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16 Novembre 2011
L’alchimie du désir :
une histoire d’amour moderne et passionné
d’un talentueux écrivain indien.
Je termine aujourd’hui la lecture d’un livre à mes yeux exceptionnel : Loin de Chandigarh de l’écrivain indien Tarun J Tejpal. Il y aurait tellement de choses à dire sur ce beau roman que je ne sais par quel bout commencer.
C’est l’histoire très mouvementée d’un jeune couple d’intellectuels passionnés d’amour et de sexe dans l’Inde des années 1990. « L’amour n’est pas le ciment le plus fort entre deux êtres. C’est le sexe ». Telle est la première phrase du roman qui donne le ton à cette épopée sentimentale et charnelle qui ne se termine pas aussi tristement que pourrait le faire supposer l’adage bien connu des latinistes : Animal triste post coïtum. Et si le titre français fait exotique, le titre anglais original, plus réaliste : The alchemy of desire, traduit davantage le contenu du livre.
Tous les ingrédients, en effet, de cette alchimie qui fait que deux êtres se complètent de façon si fusionnelle pour finir par s’éloigner progressivement l’un de l’autre sont exposés et analysés avec une finesse et un brio époustouflants. Sur fond d’histoire, de religion et de culture hindoues – dont il n’approuve pas, loin de là, toutes les facettes - , l’auteur nous transporte du New Delhi d’hier et d’aujourdhui au Chicago du début du siècle en passant par Londres et le Paris des années 20.
Tout en nous dévoilant la montée en puissance et le déclin de sa propre passion sentimentale et sensuelle, le narrateur reconstitue et met en scène la vie d’autres couples par le truchement des carnets intimes d’une américaine très libérée, venue s’installer en Inde en 1924, s’étant éprise d’un prince Hindou, pétri de philosophie occidentale et banni par sa famille…
C’est d’ailleurs la découverte de ces carnets dans une vieille maison à retaper achetée par le narrateur et sa jeune épouse qui marque un tournant dans leurs relations et finit momentanément par les perdre. Mais, à la longue, la solitude et le manque d’amour se faisant sentir, on comprend que la séparation n’est que provisoire et que peut-être le couple finira par se reconstituer. La dernière phrase du livre, prenant l’exact contre-pied de la première, nous laisse entrevoir en tout cas la possibilité de retrouvailles imminentes : « Le sexe n’est pas le ciment le plus fort entre deux êtres. C’est l’amour ».
L’auteur, né en 1963, est un journaliste d’investigation très engagé dans son pays contre la corruption des politiciens locaux et les scandales à répétition de la classe dirigeante. (La France, comme on le voit ne détient pas, quoi qu’on pense, le monopole de ce genre d’affaires ! ) Il est actuellement menacé de mort. Son amour de la nature et sa connaissance de la végétation tropicale, des arbres en particulier, n’ont d’égal que l’humour et l’ironie avec lesquels il fustige certains travers de la société indienne. Le portrait du vieux nawab et ses aphorismes qui servent de principes d’éducation au peuple valent leur pesant de roupis. J’ai beaucoup apprécié et pris de nombreuses notes.
LdP N°30760. Traduit de l’anglais par Annick le Goyat.
Raymond Joyeux