20 Septembre 2012
Le Conseil général de la Guadeloupe a peut-être d'autres choses à faire que de s'occuper de la gestion du département dont il a la charge. Par exemple consacrer des fonds, et du temps, à l'élaboration d'un « projet guadeloupéen » dont l'immense majorité de nos concitoyens ne veulent pas parce qu'ils ont bien compris, qu'il consisterait à modifier le statut de la Guadeloupe, et à attribuer davantage de pouvoir à des incapables et des irresponsables.
Or ces élus qui trônent au conseil général, ils ont déjà d'importantes responsabilités et prérogatives, et des moyens financiers non négligeables.
Qu'en font-ils? Comment les utilisent-ils?
Cette lettre ouverte du Président de l'ordre des architectes de la Guadeloupe, dans le domaine qui l'intéresse, et qu'il connait, nous en instruit.
Edifiant!
LS
Lettre ouverte à Monsieur le Président du Conseil Général de la Guadeloupe.
Construction, deniers publics & patrimoine.
Depuis quelques mois, nous sommes informés par les médias de la construction, par le
Conseil Général de la Guadeloupe, d'un nouveau Collège à Capesterre-Belle-Eau.
L’établissement est prévu pour accueillir plus de 900 élèves.
Pourtant, on aurait pu croire révolue l'époque de la réalisation de bâtiments précaires du type "soufrière" qui, en leur temps, avaient été rendus indispensables vue l'urgence liée à la situation du département. Or, on constate que la collectivité départementale, pour des
raisons que l’on ignore, recommence à « polluer » le paysage avec la construction, sans
maîtrise d'oeuvre régulièrement désigné par concours, d'un établissement dont chacun sait que la durabilité sera limitée, sans parler de l'absence totale de qualité architecturale.
En effet, l'essentiel de notre réflexion ne se résume pas à la durabilité de ce type de
réalisation mais bien aux aspects architectural et patrimonial qu'il représente et qui sont en
l’occurrence particulièrement dramatiques.
Pourtant, nous avions le sentiment que nos politiques, élus pour décider et gérer dans le
respect de l’intérêt général, commençaient à comprendre l’impérieuse nécessité de créer,
chaque fois qu'ils en ont la possibilité, du patrimoine pour notre pays. Force est de constater qu’il y a au contraire un véritable recul en la matière.
Après les collèges du Moule et de Capesterre-Belle Eau, il nous revient que le département songe à entreprendre d'autres réalisations de ce type. Pour bien apprécier l’incohérence et l’absurdité d’une telle décision, il faut se rappeler que cette même collectivité demande à l'ensemble de la société civile de se pencher sur l'avenir de notre pays dans le cadre du« projet guadeloupéen ». De surcroît, il y a fort à parier qu’elle n'aurait pas toléré que l'Etat puisse se comporter de la sorte, lorsque ce dernier avait pouvoir de décision, avant la décentralisation.
Comment comprendre alors que la création d'un collège en 2012, véritable espace destiné à l'éducation des jeunes Guadeloupéens ne soit pas conçu par des architectes ? Que fait-on des précautions et des soins qu’exige l’épanouissement de nos jeunes dans un cadre
propice aux apprentissages et à la création artistique. Pourquoi refuser de leur donner
naturellement le goût des espaces de qualité, et ceci, sans supplément de coût ? C’est dans un parti-pris architectural raisonné où résiderait une vraie plus-value, tant pour nos jeunes que pour notre pays.
A l'heure où tous s'accordent à reconnaitre que notre patrimoine administratif, par exemple, a été pour l'essentiel créé par Ali TUR, chargé par le gouvernement de l'époque de la reconstruction après le cyclone de 1928, et avant les fêtes du tricentenaire du rattachement de la Guadeloupe à la France en 1935, il n’est pas nécessaire de se demander ce qu’il restera, dans 10 ans, de ce fameux collège à Capesterre-Belle-Eau.
Plus grave est l'utilisation abusive et sans cesse répétée de la notion de Collège HQE (Haute qualité environnementale). Une telle pratique est à la limite de l'escroquerie intellectuelle et pourrait faire l'objet de poursuites par l'organisme chargé de donner cette qualification qui doit répondre à des normes environnementales précises, strictes et contraignantes. Celles-ci ne peuvent, à aucun moment, avoir été prises en compte dans une construction sans âme et sans la moindre qualité architecturale.
Mais, passons outre à ces aspects dont certains pourraient penser qu’ils ne sont pas
essentiels. L'important pour nous est d'aller de l’avant et de chercher à comprendre pour que cette situation ne se reproduise plus. La question qui s’impose est alors la suivante :
comment et pourquoi un tel comportement déviant de la part d'une collectivité majeure
chargée de réaliser un investissement de 16 millions d’euros?
Pour mémoire et s'agissant maintenant de l'aspect financier, il est utile de noter que le
Collège de Sainte-Rose réalisé, en 2010 dans des conditions respectueuses des procédures affiche un coût de revient de 15 000 € par élève alors que celui du Moule réalisé récemment sans maîtrise d'oeuvre a couté 19 000 € par élève et que celui de Capesterre - Belle eau avoisinera en fin de chantier la rocambolesque somme de 23 000 € par élève sans maitrise d'oeuvre et pour un piètre résultat.
Dans une période de crise financière et économique qui voit la raréfaction des deniers
publics s’accentuer, l’Ordre et le syndicat des Architectes de la Guadeloupe sont en droit de s’interroger sur la justification d’une telle démarche qui ne saurait être dictée par une gestion « en bon père de famille », soucieuse du patrimoine à léguer à la postérité et au respect des règles légales applicables en matière de construction.
Le Président de l’Ordre des Architectes de la Guadeloupe.
Le comité de direction du syndicat des architectes.
Baie-Mahault le 14 septembre 2012