de tous les temps, comme l’événement de sa mort le fait écrire ici et là ? Pour le savoir il faudrait pouvoir comparer sa
voix à celles de tous les monstres sacrés de l’opéra, depuis le surgissement de celui-ci dans la tradition occidentale, en gros depuis le début du XVIIème siècle, et Monteverdi.
Or nous ne possédons d’enregistrements que depuis à peu près 1900, et la technique, à laquelle nous devons l’inappréciable chance de pouvoir encore entendre un Enrico Caruso (mort en
1921), une Melba, était alors bien sommaire : orchestres à peu près inaudibles, voix bridées, étouffées, retenues.
Heureux sommes-nous, toutefois, de posséder ces documents rares. L’imagination nous permet de suppléer à l’imperfection des restes, comme en architecture, il est permis de rêver à
ce que furent les Pyramides de Giseh, ou le Parthénon avant qu’ils n’aient subis les outrages du temps et de la folie des hommes.
Gardons nous donc de trop prendre à la lettre les approximations des informateurs de la société dite de « communication ».
Quoiqu’il en soit Luciano Pavarotti, qui s’en est allé, était un artiste majeur du monde de l’opéra, un ténor de première force. De sa voix émanait une impression de puissance incomparable, une luminosité exceptionnelle, un timbre d’une pureté et d’une chaleur unique, une santé aussi, rare, gagnée par la volonté et
le travail acharné, sur une fragilité corporelle, malgré les apparences, que les curieux du monde de l’art lyrique connaissaient.
Pour ma part, toutefois, je n’éprouvais pas, à l’entendre, ces émotions immédiatement suscitées par un Nicolaï Gedda, (ténor suédois, un peu moins connu, mais étonnant), qui, dès les
premières paroles du Faust de Gounod, « Encore un jour, encore un jour qui luit », par un miracle vibratoire, signifie au mélomane, que cette interprétation va trancher « pour toujours » sur tant
d’autres, simplement belles, l’introduit au mystère de la vie et de la mort, du désespoir et de la rédemption.
Ou bien encore, ce passage du troisième acte de l’Othello de Verdi « Dio ! mi potevi scagliar tutti i mali, etc », où le ténor canadien John Vickers, avec moins de moyens purement
vocaux que Pavarotti, peut-être, sait submerger l’auditeur de l’essence du chagrin, du sentiment intime de ce que peut être la solitude d’un être trahi, (ou qui se croit tel) bafoué, avec toute
la morbidité qui sourd, exsude de son âme exténuée.
Malgré toutes les qualités du grand ténor, ce registre là, de l’interprétation, n’était pas, il me semble, celui du grand Luciano.
Il me semble. Et je n’entends imposer à personne mon point de vue.
Car il y a un mystère de la rencontre d’une voix et de celui qui l’écoute. Tant de paramètres interviennent pour susciter l’alchimie intérieure. Tout comme il en est pour ceux qui
vous font préférer, entre des instruments musicaux supérieurs, le violoncelle au violon ou au piano, ou le contraire.
Ces très légères réticences n’expriment donc de ma part nul refus, au contraire, de m’associer à l’hommage universel qui monte en l’honneur de M. Pavarotti.
Mon admiration, un peu latéralement, va aussi à sa personnalité, méditerranéenne, volontiers excessive et truculente.
Je revois Pavarotti, dans l’une de ses prestations célèbres dite des « trois ténors ». Nous étions quelques uns devant la télévision a savourer le divin « show ». Carreras ou Domingo venait de finir un air. Entrait alors, sous les applaudissements crépitants, le grand Lucien, « hénaurme » ! transpirant, son immense mouchoir blanc d’une main, les
bras ouverts, le sourire éclatant, et, me semblait-il, carnassier, semblant dire « Je vais me les faire ! Vous savez, tous les matins, j’avale, et Carrerras, et Domingo, dans ma baignoire »
!
A chaque reprise de ce petit cirque, l’un des invités, m’adressait en coin un rapide coup d’oeil, complice, amusé. C’était l’un de mes frères aujourd’hui disparu.
En voici un, de paramètre, (pour parler pédant) qui fait que je ne peux plus revoir Pavarotti, aujourd’hui, et « pour toujours », sans une sorte de nostalgie joyeuse.
Je ne dois pas être le seul à ressentir cette émotion particulière. Pour cela, et bien d’autres choses encore, qui sont le secret des rencontres, il y a tout lieu de croire que Luciano ira bientôt au paradis.