Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
23 Octobre 2010
Le hasard d'une recherche me fait tomber sur une de ces innombrables perfidies des séparatistes guadeloupéens à mon encontre.
Il paraît selon ces messieurs que j'aurais fait disparaître de mon blog le texte que l'on va lire. Le sous-entendu est que ce texte aurait proféré des choses innommables sur le triste phénomène de l'esclavage américain et antillais, et que j'aurais été obligé, par crainte, de les faire disparaître.
La vérité est beaucoup plus simple. Quand j'ai cessé d'utiliser Skyblog comme fournisseur de service, j'ai transféré sur le nouveau Scrutateur
Guadeloupéen une partie des archives de l'ancien blog. Au cours de ce transfert un dysfonctionnement a fait disparaître le texte, tout en conservant le titre. ( Le texte original, est conservé
aux Archives départementales de la Guadeloupe, à Bisdary ( Gourbeyre ) où les curieux pourront vérifier l'exactitude de mes dires. Tant pis pour les « mal parlants!
On pourra lire sur le même sujet le texte beaucoup plus développé paru dans mon livre :"Libres paroles (un abécédaire politique)".
Pour ceux qui aurait plus d'appétit, ils se reporteront à :
*François Renault et Serge Daget : Les traites négrières en Afrique (Editions Karthala).
*Olivier Pétré-Grenouilleau : Les traites négrières-Essai d'histoire globale; (éditions Gallimard).
ESCLAVAGE.
Eléments pour une
MISE A PLAT DU PHENOMENE
"Historiens ou partisans, hommes d'étude, homme d'action, se font à demi consciemment, à demi inconsciemment, infiniment sensibles à certains faits
à certains traits, -parfaitement insensibles à d'autres ,qui gênent ou ruinent leurs thèses ; et ni le degré de culture de ces esprits, ni la solidité ou la plénitude de leur savoir, ni même leur
loyauté ,ni leur profondeur ,ne semble avoir la moindre influence sur ce qu'on peut nommer leur puissance de dissentiment historique."
Paul VALERY.
(1)1848:cent cinquante ans après.
Pour qui veut maîtriser son présent et tenter de préparer l'avenir il faut connaître son passé.
Le passé humain est, certes, rempli d'actes somptueux et héroïques, mais il s'y mêle aussi, inextricablement, l'horrible et le barbare, le médiocre
et l'atroce.
Notre passé national et régional n'échappe pas à la règle de cette étrange intrication.
Ainsi la construction de la France outre mer, s'est trouvée liée à cet esclavage, pourtant, lentement, progressivement aboli tout au long du
moyen-âge sous l'influence de l'Eglise catholique.
Pire, il a progressivement pris une connotation raciale, qui contribue à faire que, cent cinquante ans après sa seconde abolition il subsiste de
cette époque douloureuse, et dans toutes les couches de la population, sans exception, des séquelles douloureuses.
C'est pourquoi il faut commémorer : pour panser, réconcilier, construire.
Le psychiatre français d'origine juive Henri Baruk a montré que certaines maladies de l'âme, la paranoïa par exemple,proviennent du refus d'un sujet
de se reconnaître coupable d'un acte hautement répréhensible,et de sa tentative inconsciente de s'en disculper en agressant l'autre,en le prenant comme bouc émissaire,en le persécutant,de mille
manières.Ce qui vaut pour l'individu est transférable en partie pour les groupes sociaux.Selon Baruk,une thérapie "morale" est possible;elle passe par l'examen de conscience des parties en
présence,dans un esprit de vérité,et d'humilité réciproque.1
Cet examen de conscience,nous l'avons les uns et les autres,en Guadeloupe,Martinique ,partout où le cas se pose dans l'outre mer français,commencé
il y a bien longtemps en ce qui concerne l'esclavage.Il a été parfois difficile,il le demeure encore,surtout du fait de minorités,très petites mais bruyantes .
Pour ma part je n'ai jamais rencontré de blanc créole,de béké,nostalgique du temps d'avant 1848.L'un d'entre eux ,un homme de ma génération me
disait récemment:"l'esclavage a engendré deux sentiments,la honte et la haine."Ce sont deux sentiments négatifs.Une société performante,à tous égards,ne peut être fondée sur eux.
Aussi bien me semble-t-il,sauf pour ceux qui ont intérêt à fouailler les plaies,-les charognards du malheur-,que la honte et la haine vont en
s'effaçant.
Baruk parlait,comme conditions de la guérison,de loyauté et d'esprit de vérité.
C'est cet esprit de vérité qu'il faut évoquer en ces jours de commémoration.
Les charognards du malheur donnent dans le dolorisme.Par une extrapolation aussi hardie que discutable,il font de la traite négrière d'Afrique vers
l'Amérique,du 16ème au 19ème siècle un phénomène quasi unique,et de l'esclavage dont nous avons souffert le quasi apanage,par delà les békés,de la race blanche en général.
Peut-être l'esprit de vérité,et de réconciliation féconde,exige t-il un examen plus objectif ou plus honnête de cette question difficile.
(2)L'étiologie.2
Le fait qu'un phénomène aussi ancien,constant et odieux que l'esclavage (il dure encore,et sous des formes brutales aujourd'hui,en Afrique et en
Asie par exemple) ait pu être pratiqué,toléré,justifié par des hommes qui n'étaient pas tous des brutes,il s'en faut parfois de beaucoup,donne à penser et incite à la recherche des
causes.
Nombreuses,de nature diverses,elles interagissent les unes sur les autres et leur importance respective varie selon les pays et les
époques.
Le facteur économique et le degré de sous développement technique des sociétés,a joué certainement un rôle déterminant dans le développement du
phénomène.
Dans l'antiquité le philosophe Aristote justifie l'esclavage.Dans son célèbre ouvrage Les Politiques,il écrit :"l'utilité des animaux privés et
celle des esclaves sont à peu près les mêmes : les uns comme les autres nous aident par le secours de leur force corporelle à satisfaire les besoins de l'existence".
On notera le ton détaché du philosophe.L'esclavage lui apparait comme une nécessité.Il y a une division du travail,et il faut bien (sentiment d'une
sorte de nécessité naturelle) qu'il y ait des esclaves pour que fonctionne la société faute d'un outillage qui permette de se substituer au "cheptel humain".Aristote a d'ailleurs une claire
intuition de l'avanir quand il écrit encore :"si les navettes3 tissaient d'elles-mêmes,et si les plectres pinçaient tout seuls la cithare,alors,ni les chefs d'artisans n'auraient besoin
d'ouvriers,ni les maîtres d'esclaves".
Dans l'antiquité par exemple l'attelage était constitué de sangles souples enserrant le poitrail de l'animal et l'étouffant.C'est pourquoi les
animaux jouaient alors un rôle moins important à cette époque que dans les temps modernes,avant que le machinisme ne se substitue à son tour à eux,du moins dans les pays développés.Ce n'est qu'au
10 ème siècle,en Europe,que l'attelage moderne est inventé?C'est aussi le momen où sous l'influence de l'Eglise,le servage se substitue de plus en plus à l'esclavage.
Que l'esclavage apparaisse dans les temps anciens comme une nécessité incontournable explique que l'Eglise n'adopte pas alors,de position
tranchée,spectaculaire.
L'Evangile est,dans son essence,opposé à toute exploitation de l'homme par l'homme,à toute réduction de l'homme au statut d'objet négociable.L'homme
pour Jésus n'est pas le membre d'un clan ou d'une nation en dehors de laquelle il n'y aurait que des "barbares"."Allez,et prêchez à toutes les nations" dit-il.Mais pas de malédictions contre les
maîtres et d'incitation des esclaves à la révolte généralisée.
La position de St-Paul donne le ton."Le baptême réunit en un seul esprit et un seul corps Juifs,esclaves ou hommes libres" dit l'apôtre dans
l'Epître aux Corinthiens.
Parmi les maîtres,il y a des chrétiens.L'un d'eux s'enfuit,marronne,dirions nous aux Antilles.
C'est Onésime,esclave de Philémon,chrétien,ami de St-Paul.Onésime se réfugie auprès de Paul qui se met en position délicate,puisque secourir un
esclave en fuite est une faute grave selon la loi,et sévèrement punie.St-Paul écrit à Philémon pour le convaincre de pardonner à l' esclave fugitif,et de le bien traiter.L'apôtre termine sa
lettre par une phrase sibylline:"Je sais bien que tu feras plus encore que je ne demande".Invitation à Philémon d'affranchir Onésime?Peut-être.Mais nul appel abstrait à l'abolition de l'esclavage
en général.4
A l'époque,celui-ci,répétons le,apparait comme inévitable.Les révoltes d'esclaves de terminent d'ailleurs dans la tragédie.La plus célèbre,celle de
Spartacus ,s'achève par la cruxifixion sur des kilomètres,le long de la voie Appienne,près de Rome,de milliers d'esclaves qui agonisent longuement.L'Eglise cherche alors à adoucir l'institution
de l'intérieur,comme elle tenta,de ses débuts à nos jours,d'adoucir, le sort des malades les plus contagieux,et les plus répugnants.A t-on jamais condamné la lèpre?Des prêtres, religieuses,
chrétiens moururent au service des lépreux,jusqu'à ce que le progrès scientifique permit de vaincre cette terrible maladie.
Mais l'esclavage a aussi des causes culturelles.
Certaines cultures,certaines religions facilitent le développement de l'esclavage indépendamment des causes économiques.Baillie par exemple5 écrit :
"En Islam,naturellement,l'esclavage a une tradition vénérable et il était largement pratiqué dans l'Afrique musulmane (...).La loi islamique codifie non seulement la vente des non musulmans comme
esclaves...mais en outre des hommes libres (il faut entendre des croyants musulmans,note de Meillassoux) pouvaient dans des circonstances précises,être réduits en esclavage.Cette réduction est
appelée mubâh".
Toutes ces causes germent enfin d'autant plus facilement que l'être humain,en dépit des rêveries de Jean-Jacques Rousseau,n'est pas naturellement
bon.
Comment expliquer,en effet,que souvent,et en Guadeloupe comme ailleurs dans le monde et dans l'histoire,des esclaves à peine affranchis se soient
faits propriétaires d'esclaves,et parmi les plus cruels?Meillassoux dans son livre déjà cité (page 256 notamment) parle même de l'existence bien codifiée d'une institution d'esclaves maîtres
d'esclaves au Sénégal(avant la colonisation).
(3)Bref rappel historique.
Sans entrer ici,évidemment, dans les détails d'un fait aussi ancien que l'esclavage,il faut pourtant rappeler qu'il constitua,peut-être dans des
temps très anciens,une sorte de progrès!Dans ces temps archaïques,l'homme en proie à l'urgence du besoin,ne faisait pas de quartiers.Dans la lutte des clans et des hordes,le vaincu était mangé
sans autres formes de procès.L'esclavage survint quand le vainqueur perçut le vaincu comme un instrument de sa propre survie.Il lui laissa la vie à condition qu'il se mit à son
service.
Terriblement ancien,l'esclavage est aussi multiforme.6 Il existait chez les Hébreux,et il en est question dans la Bible.Les spécialistes de la
question ont parlé pour le caractériser d'esclavage symbiotique(La symbiose étant un terme de biologie évoquant l'association de deux ou plusieurs organismes.).Il s'agissait d'un esclavage
doux.Les faibles abdiquaient leur liberté entre les mains d'un plus fort en se mettant à son service moyennant protection.Il y avait même des devoirs réciproques,et si le maître n'était plus
capable d'assumer ses devoirs de protection,l'esclave retrouvait sa liberté.
Différent est "l'esclavage cheptel" qui apparait dans l'ancienne Egypte,et prendra plus tard en Grèce et surtout à Rome une ampleur et une dureté
beaucoup plus grandes.Le terme "esclave" recouvre souvent des réalités ou des statuts très variés.Les plus nombreux sont des quasi bêtes de somme,mais il faut compter avec des "serviteurs" bien
mieux traités,et même avec des esclaves intellectuels,respectés,et souvent affranchis par leurs maîtres,comme par exemple le grand philosophe stoïcien Epictète.
Le christianisme,et parallèlement,quoique à un moindre degré le stoïcisme,introduisit dans la morale universelle un principe nouveau qui bouleversa
les données de notre problème.Dans son essence il subvertit le principe même de l'esclavage,puisque tout homme de toute origine,ethnique,raciale,religieuse,etc,est une personne humaine,créée à
l'image de Dieu,ayant droit au respect,et à l'amour ,et ne peut donc être traité comme une chose,un bien négociable.Dès la fin de l'empire romain la situation des esclaves allait s'adoucissant;et
au moyen âge l'ancien esclavage disparaîtra peu à peu sous l'action lente et patiente de l'Eglise catholique."A cette époque l'Eglise était parvenue à imposer son point de vue et ses membres
poursuivaient l'oeuvre amorcée par les réformateurs Romains.Le cas échéant elle n'hésitait pas à jouer de cette arme redoutable : l'excommunication..(.....)Lorsqu'on lui en faisait don ,l'Eglise
donnait aux captifs les mêmes droits que les hommes libres et les établissait sur ses terres."7
Car s'il faut éviter les rêveries idylliques,et autres bergeries,-les conditions économiques et le degré peu élevé de développement technique
rendent la vie quotidienne très difficiles,pour tout le monde,y compris les seigneurs,-le servage du moyen âge n'est pas l'esclavage de l'antiquité.La grande médiéviste 8 Régine Pernoud écrit
:"...Il n'y a aucune mesure entre le servus antique,l'esclave,et le servus médiéval,le serf.Car l'un est une chose et l'autre un homme."
Hélas!l'esclavage(mais non toute exploitation,évidemment,de l'homme par l'homme)peu à peu supprimé sur la terre d'Europe va refleurir en
Amérique,et,en partie sous la férule européenne,dans les terres d'Amérique.Régine Pernoud y voit notamment une conséquence de la perte d'influence du christianisme en Europe et d'un retour en
force dans la culture européenne du paganisme antique en ces temps paradoxalement(???)dénommés "Renaissance",et dans l' âge classique.La traite des nègres va commencer,le commerce
triangulaire,et,pour madame Pernoud il par ait hors de doute que le regain d'influence de l'Antiquité a joué pour justifier cet injustifiable commerce."9
La traite,l'esclavage en Amérique et aux Antilles va dès lors commencer.C'est l'époque des grands voyages et de la propagation des grandes utopies
et des grands rêves souvent si meurtriers qui périodiquement s'emparent de l'imaginaire humain.Des européens mal à l'aise chez eux,des aventuriers aussi se prirent à rêver du pays d'El Dorado,un
roi mythique qui,nu,le corps oint de corps gras se roulait,disait-on,dans de la poudre d'or.Départ donc vers les rives enchantées,que le poète a traduit en vers inoubliables :
"Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines
De Palos,de Moguer,routiers et capitaines
Partaient,ivres d'un rêve héroique et brutal."
Déception évidemment à l'arrivée,et bientôt exploitation sévère de ceux qui s'y trouvaient.
(3)La vérité,mais toute la vérité!
On sait comment l'indigène amérindien fut bientôt remplacé par des nègres achetés en Afrique,comment se créa dans la douleur l'économie de
plantation,longtemps très lucrative pour l'Europe.On connaît l'atroce promiscuité du voyage,le taux important de mortalité,le traitement d'êtres humains,à nouveau,comme dans l'antiquité, en biens
négociables.On sait ou l'on croit savoir,on sait en tout cas partiellement!
Car l'esprit de vérité oblige à dire que la vie dans les plantations n'était pas tous les jours,à tous moments et pour tous ce que nous en montrent
les images d'Epinal des abolitionistes,justifiées certes par la noblesse de la fin poursuivie,mais qui sont enfin des images de combat,non des reportages sur le quotidien,pas plus que les textes
de Montesquieu,de Voltaire (qui avait des actions dans le commerce triangulaire par ailleurs),du père Dutertre,de Schoelcher,etc.Si vénérables soient-ils,par la finalité de leur engagement ces
textes sont des textes de combat,que l'historien épris de vérité doit donc lire comme tels.
Qu'un maître ait pu fouetter son esclave au sang,saler et pimenter les plaies,lui chauffer le dos et lui faire crever les pustules par un chat,cela
est possible,atroce,mais porte la marque d'un esprit déréglé.On a vu pire dans les camps nazis,et dans les goulags communistes.
Mais que tous les maîtres aient agi ainsi quotidiennement relève du délire.Le simple calcul économique les eut empéchés de saborder leur matériel de
travail.Ils raisonnaient comme Caton l'ancien dont on disait "il est doux et humain envers ses esclaves par spéculation".Et c'est Victor Schoelcher si justement sévère pour l'esclavagisme qui
tempère son propos par cette remarque que :"l'idée générale de la douceur relative avec laquelle les Français traitaient leurs esclaves est admise par tous ceux qui se sont occupés de ces
questions."
Dans un bel ouvrage publié en 1948,à l'occasion du premier centenaire de l'abolition,l'historien Gaston Martin,professeur à la Faculté des lettres
de Bordeaux écrit : 10 "Il est malaisé d'atteindre à la vérité sur le sort habituel des esclaves.Les mémoires des Chambres et généraux de commerce sont délibérément optimistes.Les réquisitoires
des anti esclavagistes,qui se multiplieront à partir de la Paix de Paris,ont tendance à ériger en règles des cas extrëmes de sévices,dont certains correspondent à des récits exacts,mais cités par
les narrateurs de première main comme des cas isolés,particulièrement odieux et frappants,non comme des pratiques habituelles"
Enfin,il faut situer ces excès eux-mêmes, dans leur temps-non pour les excuser du point de vue d'une morale abstraite intemporelle,mais pour mieux
comprendre et éviter cette faute grave de méthode le péché capital en histoire:l'anachronisme.
Par exemple en France le supplice atroce de la roue est encore pratiqué.En Angleterre sous le règne de Georges 3 qui s'acheva en 1810 pas moins de
170 délits étaient passible de la peine de mort.En 1735,dans le middlesex Mary Wottom agée de huit ans est condamnée à mort et exécutée par ce que soupçonnée de vol.En 1531,le Parlement donne son
accord pour faire bouillir vivants certains criminels.Les flagellations publiques sont encore fréquentes en Europe et en Angleterre en 1838.11 Il s'agit là des châtiments exercés en Europe par
des blancs sur d'autres blancs.Une connaissance non idéologique de l'histoire,aide à relativiser,et en même temps libére des fantasmes aliénants,et du fanatisme.
Et puis sur la traite,il faut savoir,en esprit de vérité toujours,ce qu'ignore beaucoup ,parce qu'on ne leur a pas dit,mais que n'ignorent pas les
charognards du malheur parce qu'ils en escomptent des bénéfices : à savoir,que les négriers ne faisaient qu'acheter sur la côte africaines les millions d'indigènes enchaînés par leur maîtres
Africains noirs.
Dans une très remarquable communication faite à fort de France en 1986 à l'occasion d'un colloque interdisciplinaire sur la période révolutionnaire
aux antilles,le philosophe et historien Georges Gusdorf12 déclare:"il ne semble pas que l'on s'intéresse à la chaine esclavagiste avant le moment où le négrier prend possession de sa sinistre
cargaison dans le port de départ.Une singulière restriction mentale jette un voile sur ce qui s'est passé avant que les captifs ne soient disponibles au lieu de leur embarquement.Seuls les blancs
paraissent impliqués.(.....)Or si les négriers blancs peuvent se livrer à leur fructueux trafic,c'est parce qu'ils trouvent sur place des fournisseurs qui leur livrent une marchandise prête à
être embarquée.(.....)Le recrutement et l'acheminement de la marchandise était assuré par des trafiquants indigènes généralement musulmans,avec la complicité des roitelets
locaux(.....).L'acheminement des captifs(depuis l'intérieur de l'Afrique)dans des conditions difficiles,donnait lieu à des pertes considérables.Le missionnaire explorateur Ecossais David
Livingstone (1813-1873),qui consacra sa vie à la découverte de l'Afrique australe et mourut à la peine,après avoir visité des régions dévastées par la traite,estimait qu'un sur dix des individus
razziés atteignait le port d'embarquement,et que parmi les survivants,un sur deux mourait avant d'arriver à destination."13
Et Gusdorf poursuit :"L'histoire de l'Afrique n'est pas faite.En premier lieu parce que les traces ont été effacées.Mais aussi du fait de l'amour
propre des Africains,peu soucieux de dévoiler une si longue suite d'atrocités,alors que les occidentaux mettent beaucoup d'acharnement à charger leur propre culture de tout le péché du monde,en
lui attribuant l'intégralité d'une culpabilité qui devrait être équitablement partagée.de plus,pour des motivations qui demanderaient à être psychanalysées,de véritables tabous que s'imposent les
intellectuels occidentaux protègent d'une part le domaine arabo-musulman et d'autre part la race noire,toute mise en cause de ces composantes de l'humanité donnant lieu à l'accusation redoutable
de racisme,et pouvant faire l'objet de poursuites judiciaires.On n'a donc pas le droit de dénoncer les bourreaux,ou de trop insister sur la passivité des victimes.Nous pouvons tout savoir sur la
comptabilité d'un armateur négrier de Nantes,mais le trafiquant arabe ou métis de Zanzibar,le petit potentat masssacreur et vendeur d'hommes du Dahomey y voient leur incognito protégé par une
conspiration du silence.".
On excusera la longueur de cette citation qui,me semble-t-il,en valait la peine.
(4)Drôles de Persans!
"Notre prochain, ce n'est pas notre voisin, c'est le voisin du voisin", ainsi pensent toutes les nations.
NIETZSCHE.
Qui veut excuser les excès des uns au nom des excès des autres?Certainement pas l'auteur de ces lignes,qui s'efforce conformément à une ligne
constante de parler vrai.Il s'agit pour les Antillais que nous sommes d'assumer ce qu'il y a de difficile à admettre pour des consciences éprises d'honneur,marqués par le christianisme.Une
commémoration n'a de valeur que si elle permet une mise à plat complète d'un contentieux ancien dont il reste des plaies qui suppurent.
Osons le dire,s'il faut récuser ceux qui voudraient escamoter l'évènement historique,il faut rejeter tout autant les profiteurs de malaises,les faux
humanistes,et démagogues de tout poil,sourciers infatigables de fétidités enfouies,et racleurs de grattelles oubliées.Ces faux humanistes pullulent,à la recherche des bonnes poires qui auront la
naïveté de gober leur propos enfarinés.Que l'on me permette de citer encore à leur sujet le professeur Gusdorf qui les connait très bien :" Aujourd'hui encore débarquent sur les bords de Seine ou
de l'Hudson(et en Guadeloupe ou Martinique,ajouterons-nous),des Persans 14 de tout accabit en complet veston qui se livrent dans les organisations internationnales à une critique radicale de la
civilisation occidentale,dénonçant ses excès et ses abus,les injustices en tout genre dont elle accable le tiers monde au nom des droits de l'homme.Rentrés chez eux les mêmes individus,ayant
dépouillé leur déguisement à l'Européenne revêtent le costume local et reprennent la mentalité et la rhétorique en vigueur dans leurs espaces mentaux respectifs,où la valeur de la vie n'est pas
la même,et où l'on n'a jamais accordé beaucoup d'imporatnce aux droits de l'homme,ni à ceux de la femme,même si les représentants diplomatiques de ces pays ont contresigné de belles déclarations
universelles garantissant les droits en question dans un langage occidental,intraduisible dans les idiomes locaux".
Il y a un autre auteur que j'aimerais citer pour conclure .Je le cite d'autant plus volontiers que philosophiquement il se situe très loin de moi
puisqu'il est marxiste.Cet auteur c'est l'écrivain (point vaine...malgré son marxisme!)Jacqueline Lamartinière dont j'aime à évoquer la brochure intitulée : Le noirisme,essai sur la négritude et
son utilisation dans le contexte haïtien.Haïti est cette "première République noire" où l'esclavage n'a jamais disparu,même s'il n'en porte pas le nom,ce qui est peut-être pire.Dans une
perpective marxiste qui n'est pas la mienne,mais qui dans ce cas précis n'en saisit pas moins un aspect important de la réalité de ce malheureux pays elle note que les Duvaliers par exemple ont
assis et perpétué leur pouvoir despotique sur une idéologie noiriste:"Ne votez jamais pour qui est plus clair de peau que vous".
Madame Lamartinière écrit(page 11)"Toutes ces fadaises noiristes n'ont qu'un but : démontrer aux masses,leur faire admettre que le blanc est
l'ennemi ,que le noir est l'ami,qu'elles doivent se laisser diriger de préférence par les noirs,portant ainsi un coup fatal aux revendications populaires et à la lutte des classes".Plus loin
l'auteur évoque le rejet radical de la civilisation occidentale européenne.Elle écrit(page29):"L'idée que la civilisation européenne est responsable du racisme colonial rejoint le rejet de
l'assimilation culturelle de l'occcident chrétien,et se rapproche de l'exaltation du nègre,du vaudou,du créole,dont le but visé est bien clair : remplacer le fouet blanc par le fouet
noir".!
Lecteur ami qui avez eu la patience de suivre jusqu'ici mon effort de vérité,croyez vous que les Persans de Gusdorf,les macoutes haïtiens ont leurs
correspondants,ici,en Guadeloupe,et en Martinique,en la personne de certains de nos distingués commémorateurs?....Moi aussi!
Edouard BOULOGNE.