Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
14 Novembre 2011
( Bernard-Henri Lévy, visionnaire génial, ou...apprenti sorcier? ).
4. LES EVENEMENTS
L’insurrection
Le mouvement prend naissance les 12 et 13 février 2011. La contestation libyenne - malgré son caractère populaire { l’origine - ne représente pas l’ensemble de la population et associe des entités diverses aux intérêts différents voire contradictoires : d’une part, un noyau populaire et démocratique las de la dictature de Kadhafi ; d’autre part des clans de l’Est, lésés par le partage inégalitaire des richesses du pays ; enfin des islamistes.
Fait plus étonnant encore, ce mouvement est mené par d’anciens dignitaires du régime (Mustapha Abdu Jalil et Abdul Fatah Younis), dont le passé atteste du mépris des droits de l’homme et qui semblent essentiellement inspirés du désir de prendre le pouvoir.
Si les « révolutions » tunisienne et égyptienne furent des « révoltes à mains nues », dans le cas libyen, la révolte accouche très vite d’un affrontement militaire et passe rapidement de l’insurrection populaire { la guerre civile.
Dans toutes les villes visitées, partout les symboles du système ont été touchés : commissariats, tribunaux, état-civil, casernes, prisons, etc. En revanche, assez peu de dommages collatéraux affectent les bâtiments urbains et très peu de pillages ont été constatés. Il est en revanche patent qu’il a été procédé { des exécutions publiques sommaires.
Face à cette situation, le pouvoir libyen pouvait sembler quelque peu légitimé à répliquer par la force. Il a donc essayé progressivement de reprendre la main, sans y parvenir de manière décisive. Les « milices révolutionnaires » du régime qui n’ont jamais vraiment connu l’épreuve du feu et ont été lentes { réagir face { une rébellion qui s’étendait rapidement.
Le gouvernement libyen a finalement réussi { s’organiser et à lancer une offensive contre les insurgés. Les rebelles, pour la plupart des jeunes sans formation militaire et des milices faiblement encadrées, ont été chassés des centres urbains. Mais contrairement { ce qu’annoncent les médias, la visite des villes ne laisse pas apparaître de signes d’intenses combats, illustration probable d’une certaine retenue dans l’intervention de l’armée ou de la faiblesse des opposants armés.
Le déroulement de la « révolution » a été très différent { l’Est - où tout a été fini en quelques jours et où les représentants du pouvoir central ont fui très vite - et à l’Ouest - où les émeutes ont duré plus longtemps avant d’être réprimées.
Les événements à l’Est
A Benghazi, le 12 février, le mouvement populaire est lancé et dirigé par un avocat. À la suite de son arrestation par la sécurité libyenne, la population, sous l’impulsion de 300 { 400 activistes, manifeste de nouveau le 15 février – soit deux jours avant la manifestation à laquelle appelaient les réseaux sociaux en Libye – et commence à attaquer les postes de police, les casernes et les bâtiments publics.
Deux professeurs d’université de Benghazi - rencontrés fortuitement à Djerba - nous ont dit qu’ils avaient vu surgir dans l’université des « étudiants » qu’ils ne
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connaissaient pas et qui ont lancé le mouvement. Ces derniers ont menacé et molesté les professeurs qui ne prenaient pas parti pour leur cause et ne scandaient pas leurs slogans. Ces universitaires, manifestement inquiets, n’ont pas voulu donner leurs identités.
Dès le début des manifestations, islamistes et criminels ont immédiatement profité de la situation pour attaquer les prisons de haute sécurité { l’extérieur de Benghazi où leurs camarades étaient enfermés. Après la libération de ses chefs, la rébellion a attaqué les postes de police et les bâtiments officiels, et les habitants de la ville se sont réveillés avec la vision de cadavres de policiers pendus à des ponts.
De nombreux débordements et exactions ont également eu lieu { l’encontre des travailleurs africains qui ont tous été assimilés à des « mercenaires » : expulsions, assassinats, emprisonnements, tortures. Ces mauvais traitements et l’aide que Kadhafi apporte depuis longtemps à de nombreux pays africains ont renforcé le soutien des Etats du continent à sa personne.
Si les premiers jours, la répression a eu lieu sans usage excessif de la force, dès le deuxième jour, les forces de l’ordre ont tiré sur la foule, et le troisième, les tirs étaient manifestement destinés à tuer. Il y a eu des morts et de nombreux blessés, comme les médecins français opérant { l’hôpital de Benghazi ont pu en témoigner.
Tobrouk - 4e ville du pays, environ 170 000 habitants, un des fiefs islamistes - s’est libérée très vite, quelques jours après le début du mouvement et avant Benghazi. Les traces de combat y sont quasiment nulles.
Le 17 février, une manifestation « spontanée » a lieu, au début, faite de quelques jeunes sans histoire qui suivent le mouvement de Benghazi. Elle s’amplifie dès le second jour. La police tire alors sur les manifestants (3 à 4 victimes), ce qui déclenche une révolte généralisée dans laquelle les manifestants s’arment de fusils de chasse. Devant l’attitude de la population et des tribus locales, les dirigeants des forces de sécurité décident très rapidement de fuir, laissant leurs hommes derrière eux et abandonnant leurs armes (la garnison militaire était essentiellement composée de militaires locaux qui n’ont pas tiré sur la foule). Avant de partir, les fidèles de Kadhafi font sauter deux dépôts de munitions.
Si les jeunes (20 { 40 ans) sont { l’origine des événements, le contrôle a été repris très rapidement par les « anciens ». Les chefs de tribus de Tobrouk se sont réunis aussitôt la ville libérée et ont joué un rôle central : création des comités locaux de secours, de sécurité, de femmes, de jeunes, etc.
Assez peu de volontaires de Tobrouk sont partis au front combattre les forces fidèles à Kadhafi, alors même que les habitants de cette ville, tous d’origine bédouine, se disent beaucoup plus courageux que les « citadins » de Benghazi.
A Derna - approximativement 90 000 habitants, le principal fief islamiste de Cyrénaïque – le 15 février, comme { Tobrouk, une quinzaine d’étudiants de l’université décident de manifester. Les professeurs tentent de les en dissuader par le dialogue, mais rien n’y fait. Les membres locaux du CNT rencontrés lors de notre visite – parmi lesquels trois professeurs de français de l’université - insistent sur le rôle central de Facebook dans le déclenchement des événements.
Dès le deuxième jour de manifestations, la police ouvre le feu, faisant 5 tués et 10 blessés parmi les civils. L’insurrection s’amplifie aussitôt. Face { l’ampleur de la contestation, la police fuit rapidement. Les manifestants prennent alors le commissariat et quelques autres bâtiments publics, qu’ils incendient.
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Suite à la libération de la ville, les habitants s’organisent spontanément en comités, comme à Tobrouk. Puis une partie des étudiants et des enseignants partent combattre avec les insurgés.
Nos hôtes nous ont fait visiter la salle communautaire située dans l’enceinte de la mosquée de Derna, consacrée à la mémoire des victimes de Kadhafi. Toutefois, cette exposition associe pêle-mêle les victimes des combats au Tchad (années 80), des bombardements américains de 1986, des précédentes révoltes contre le régime – notamment 1996 - et des événements de février 2011.
Enfin, nous avons observé en ville de très nombreuses inscriptions murales - très appliquées et aux slogans très travaillés - indéniablement non spontanées, destinées à des visiteurs étrangers, au premier rang desquels les journalistes, rédigées en français, en anglais et en turc.
Les événements se sont – encore une fois – déroulés selon le même scénario à Al-Baïda, ville de 90 000 habitants, chef-lieu d’une agglomération de 200 000 personnes. Le mercredi 16 février, une quinzaine de jeunes lycéens et d’étudiants prépare une manifestation contre le régime, dans le prolongement des mouvements de la veille à Benghazi. Le 17, lors d’un défilé auquel se sont joints de nombreux participants venus des quartiers populaires, ils réclament le départ de Kadhafi. La police ouvre le feu et deux jeunes sont tués. En réaction, un sitting est organisé.
Lors de la prière du jeudi, un renfort de l’armée arrive en ville. Les forces de l’ordre commencent par tirer des balles en caoutchouc, puis des balles réelles. On recense au total 17 morts (des hommes de 17 à 40 ans). Les habitants d’Al-Baïda affirment avoir vu des mercenaires africains au sein des forces du régime.
Les jeunes sont alors rejoints par des policiers et des militaires ayant fait défection. Ces derniers arment les manifestants contre les « mercenaires ». Le vendredi, tous se présentent à Sharat - base aérienne et garnison du régime - pour en faire le siège. Les troupes loyalistes offrent davantage de résistance, notamment grâce aux renforts arrivés à Al-Baïda. Les combats qui s’engagent durent deux jours, jusqu’{ la victoire des insurgés et la prise de la caserne. La région est libérée le 20 février.
Il n’existe pas de chiffres sur les pertes au sein des forces de l’ordre, mais on recense 272 militaires qui se sont rendus. Tous ont été bien traités, selon le CNT, grâce à l’intercession des tribus. Les tués et les prisonniers militaires ont été remis aux familles. Les armes prises ont été envoyées à Benghazi.
La « révolution » à Al-Baïda aura, au total duré six jours, du 15 au 20 février, soit seulement trois jours d’affrontement. Il y aurait eu 64 morts parmi les manifestants durant ces quelques jours. Depuis, le CNT n’a pas observé d’activités d’espionnage ni de tentative de déstabilisation de la part du régime de Tripoli.
Les événements de l’Ouest
Jusqu’{ la fin février, en Tripolitaine, l’insurrection a bénéficié d’une dynamique favorable : non seulement elle a atteint Misrata, qui n’est qu’{ 220 kilomètres de Tripoli, mais elle s’est durablement développée dans les villes de l’ouest libyen comme Zouara ou Ziaouia.
Toutefois, en Tripolitaine, la rébellion n’a été soutenue que par une minorité de la population.
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L’insurrection de Ziaouia - située à moins de 50 kilomètres de la capitale - était préparée et coordonnée, et n’avait a priori rien de pacifique et de spontané.
Les manifestants « actifs » n’étaient que quelques centaines (de 300 { 500), en majorité libyens – parmi lesquels un certain nombre revenait de l’étranger - mais aussi, selon la police, Tunisiens et Egyptiens. Dès le début des événements, ils sont entrés en ville et en ont immédiatement occupé le centre, entraînant une partie de la population avec eux. Ils ont installé leur QG dans la mosquée.
Pendant trois semaines, la police a reçu l’ordre écrit de ne rien faire contre les manifestants, de ne pas tirer, de ne pas s’opposer. Elle a même été contrainte d’évacuer ses propres locaux sous la pression des émeutiers.
Le régime, surpris par l’ampleur de l’insurrection, n’a pas voulu déclencher de bain de sang pour ne pas se couper des tribus et ne pas provoquer des phénomènes de vendetta. Il n’est pas exclu que le ministre de l’Intérieur, Abdul Fatah Younis ait délibérément donné l’ordre de ne rien faire afin de laisser la rébellion se développer, dans la perspective de son propre départ vers Benghazi.
Pendant ces trois semaines, tous les bâtiments publics ont été pillés et brûlés : postes de police, bureaux de la sécurité intérieure, tribunaux, état-civil, prisons, etc., etc. Partout, ce ne sont que destructions et pillages (armes, argent, archives), sans aucune trace de combat, ce qui confirme les dires des policiers. Certaines boutiques et pharmacies ont été pillées et les dispensaires saccagés.
Il y a également eu des exactions (femmes violées, quelques policiers isolés tués) et des victimes civiles pendant ces trois semaines au cours desquelles la ville était sous le contrôle des insurgés. Les victimes ont été tués « à la mode » des GIA algériens (égorgés, yeux crevés, bras et jambes sectionnés, parfois corps brûlés). Une partie de la population, apeurée, a alors fui la ville.
Les autorités municipales et les policiers fustigent ouvertement l’absence d’ordres émanant de Tripoli pendant ces trois semaines, qu’ils ne comprennent pas. Mais paradoxalement, l’obéissance de la police aux directives du régime a été totale. Il n’y a pas eu d’actions inconsidérées, les ordres ont été respectés.
Au bout de trois semaines, l’armée a reçu instruction de reprendre Ziaouia. Les combats ont duré environ trois jours et n’ont pas été d’une intensité extraordinaire si l’on se réfère aux traces visibles. De 100 { 150 combattants armés ont tenté de résister en se livrant à une guérilla urbaine. La moitié est parvenue à prendre la fuite vers les montagnes, les autres ont été tués. Quelques rares prisonniers ont été faits.
De nouvelles victimes collatérales ont été à déplorer au cours de ces combats, pendant lesquels la raffinerie de Ziaouia aurait été touchée et endommagée (la mission n’a pu la voir).
Premiers enseignements
La « révolution » libyenne n'est donc pas une révolte pacifique. Le mouvement n’est pas né dans la capitale et n’a pas de racines socio-économiques. Son épicentre se situe dans l’Est du pays, en Cyrénaïque, région traditionnellement opposée au pouvoir central. Et le mouvement a rapidement évolué vers la lutte armée.
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5. LES COMBATS
La situation en Libye est entrée dans une nouvelle phase après la reprise du contrôle des villes de Tripolitaine par les forces de régime. Le pays s’est alors installé dans une véritable guerre civile et les combats ont pris une dimension plus militaire.
A l’Ouest, deux villes restent, partiellement ou en totalité, entre les mains des insurgés : Misrata et Zenten (ville située au sud-ouest de Tripoli).
Le « front » se situe quelque part dans le centre du pays, au fond du golfe de Syrte - région où se trouvent les installations et les gisements pétroliers - autour et dans les villes de Ras Lanouf, Brega et Ajdabiya.
Le conflit terrestre s’enlise, malgré le soutien de la communauté internationale { travers les bombardements de l’OTAN qui ont manifestement dépassé le cadre imparti par l’ONU : la détérioration de la situation humanitaire qui en découle dans ces villes est très préoccupante, en dépit de l’aide internationale qui y parvient.
Les autorités de Tobrouk affirment qu’il y a eu quelques tentatives de sabotage du port de la ville de Misrata organisées depuis l’Egypte, « par des Egyptiens payés par Kadhafi ». Dans la nuit du 20 au 21 avril - alors que la délégation était sur place – huit hommes auraient été tués près de l’entrepôt pétrolier qu’ils étaient chargés de surveiller. Les autorités de la ville nous annoncèrent aussitôt qu’il s’agissait d’une attaque des forces de Kadhafi, avant d’évoluer rapidement et d’évoquer l’action de bandes armées… voire de terroristes.
Récemment, la rébellion est repassée { l’action dans l’ouest du pays, prenant le contrôle d’un poste frontalier entre Wazzam et Dehiba, en Tunisie, le 21 avril. En réaction, les forces libyennes ont franchi la frontière avec ce pays et des combats avec les insurgés se sont déroulés le long de la frontière et en territoire tunisien. Les forces tunisiennes affirment avoir échangé des tirs avec les forces loyales au colonel Kadhafi et les avoir repoussées en Libye. Le gouvernement tunisien a convoqué l'ambassadeur libyen pour protester officiellement contre ces violations frontalières.
Les enjeux de la bataille de Misrata
La ville portuaire de Misrata est le dernier bastion rebelle en Tripolitaine. Elle résiste depuis plus de deux mois aux forces du régime, grâce aux livraisons régulières de nourriture et de médicaments, d'armes et de munitions par voie maritime.
Peu { peu, la ville est en train d’apparaître, aux yeux du monde « libre » comme une version libyenne de Sarajevo. Les rebelles de Benghazi espèrent qu'une crise humanitaire dans Misrata persuadera la coalition occidentale de déployer des troupes au sol afin de sauver la population.
Courant avril, l’ONG Human Rights Watch a publié des données chiffrées concernant Misrata, révélant, contrairement aux affirmations des médias internationaux, que les forces fidèles { Kadhafi n’en ont pas massacré les résidents. Misrata compte une population d’environ 400 000 habitants. En près de deux mois d’affrontements, seulement 257 personnes - dont des combattants - y sont mortes. Parmi les 949 blessés, seulement 22 – soit moins de 3% - sont des femmes. Si les forces du régime avaient délibérément ciblés les civils, les femmes représenteraient environ la moitié des victimes.
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Il est ainsi maintenant évident que les dirigeants occidentaux - au premier rang desquels le président Obama - ont grossièrement exagéré la menace humanitaire pour justifier leur action militaire en Libye.
Le véritable intérêt de Misrata est donc ailleurs. Il est à la fois symbolique et stratégique : le fait que cette ville reste aux mains des insurgés permet de dire que la résistance contre Kadhafi n'est pas limitée à l'est de la Libye et donc que la rébellion n'est pas de nature sécessionniste ; par ailleurs, le contrôle de ce port en ferait une base de départ idéale, { 220 km seulement de Tripoli, dans l’hypothèse d’une offensive terrestre contre Kadhafi.
6. LES CONSEQUENCES DU CONFLIT
La fuite des communautés étrangères
Avant la révolution, la Libye, même totalitaire, offrait emplois et revenus à sa population et à de très nombreux travailleurs étrangers, africains et asiatiques. Elle a longtemps absorbé le chômage des pays voisins. De nombreux immigrés travaillaient dans l’industrie pétrolière et le bâtiment.
Environ 3 { 4 millions d’étrangers ont quitté le pays sous la pression des événements :
- 1,5 { 2 millions d’Egyptiens,
- 1 million d’Africains du Sahel, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale,
- 600 000 Soudanais,
- plus de 200 000 Marocains,
- plus de 100 000 Tunisiens,
- 60 000 Palestiniens,
- 10 000 Algériens,
- ainsi que de nombreux Turcs, Philippins, Sri Lankais et autres Asiatiques.
La guerre civile a ainsi provoqué le retour chez eux de nombreux émigrés économiques, alors même que leurs pays connaissent un important chômage. Cet exode risque d’aggraver significativement la situation intérieure de ces Etats : ils perdent une source de revenus - celle des transferts de fonds des émigrés - et voient revenir chez eux des travailleurs qui vont grossir la masse des chômeurs et des insatisfaits. Cela va accroître le nombre des candidats { l’immigration clandestine vers l’Europe, car les pays du Golfe ne sont pas intéressés par des migrants venant de pays, qui même s’ils sont « frères », n’en sont pas moins « révolutionnaires » et préfèrent les travailleurs immigrés en provenance d’Asie.
Une autre conséquence est que le départ de ces travailleurs étrangers, qui assuraient de nombreuses fonctions économiques dans le pays, met celui-ci en quasi état « d’hibernation ». Les chantiers, mais aussi les hôtels, les restaurants, les commerces, les stations-services ne fonctionnent plus, faute de personnel.
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La situation humanitaire
Les camps de réfugiés – accueillant essentiellement des étrangers – situés aux frontières tunisienne et égyptienne (Sollum) ont quasiment disparus. Toutefois, de très nombreuses familles libyennes (plus de 700) sont réfugiées à Marsah Matrouh, en Egypte et 15 000 Libyens auraient fui en Tunisie.
7. LES INSURGES ET LE CNT
Le Conseil national de transition (CNT), créé le 27 février 2011, tient lieu de gouvernement de fait à l'opposition libyenne depuis le début du soulèvement. Le 5 mars, il s'est déclaré « seul représentant de la Libye » et a porté Mahmoud Jibril Ibrahim al-Wourfalli à sa présidence
Le CNT n'a qu'une fonction représentative afin de pallier le manque de structure exécutive : « Il ne s'agit pas d'un gouvernement mais d'un comité de gestion de crise » selon Abdul Hafiz Ghoga, porte-parole et numéro 2 du CNT (aujourd’hui démissionnaire), qui déclare : « Nous installerons un gouvernement quand nous aurons libéré toute la Libye ».
Le CNT est officiellement composé de 31 représentants des principales villes libyennes. Mais seuls les noms de 13 de ses 31 membres ont été rendus publics. L’identité des représentants de l’ouest du pays (Ajdabiya, Al Kufrah, Ghat, Nalut, Misrata, Zenten et Ziaouia) n'a pas été révélée pour des raisons « de sécurité », car leurs proches et leurs familles demeurés sur place seraient immédiatement menacés par Kadhafi. Le CNT est donc dominé par les Libyens du nord-est et ne comprend pas de représentants du centre et du sud du pays, ni de Tripoli, ce qui illustre le caractère régional de l’insurrection. Il ne comprend qu’une femme, le Dr Salwa Digheli, présidente du comité juridique.
Une composition hétérogène
Nul ne peut mettre en doute la justesse de la cause du CNT. Le peuple libyen, et particulièrement la Cyrénaïque, ont souffert de la dictature et de l’oppression de Tripoli depuis 40 ans. Toutefois, le CNT est une coalition hétérogène de différents groupes et intérêts :
- la Ligue libyenne des droits de l’homme (siège { Londres),
- le Front national pour la sauvegarde de la Libye (siège à Riyadh),
- les monarchistes sénoussis (également basés à Riyadh),
- des « libéraux », proches de Saif al-Islam (notamment deux de ses proches, l’un proche de Human Rights Watch, l’autre d’Amnesty International),
- des personnalités issues du régime de Kadhafi, mais opposées à ce que son fils lui succède et souhaitant prendre le pouvoir,
- des tenants d’un islam radical, particulièrement militants.
Le CNT comprend donc à la fois des opposants de longue date au régime et des personnes qui ont fait défection récemment : jeunes civils et cadres de l’armée ralliés {
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l’opposition. Ce manque d'unité a pesé sur les décisions du Conseil. Il a ainsi encouragé de nombreux jeunes gens inexpérimentés à se lancer dans la bataille contre Kadhafi, ce qui a entraîné de sérieux revers militaires.
Ainsi, le CNT est peu homogène, une partie de ses représentants dissimulent leur identité pour des raisons discutables et ses principaux dirigeants sont des personnes au passé plus que chargé. En l’état actuel des choses, il n’offre aucune garantie d'orientation démocratique réelle.
Les individus qui sont mis en avant - principalement des avocats, des professeurs, des universitaires - sont en réalité peu représentatifs. Il s’agit d’abord de ceux qui parlent le mieux anglais et savent dialoguer avec les Occidentaux et les médias.
Aussi, les premières dissensions en son sein n’ont-elles pas tardé à se faire jour. Ainsi, Abdul Hafiz Ghoga, ancien président de l’association des avocats libyens et représentant le plus connu des groupes d'opposition – c’est lui qui a conduit le rébellion dans les premières semaines à Benghazi – a démissionné fin avril
Le poids du mouvement monarchiste senoussi
Khadafi tient son pouvoir d’une alliance entre les tribus de l'ouest, du centre et du sud du pays (Fezzan et Tripolitaine), au détriment des tribus de l’est (Harabi et Obeidat), proches de l’ancienne monarchie.
La tradition politico-religieuse dominante en Cyrénaïque est celle des Sénoussi, une secte anti-occidentale musulmane, fondée en 1842 à Al-Baïda, qui pratique une forme conservatrice et austère de l'islam. Elle est étroitement associée à la monarchie, depuis que le roi Idriss Ier - installé par les Britanniques en 1951 et renversé par Kadhafi en 1969 - en a été le chef.
Ces monarchistes-intégristes ne sont en rien des démocrates et demeurent opposés { toute forme de gouvernement moderne, malgré leurs déclarations d’intention. L’une de leur motivation est leur volonté farouche de revanche sur l’histoire, suite au coup d’Etat de 1969 et ils n’ont d’autre but que de rétablir la monarchie et d’éliminer Kadhafi.
L’un des chefs de tribus rencontré { Tobrouk - dirigeant local du CNT, dont le père était ministre du roi Idriss - n’a pas fait mystère de son opinion : la monarchie est pour lui une condition indispensable de la stabilité du pays.
Des dirigeants contestables
- Le président du CNT, Mustapha Abdujalil al-Bayda, était ministre de la Justice de Kadhafi il y a encore quelques mois. Il a démissionné le 21 février, au début du mouvement de contestation. Considéré comme un traditionnaliste, soutenu par les islamistes et les tribus, il n'a pas laissé de très bons souvenirs en Bulgarie : quand il était président de la Cour d'appel de Tripoli, il a confirmé, à deux reprises, la peine de mort des infirmières bulgares et du médecin palestinien emprisonnés à Benghazi de 1999 à 2007. En récompense de son intransigeance, le Guide l’a nommé ministre de la Justice en 2007.
- Le responsable des Affaires étrangères, Ali Abdelaziz al-Essaoui, était ministre du Commerce et de l’Economie, puis ambassadeur en Inde, avant de démissionner et de rejoindre les rebelles.
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- Omar al-Hariri, chargé des "affaires militaires", a participé avec Kadhafi au coup d'État de 1969, mais a été emprisonné puis exilé après l’échec de sa tentative de coup d'Etat contre le Guide en 1975.
- L’ancien ministre de l’Intérieur, le général Abdul Fatah Younis al Abidi, est un homme puissant et respecté dans l’armée, créateur des forces spéciales. C’est un ancien compagnon de Kadhafi, qui n’a fait défection que quelques jours après le début des émeutes.
Si tant de dignitaires du régime ont abandonné Kadhafi, ce n’est pas en raison d’une soudaine conversion { la démocratie, mais par opportunisme. Le président du CNT et le patron de ses forces armées sont des anciens hauts dignitaires du régime de Tripoli, compagnons de toujours sinon complices du Guide ou exécuteurs des basses oeuvres de la « Grande Jamahiriya ». Leur ralliement { l’insurrection ne saurait les absoudre de leurs responsabilités passées et il est totalement erroné d’en faire des « libérateurs » qui voudraient faire entrer la Libye dans l’ère de la démocratie et du respect des droits de l’homme, qu’ils ont allègrement violés au cours de la dernière décennie.
Toutefois, certains représentants authentiquement démocrates du CNT n’hésitent pas à affirmer que « la présence d’anciennes personnalités du régime au sein du CNT est utile car cela permet de profiter de leur expérience ».
Les objectifs politiques du CNT
- Construire un état démocratique
Le Conseil national de transition a promis des "élections libres et justes" après la chute du colonel Kadhafi. Soulignant ses "aspirations à un Etat uni, libre et moderne", le CNT "garantit à tout Libyen le droit de vote pour des élections législatives et présidentielles libres et justes". Une "Constitution nationale approuvée par référendum" garantira "la formation de partis politiques et le respect de la liberté d'expression grâce à des médias et des manifestations pacifiques".
"Un Etat civil constitutionnel respectera l'inviolabilité de la religion et condamnera l'intolérance, l'extrémisme et la violence", ajoute le CNT, assurant qu'une nouvelle Libye "se joindra à la communauté internationale dans le rejet et la dénonciation du racisme, de la discrimination et du terrorisme". Promettant le respect des droits de l'homme, la rébellion assurera en outre "la protection des intérêts et des droits des sociétés étrangères", dans une allusion aux importantes ressources pétrolières du pays.
Toutefois, de nombreuses inquiétudes subsistent. En effet, dans le texte de son Appel à un projet de charte nationale transitoire, l’Article 1 stipule : « La Libye est un Etat indépendant, souverain et unifié, non divisé. C’est un Etat démocratique, décentralisé, le peuple est la source du pouvoir. Sa religion est l’islam et les principes de la shariah islamique sont la source de ses lois. Sa langue officielle est l’arabe. Sa capitale est Tripoli. Les citoyens sont libres et égaux en droit et en devoir devant la loi ».
Certains insurgés déclarent « Nous sommes nombreux à appeler de nos voeux une démocratie qui respectera nos coutumes religieuses », sans y voir de contradictions…
- Empêcher la partition
Pour tous les Libyens, leur pays n’est pas plus artificiel que les autres Etats d’Afrique issus de la colonisation. La nation s’est construite dans ses frontières et le sentiment national s’y est structuré. C’est pourquoi ni le CNT, ni le peuple libyen, ni les
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tenants du régime ne veulent entendre parler de partition du pays. Il n’y a pas de haine régionale entre Libyens.
- Réduire le rôle des tribus
Le discours des représentants du CNT de Derna, que la mission a longuement rencontrés, était très centré sur la notion de « société civile ». Derrière leurs propos se dissimule à peine la volonté de remettre en cause le système tribal qui régit le pays. Ils accusent Kadhafi de l’avoir renforcé afin d’assurer son pouvoir en cherchant { donner au monde l’idée que les tribus gouvernaient, ce qui est faux { leurs yeux.
Ils affirment que la population ne veut plus du système tribal et ne reconnaît plus les chefs tribaux. C’est pourquoi le CNT n’est pas organisé par tribus mais par villes. Il prépare une constitution et un système fondé sur la compétence et non sur l’appartenance clanique. Ces représentants du CNT considèrent que dans la future Libye, les tribus auront un rôle social mais pas politique. Ces déclarations que nous avons mises en parallèle avec celle entendues la veille à Tobrouk, radicalement contradictoires, ont entraîné des remous parmi les participants à la réunion.
- Reconsidérer les relations avec les Etats africains
Force est de constater le caractère raciste de l'insurrection libyenne. Tous les noirs présents en Libye orientale sont traités comme des mercenaires au service de Kadhafi. Les insurgés affichent un très fort ressentiment { l’égard des pays d’Afrique subsaharienne. Dès que l’Etat nouveau sera créé, il durcira, selon plusieurs membres du CNT, sa politique contre les Africains coupables d’avoir aidé Kadhafi.
Ce ressentiment est nourri par l’attitude de l’Union africaine (UA) qui, le 10 mars, a proposé une feuille de route à Tripoli, mais pas au CNT. Les insurgés n’ont, en conséquence, pas voulu en entendre parler.
Lorsque les délégués de l’UA sont enfin venus { Benghazi, ils ont présenté un document en français et en anglais - mais pas en arabe - sans évoquer le départ de Kadhafi, ce qui est un préalable pour le CNT. L’UA qui passe pour être favorable { Kadhafi, ne proposait qu’un cessez-le-feu et des réformes constitutionnelles pour sortir de 42 ans de dictature.
Si le mouvement aboutit, le CNT devra être jugé { l’aune de ses décisions concernant la religion, les femmes, les élections, le terrorisme, la justice, la démocratisation et la répartition des pouvoirs. En attendant, il existe aujourd’hui trop de zones d’ombre pour lui accorder un chèque en blanc.
Globalement, les dirigeants du CNT font preuve d’un enthousiasme naïf et touchant, mais ils ne savent pas le prix qu’il leur faudra payer pour la liberté. Un prix politique, mais aussi économique, tant il apparaît que les puissances internationales feront rembourser d’une manière ou d’une autre les coûts du conflit.
La stratégie militaire du CNT
Au cours des combats contre les forces de Kadhafi - qui sont loin d’être les meilleures au monde et qui sont privées de leur armement lourd - les insurgés ont montré rapidement leurs limites. Force est de constater qu’ils manient mieux le verbe que la Kalachnikov.
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Les rebelles n’ont montré aucun sens de la manoeuvre, leur commandement est incompétent. Ils n’ont ni sens tactique ni cohésion. Leurs forces sont en grande partie constituées de milices civiles mal entraînées, d'anciens membres des forces armées libyennes et de volontaires encadrés par des « repentis » du Groupe islamiste combattant libyen (GICL).
Leur problème n'est pas le manque d’armes, car ils se sont emparés des arsenaux militaires de Cyrénaïque. En revanche, ils souffrent d’un manque de personnel compétent. Ainsi, ils sont incapables d'employer les matériels lourds dont ils disposent (notamment quelques chars T-55).
Malgré l'aide étrangère qui leur parvient et leur permet de continuer à se battre, ils se sont révélés incapables de vaincre l'armée libyenne. Sans le soutien occidental, il y a longtemps qu’ils auraient été anéantis.
C’est pourquoi ils délèguent cette mission { la coalition internationale, quitte { la critiquer vertement quand ils considèrent que l’OTAN n’en fait pas assez ou lorsqu’un missile rate sa cible et provoque des dégâts collatéraux.
Surtout, après avoir longtemps clamé qu’ils ne souhaitaient aucune intervention terrestre étrangère sur le sol, leur position a évolué. Le 19 avril, Nouri Abdallah Abdel Ati, un membre du CNT de Misrata, a appelé les forces occidentales à intervenir afin de protéger les civils de la ville, et a rejeté l’argument selon lequel cette action revêtirait un caractère néocolonialiste
Nombre des interlocuteurs de la mission sollicitent l’aide de la coalition, persuadés que la situation militaire changerait rapidement si l’OTAN engageait des troupes au sol. Désormais, pour les insurgés, la chute du régime de Tripoli dépend de l’OTAN. L’idée d’une intervention terrestre fait son chemin, car il semble aux dirigeants du CNT qu’il n’y a pas d’autre solution. Le CNT qui se dit prêt { l’accepter contrairement { ses propos d’il y a quelques semaines, ne souhaite pas pour autant « que l’OTAN ait des pertes ».
Les membres de la mission ont été très surpris par le caractère artificiel de cette « révolution » par procuration, dont les acteurs brandissent des drapeaux étrangers, scandent le nom de Sarkozy et réclament une intervention de l’OTAN pour parvenir à leurs fins, qu’ils affirment démocratiques.
Les prisonniers du CNT
La mission a pu visiter sans difficulté ni réserve la prison de Fouihat, tenue par le Service de sûreté nationale des insurgés. Elle a pu assurer elle-même les entretiens avec sa propre traduction, sans censure. Il n’y avait aucune mesure de sécurité pour notre protection. Nous avons même été seuls à plusieurs reprises avec les prisonniers, qui étaient calmes, résignés, voire hébétés (au point qu’ils semblaient sous l’effet de calmants). Des représentants du CICR étaient également de passage dans cet établissement lors de cette visite.
La soixantaine de prisonniers est incarcérée dans de bonnes conditions. Les détenus sont presque tous Libyens, à part un Ghanéen et un Algérien1. Parmi eux, la mission n’a recensé que très peu de blessés apparents. La moyenne d’âge est plutôt élevée (30/40 ans) malgré la présence de quelques jeunes. Leur habillement est correct
1 Dénommé Boualem Benhamouda. Il est présenté comme mercenaire alors qu’il nous a déclaré être établi à Benghazi depuis trois ans, où il est commerçant au marché.
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(djellabas ou survêtements) et, fait étonnant, ils disposent librement de briquets et de cigarettes.
Selon les déclarations des détenus, la grande majorité déclare avoir été raflée alors qu’ils ne combattaient aucunement. Leurs mains et leur allure ne sont en effet pas celles de combattants. Certains reconnaissent toutefois avoir reçu une arme et un peu d’argent pour participer aux combats contre les manifestants, mais aucune formation. Il n’a pas été possible de vérifier l’exactitude de ses propos.
Le personnel de garde connaissait mal les origines des prisonniers et ne semblait pas savoir vraiment si ces hommes étaient « coupables » ou non. Des investigations seraient en cours dont la mission ignore les moyens.
Un général loyaliste, commandant le génie de Benghazi (selon ses dires), était retenu prisonnier dans les mêmes conditions que les autres détenus, ce qui n’est pas conforme à la convention de Genève.
La « propagande » du CNT
L’acharnement des insurgés, { tous les niveaux, { dénoncer les exactions du régime de Tripoli est souvent excessif, d’autant qu’il n’est nul besoin d’en rajouter quant à la nature dictatoriale du régime. Personne ne nie que Kadhafi soit un autocrate, ni que le peuple libyen en ait souffert. C’est même pour cette raison que l’Occident lui accorde son soutien. En revanche l’exagération systématique dont le CNT fait preuve dans la dénonciation des méfaits du régime le décrédibilise. Nous en donnons ci-dessous quelques exemples :
- « L’intervention de Sarkozy a sauvé plus d’un million de vie humaines (sic), soit la totalité de la population de Benghazi ».
- « A Tripoli, on ne peut même pas sortir dans la rue. Il n’y a pas de vie. La population a peur et ne sort que subrepticement acheter de la nourriture ».
- « Kadhafi a recruté des agents qui ont à leur tour recruté des individus chargé d’organiser des provocations ».
- « A Misrata et Ajdabiya, Kadhafi a donné du viagra et des préservatifs à ses troupes. Il y a eu de nombreux viols et des disparitions de femmes ».
- « Kadhafi souhaite l’intervention terrestre de l’OTAN. Il ne veut pas la paix ni le cessez le feu. Il veut que les troupes étrangères viennent ; il veut davantage de victimes ».
- « Une voiture de l’armée algérienne aurait été aperçue à Brega ».
- « L’armée algérienne ravitaille les mercenaires de Kadhafi par hélicoptères ».
Fin avril, le chef des insurgés, en visite au Koweït, a une nouvelle fois accusé l'Algérie de soutenir le régime Kadhafi, de lui fournir du matériel et de favoriser l'entrée en Libye de mercenaires. Ce fait a été totalement nié par le Dr Salah ed-Din el-Bechiri, membre du comité des Affaires étrangères au sein du CNT et ancien ambassadeur en Malaisie, qui a affirmé à la mission qu’il n’y a pas eu de déclaration officielle du CNT concernant les « mercenaires algériens ». Cela est évidemment faux car ces assertions ont été reprises par la presse internationale et que le CNT a saisi la Ligue arabe au sujet de cette « affaire ».
Parallèlement, certains Libyens installés en Égypte sont accusés de déstabiliser la Libye orientale, aux mains de la rébellion. Le chef du CNT a demandé au gouvernement du Caire d’intervenir.
Par ailleurs, les membres du CNT débitent à leurs interlocuteurs occidentaux un discours univoque construit pour les séduire et les rassurer (les élections, le multipartisme, les droits des femmes, la fin du tribalisme et même la reconnaissance d’Israël). Tous semblent avoir reçu des instructions et tiennent un discours très formaté. Cette « langue de bois » est étonnante de la part de femmes et d’hommes qui aspirent { plus de transparence et de démocratie, d’autant que ses observations ont permis à la mission de mesurer qu’il existe de nombreux tiraillements entre les engagements donnés { l’Occident et la réalité du terrain.
Au cours des déplacements de la mission, les représentants du CNT – comme ceux du régime de Tripoli - nous ont communiqué de nombreux documents écrits ou vidéos sur les exactions des manifestants ou sur la répression des forces de l’ordre. Aucun document n’étant sérieusement sourcé, leur exploitation objective est impossible.
Les soutiens du CNT
Personne n’évoque de problèmes d’argent au CNT, car les insurgés bénéficient d’importantes aides financières et humanitaires. Il semblerait qu’il y ait cependant une pénurie de médicaments. Mais le plus important pour le CNT, c’est la reconnaissance politique. En la matière, ses dirigeants affirment que la France est son soutien le plus important. La visite du sénateur McCain, le 22 avril, et son intervention dans les médias internationaux a également beaucoup compté.
Le Hezbollah (cf. les déclarations de Nasrallah, son leader) a également pris de position en faveur des insurgés et a proposé l’envoi d’instructeurs et de matériels. Le Hamas aurait fait de même.
En revanche, le CNT s’est dit très surpris de l’attitude de la Russie et de la Chine, hostiles aux insurgés et { l’intervention de l’OTAN
( à suivre ).