Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
28 Novembre 2011
L'heure est à la responsabilité et non à la peur !
« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise » ........ disait l'un des pères de l'Europe
.
Crise de l'Etat providence, révision à la baisse des prévisions d'une croissance déjà atone , augmentation prévisible du nombre de demandeurs d’emploi , liquidations
en chaine d’entreprises…, ménages et entreprises surendettés et des banques qui refusent de jouer le jeu en matière de distribution du crédit : les plaies de l'économie Guadeloupéenne héritées de
la crise LKP de 2009 et exacerbées par la crise de la dette de 2011 vont peser sur l'économie en 2012 .
Pour beaucoup d’experts , la Guadeloupe est entrée dans des “zones grises” aux conséquences économiques et sociales encore sous-estimées.
Depuis quelques jours s'invite dans le débat public l'idée que les Guadeloupéens, réputés fâchés avec le principe de réalité, sont en train de s'y soumettre. Le peu
de réactions suscitées par le nouveau plan de rigueur qui affectera aussi l'Outre- Mer annoncé par le gouvernement le 7 novembre dernier semble en attester. Et le simple fait d'évoquer de manière
prospective les conséquences de la crise sur la Guadeloupe dans l'émission 7 /actu ou encore dans un prochain café débat animé par Jacky Dahomay , peut laisser penser qu'une prise de conscience
(certes encore diffuse) et qu'un tournant est bel et bien en train de s'opérer dans l'opinion.
Deux phénomènes expliquent l'atonie actuelle de l'opinion. Le premier est l'effet loupe des catastrophes qui s'abattent sur des pays de l'union Européenne comme la
Grèce, l'Italie ou l'Espagne. Tout se passe comme si les Guadeloupéens avaient compris que, cette fois, la crise est à ce point systémique et structurelle que le moindre dérapage contestataire
nous serait fatal. L'autre raison est la prise de conscience des effets dévastateurs sur l'économie de la crise de 2009 .… les espoirs qu’avait suscité la contestation sociale au début de l’année
2009 sont, un an après, complètement éteints ou déçus. La proportion de Guadeloupéens qui pensait que l’action du LKP pouvait améliorer la situation en Guadeloupe passe de 36 à 2%. Et les avis
exprimés sur les effets de cette action traduisent de façon ultra majoritaire (70 à plus de 90%) le sentiment que « rien n’a changé ! » ou pire, que la situation s’est dégradée tant au plan
individuel que collectif. Ce constat d’échec s’applique au jugement sur l’évolution du coût de la vie, sur la santé des entreprises, sur l’évolution du chômage, sur le dialogue social entre
syndicats et patronat et sur l’évolution de la production locale.
Mais au-delà de ce constat ? Qui est capable aujourd'hui de prédire ce que sera l'attitude de nos compatriotes dans quelques mois ?
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les mesures de rigueur qui affecteront le pouvoir d'achat , les difficultés des banques, et le resserrement du crédit
qui en découle, ne manqueront pas de produire leurs effets dans les prochains mois sur les ménages et entreprises de Guadeloupe .
Mais qu’on ne s’y trompe pas, la rigueur devrait être la nouvelle ligne budgétaire française pour longtemps.
Nous sommes désormais confrontés, encore et plus que jamais à une crise systémique , structurelle et durable .c'est pour ces motifs que nous devons de nouveau
méditer cet adage suivant :
" Le pessimiste se plaint du vent ; l'optimiste espère qu'il va changer ; le réaliste ajuste ses voiles".
NOS PEURS NE SONT PLUS EN NOUS, MAIS SOUS NOS YEUX !
Cela fait longtemps qu’on porte en nous un sentiment de peur venu du fond de notre histoire . Une peur confuse, diffuse. Parce qu’on sait, a toujours su, que l'île
aux belles eaux, mais également île-volcan, est l’île de tous les dangers, de toutes les violences, de toutes les crises. En quelques décennies et surtout depuis la crise de 2009 , toutes les
peurs ancrées au fond de nos chairs sont devenues des réalités – des réalités qui s’étalent au soleil, qui s’emparent du quotidien, qui donnent le vertige, qui bouchent l’horizon, qui
empoisonnent tous les rêves. La peur du chômage, la peur de la violence , la peur du lendemain pour les jeunes diplômés, la peur d’être considérés par la Métropole comme des anti-français, la
peur de l’exclusion sociale, la peur de l’explosion sociale. La peur d’une crise qui illustre la restriction de l’effort financier de l’Etat pour les outre-mer et le risque de déclassement social
pour la classe moyenne de Guadeloupe ( nous y reviendrons dans un prochain article ) . Aujourd’hui, nous n’avons plus à avoir peur de ces peurs-là puisqu’elles ne sont plus en nous mais sous nos
yeux. Puisqu’elles ne sont plus un sentiment de peur mais bien une réalité avec un triste statut peu flatteur de département le plus violent de France , plus de 50 000 chômeurs, 60 000 illettrés,
de jeunes diplômés qui souffrent de l’exclusion et de la dépendance sociale , de gens qui ont peur de la fin de l’Etat providence . Puisque non seulement la France Métropolitaine ne nous fait
plus peur mais c’est nous qui avons la capacité de lui donner quelques belles frayeurs, jusqu’à la faire hésiter, frémir, foncer tête baissée dans un piège socio-économique et statutaire mis en
place par ses soins et dont elle devient la victime comme à Mayotte. Nous aussi, du coup. En se refermant sur nous, le piège se referme également sur elle ;
Dans les années 1960, à l’heure où un incroyable vent d’indépendance et d’autonomie soufflait sur les anciennes colonies érigées en département français en mars
1946, la France avait la possibilité de se débarrasser de nous en disant : « Prenez votre destin en main ! » Elle ne l’a pas fait. A présent , en dépit de la crise qui menace l'équilibre de ses
finances , elle n’a plus la possibilité de le faire et doit assumer ses responsabilités de peuple majeur, par la force de l’histoire. De toute façon, il est trop tard : on a verrouillé les
institutions.
« Faut-il abandonner la France ? » était une question essentiellement d'intellectuels liée à un profond sentiment de responsabilité, à la libre volonté d’élaborer
des projets sur le plan social, culturel, économique. Sans oublier le sociétal. Sans minimiser le système de valeurs hérité de la départementalisation indispensable à la bonne marche de la
société guadeloupéenne .
Près de 20 ans après la départementalisation , Aimé Césaire , pourtant autonomiste convaincu , disait en effet à de Gaulle : « la France a fait dans ce pays une
œuvre admirable à laquelle nous tous, nous rendons hommage : la France a percé la route, la France a bâti l’hôpital, la France a bâti l’école, je dirai plus, la France a forgé l’homme ». La
France a fait tout cela à St Denis de la Réunion, à Pointe-à-Pitre, mais aussi à Fort-de-France. Et le tout dernier mot revient encore au «Nègre fondamental », s’adressant à François Fillon, un
an avant sa mort : « Nous avons besoin de vous car c'est grâce à vous que nous survivons" dixit le poète Aimé Césaire lors de sa rencontre avec le premier ministre français François Fillon le 5
janvier 2008 à l'ancien hôtel-de-ville de Fort-de-France en Martinique.
Une société équilibrée dans le cadre du droit commun des institutions , qui ne marche pas sur la tête. L’une de ces valeurs, c’est la responsabilité au sein de la
République qui ne peut être dissociée de l’identité d’un peuple. Mais quelle identité pour la Guadeloupe ? Comment amener le Guadeloupéen à prendre des responsabilités dans son pays et dans
l’hexagone ? Il s’agit de trouver un équilibre entre le désir d’ancrage dans une identité légitime et une solidarité nationale authentique et incontournable qui trouve son expression dans un
développement économique et social harmonieux . Les autres valeurs sont le respect d’autrui et la tolérance, qui aident à dissiper bien des malentendus comme lors de la crise de 2009
.
Hier, nous n’avons pas réussi à surmonter nos difficultés, ni à construire un projet Guadeloupéen fiable, ni à transcender nos différences, pourrons-nous le
faire demain, alors que le contexte socio-économique ne s’y prête pas ?
C’était en novembre 2010. Dans sa note de conjoncture sociale, L’IEDOM espérait que 2011 serait une année de reprise progressive de l’activité. Un an plus tard,
l’optimisme n’est plus de mise… La crise est en effet passée par là. Et les nuages ne cessent de grossir à l’horizon. Les prévisions de croissance de L’INSEE en 2012 sont de plus en plus battues
en brèche. Conséquences :" Le chômage de longue durée tout comme le chômage des jeunes devraient repartir à la hausse”, ajoutent les experts . Les entreprises devraient continuer à maîtriser les
coûts et à couper dans les effectifs afin de maintenir leur compétitivité. De plus, la note de conjoncture observe une accélération dans le désengagement de l’Etat . “Des bouleversements sans
précédents sont en train de se produire, qui conduisent à des ruptures, à des recompositions non encore pensées”, note L’insee pour qui la Guadeloupe est rentrée dans “des zones grises”. Et
l’Insee de pointer la menace de “plans d’austérité qui devaient bien finir par arriver” (tant nous avons vécu aux dessus de nos moyens) et de mettre les politiques en garde contre “les faux
espoirs” qu’ils pourraient susciter en proposant des mesures qu’ils n’auront pas les moyens de mettre en œuvre… “La question de l’insécurité économique et sociale devrait être au cœur du
prochain congrés des élus tout comme celle de l’insécurité publique et de la violence . Les notes de conjoncture économique et sociale de L’iedom sont censées émettre des expertises aux
politiques et entreprises pour faire face à l’avenir… Celle de Novenbre 2011, dans un contexte de pessimisme généralisé, ne permet malheureusement pas de s’y préparer beaucoup plus sereinement .
Une crise économique, sociale et financière sans précédent, qui touche à la fois à la capacité d’autonomie financière des collectivités locales et de répartition des richesses au sein des
individus . Mais au-delà de ce point important qu’il faut prendre en considération, il est évident que ce qui est en crise ce sont les repères collectifs, les enjeux communs d’un savoir vivre
ensemble une véritable démocratie en cette période de mondialisation de la vie, de l’accumulation des problèmes, de l’accélération du processus des mutations modernes avec les NTIC . Nul
doute que nous sommes entrés de plain-pied en Guadeloupe dans des mutations qui nécessitent des transformations radicales à tous les niveaux de la vie, et face à un tel défi il serait hasardeux
de se satisfaire d’hypothèses, de solutions à court terme ou de ce que René Depestre appelle « des bricolages idéologiques, des millénarismes racoleurs, des à-peu-près conceptuels
».
Au cours du prochain congrés des élus , la départementalisation qui est notre socle commun du vivre mieux ensemble ne saurait faire l'objet de détricotage ni
de remise en question !
La Guadeloupe a connu depuis la départementalisation des changements considérables. La société de pénurie de l’après guerre est devenue aujourd’hui une société de
consommation moderne. Cette mutation qui s’est particulièrement accélérée ces dernières années a permis une amélioration générale des conditions de vie et a facilité une plus grande ouverture de
notre île au monde. Elle a également été accompagnée d’une croissance démographique forte et d’une tertiarisation accélérée de l’économie qui ont favorisé le développement du progrès .Ces
transformations profondes et rapides, n’ont pas été sans conséquences sur la transmission et la pérennité des valeurs qui ont fondé le fonctionnement de la société Guadeloupéenne traditionnelle.
Ces valeurs sont fortement imprégnées par l’Histoire et le peuplement de l’île, la diversité ethnique, culturelle et religieuse ainsi que le métissage et les solidarités inter et intra
familiales. Cependant chaque jour, ces valeurs perdent du terrain face au développement de l’individualisme et de l’isolement qui caractérisent les sociétés urbaines . Dans un contexte de chômage
élevé qui ne permet pas à chacun de trouver sa place dans la société, l’affaiblissement des solidarités familiales notamment se traduit par une perte de repères particulièrement défavorable à la
cohésion sociale. Ce phénomène touche d’abord les générations nouvelles et se traduit par un mal être dont l’expression passe par des comportements d’addiction et de violence , qui ont été au
coeur de la préoccupation des élus lors du congrès de novembre 2011.
Le débat sur le statut de La Guadeloupe n'est pas fini. La prochaine étape, ce sera soit la collectivité territoriale comme en métropole qui semble avoir la
préférence de l'opinion majoritaire , soit l'assemblée unique comme en Guyane et en Martinique .
Quelque soit le choix en présence , les élus ne pourront pas faire l'économie de la question essentielle du futur modèle de développement économique
.
C’est pour cette raison que la refonte socio-économique est fondamentale et prioritaire pour la Guadeloupe comme l’a souligné à juste titre l’économiste Nicolas
Bouzou :
"Le modèle économique des DOM n’a d’autre choix que de se remettre en cause"
Nicolas Bouzou, économiste , directeur général de la société de conseil Asteres, à Paris, membre du Conseil d’analyse de la société auprès au Premier ministre et
chroniqueur à Canal +, a été invité, dernièrement par le conseil régional de l’ordre des experts-comptables aux deuxièmes universités de la profession comptable de l’océan Indien. Avec son regard
de macro-économiste dépourvu de certains tabous locaux, il livre ci - après son analyse des conséquences de la crise européenne sur l’économie des DOM :
" Ce qu’il est important de bien comprendre, c’est que la crise des finances actuelle est très grave, au point de remettre en cause le triple A de la France. Elle va
donc amener le gouvernement à réduire les dépenses publiques partout. En conséquence, la croissance économique des DOM dans les prochaines années devra être portée par les entreprises. Le modèle
économique des DOM n’a d’autre choix que de se remettre en cause. Bientôt, les DOM bénéficieront moins des aides publiques, des dispositifs fiscaux dérogatoires et des aides sociales. Il y
aura moins de fonctionnaires et, pour de basses raisons financières, des avantages tels que la surrémunération risquent d’être amenés à disparaître. Ces changements peuvent sembler brutaux, mais
ils représentent une chance pour les DOM d’évoluer vers un autre modèle. "
Ce constat suffit-il à dire que le changement de modèle est possible ?
La superstructure sociétale ne peut bouger que si bougent les infrastructures économiques. Dans le cas contraire, on ne fera que s’enfoncer dans la mauvaise voie et
on s’embourbera jusqu’à ne plus pouvoir respirer et vivre tranquillement. La possibilité d’une solidarité passe par la réduction des inégalités, donc par l’économie. Il faut voir dans cette crise
une rupture avec un modèle sociétal que certains économistes pensent à tort ou à raison archaïque et entrevoir l’inauguration d’une nouvelle ère fondée non seulement sur la solidarité nationale
mais également et surtout sur la responsabilité de gestion que l'on soit ménage , collectivité locale ou entreprise .
L’histoire de la grenouille dans la casserole d’eau, vous connaissez ? Si on la plonge dans l’eau bouillante, elle s’en aperçoit et saute. Si on la met dans l’eau
froide et qu’on augmente petit à petit la température (comme en réduisant la couverture maladie solidaire tous les ans ou encore rogner les avantages fiscaux ), on espère qu’elle ne s’aperçevra
de rien ! C'est le cas de figure des professionnels actuels qui font la politique de l'autruche et ne veulent pas se rendre à l'évidence : Et si la crise n'était pas un accident, mais le
symptôme de quelque chose de plus profond ? Un signe de la transformation du monde ? Globalisation,crise financière des Etats , numérique, environnement : un monde nouveau émerge. La crise
actuelle n'est pas conjoncturelle mais structurelle !
A ce propos, rappelons l'histoire de Cassandre, Cassandra, dite aussi Alexandra (personnage de l’Iliade), fille de Priam et d'Hécube. Apollon, amoureux de cette
princesse, lui avait permis de lui demander tout ce qu'elle voudrait pour prix de sa complaisance : elle le pria de lui accorder le don de prophétie; mais lorsqu'Apollon eut rempli sa promesse,
elle refusa de tenir sa parole, et le dieu, ne pouvant lui ôter le don de prédire, empêcha que ses prédictions fussent jamais crues. Il ne s’agit pas de ressembler à une Cassandre moderne, mais
les optimistes le sont un peu trop tôt. Le débat entre les Cassandre de l'économie et les optimistes de la crise est désormais ouvert !
Cette crise est un espoir, au fond.
DOLTO