Georges Frêche : un géant dans un environnement de gens de petite taille.
« Si tu peux supporter d'entendre tes paroles travesties par des gueux pour exciter des sots... »
Voilà à quoi se résument les soi-disants "dérapages" de Georges Frêche,
dans un univers complètement calibré où la plupart des gens sont si
"sloganisés" qu'ils ne comprennent même plus ce qu'on leur dit, et pas
davantage que ce qu'ils disent. Frêche avait de la consistance et son
discours aussi, à l'inverse de ses détracteurs aseptisés et néanmoins
tricheurs. Ceux-ci se sont évertués - acharnés plutôt - à déformer
systématiquement ses propos pour déclencher des réactions panurgesques à
partir d'une prétendue indignation hors sujet, car sans le moindre
rapport avec le sens des propos du Maître. Ces campagnes,
simplificatrices, déformatrices, désinformatrices visaient uniquement à
blesser le géant qui les dominait tous. Il faut dire qu'il "les" a tous
ridiculisés, un par un et tous ensemble, et les blessures d'amour-propre
cicatrisent toujours si mal. Mais il faudrait savoir si l'on est
républicain ou pas : si on l'est, la légitimité de Georges Frêche n'a
jamais fait de doute, sa truculence non plus, et son bilan, encore
moins. Aussi a-t-il fait de nombreux jaloux et, curieusement, c'est
autour de sa dépouille mortelle que la classe politique fait preuve pour
la première fois de sincérité et d'un tout petit peu de considération
pour lui : l'hommage unanime exprimé par cette prétendue élite n'est
pas feint. Le sentiment qui prévaut, c'est l'admiration, n'en doutons
pas, car l'hommage qui lui est rendu est le reflet d'une réalité : le
constat de sa supériorité écrasante. Georges Frêche était certes un
autocrate, mais ne le sont-ils pas tous, sous leur déguisement
républicain ? En cela il n'était pas une exception. Pas dans ce
domaine-là, du moins.
La
franchise de Frêche était un défi qu'il lançait à la classe politique
tout entière et celle-ci prenait son assurance pour ce qu'elle était :
de la provocation. C'était même une insupportable provocation de la part
d'un géant rappelant à chaque instant à ses détracteur leur "nanitude".
Par-dessus le marché, l'autocrate qu'il était aussi un homme de coeur
et de devoir : lui, au moins, on peut certifier qu'il a servi ses
administrés en y mettant de l'intelligence, de l'humanité et... ce que
ses rivaux en pantéonitude lui reprocheront toujours : un panache
indiscutable. L'homme n'était pas parfait, loin de là, mais dans le
concert de la médiocrité ambiante à gauche comme à "droite", il sortait
du lot, montrant à quel point ses rivaux étaient petits, très petits,
tout petits. Les dernières élections régionales resteront, si la mémoire
veut bien en garder la trace, un morceau d'anthologie, une leçon de
choses, et une rigolade dont chaque Français peut lui être
reconnaissant, car derrière le spectacle il y avait l'humanité sous
toutes ses formes. Georges Frêche y a mis une touche de sublime, et
toutes les références à ses soi-disants dérapages ne sont que des
tentatives - assez médiocres du reste - pour essayer de rabaisser
l'homme et, par là-même, se rehausser un peu comme le font "nos"
politiques, à la fois par tic et par toc. Observons que les électeurs ne
s'y sont jamais trompés : il savaient bien que Georges Frêche n'était
pas pluriel, c'est-à-dire interchangeable. C'était une figure, et son
départ provoque, pour de vrai, un sentiment de deuil. C'est aussi un
soulagement pour tous les Tartarin. Ils ne seront plus humiliés par la
comparaison avec le Seigneur de Montpellier, et duc de
Langedoc-Roussillon dont l'oeil brillant les éclairait de l'intérieur
révélant toutes leurs vantardises et toutes leurs impostures. Comme si
le mépris de Georges Frêche à l'égard des sans-culotte et de leurs
pantalonnades s'en était allé avec lui.
André Derviche