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4 Octobre 2010
Des hommes et des dieux.
Il m'est extrêmement difficile de parler de ce film, il me semble qu'il n'y ait rien d'autre à dire que «Allez au rendez-vous que nous
fixent ces hommes, une rencontre intense et exigeante aussi bien avec eux qu'avec nous mêmes et avec l'Histoire » Un grand rendez-vous de l'humain avec ce qu'il a de tendresse
et d'angoisse mais aussi de fidélité et de foi. C'est aussi une grande affaire d'honneur.
Nous connaissons tous le propos du film. En mars1996 sept moines cistercien-trappistes du monastère de Tibehirine, dans l'Atlas
algérien, sont enlevés par le GIA. Leur enlèvement est revendiqué par les terroristes le 18 avril. Le 30 mai, leurs têtes sont retrouvées mais leurs corps ont disparus.
L'enquête, qui a tant tardé à être ouverte est, enfin, en cours. Le fait que les moines aient été décapités tend à dédouaner les terroristes et à
faire penser à une opération de l'armée algérienne qui aurait fait disparaitre les corps pour éviter tout rapprochement avec elle. Le secret défense est levé et des témoignages vont pouvoir être
recueillis.
Le film de Xavier Beauvois commence comme un documentaire lent, rythmé par les prières, les chants et le travail des moines. On voit leur vie
frugale et égalitaire, leurs travaux et leurs méditations. Orare et laborare. On s'attache aux pas de chacun des personnages : Père Christian, le prieur (Lambert Wilson) nimbé d'une aura
spirituelle; Père Luc, (Michael Lonsdale) tellement homme mais déjà presqu' ange, le médecin qui passe ses journées à soigner les gens des montagnes et les villageois voisins; Frère
Christophe (Olivier Rabourdin) aux pieds plantés en terre et à la tête secouée par les vents comme ses amis les arbres, qui, lui, soigne boutures, fleurs, fruits et abeilles; Frère Amédée,
(Jacques Herlin) l'ancien à la face lumineuse et à l'œil joyeux qui assiste Père Luc; Frère Célestin (Philippe Laudenbach) malade et angoissé, et trois autres frères dont les personnalités
complètent la communauté soudée et intime de ces hommes. Le monastère est très lié à la vie du village, et le village a besoin des pères. La distinction des rites religieux est estompée par la
confiance et l'appréciation mutuelle. Tous sont sur cette même terre algérienne qu'ils aiment, tous peuvent être les victimes d'un intégrisme aveugle et meurtrier. Tous prient pour les
mêmes êtres aimés. Si Père Luc explique à Rabbia ce qu'est l'amour, et c'est la femme du chef du village qui fait comprendre aux moines ce qu'est la fidélité, alors que certains d'entre eux
pensaient à quitter le monastère. «C'est vous qui êtes les branches et nous sommes les oiseaux» dit-elle.
Quand Frère Christophe torturé par le doute et l'angoisse d'une mort si tangible demande au prieur de l'aider à voir clair en lui, Père
Christian lui répond «La mort... oui, mais ce n'est plus grand chose.. Tu as déjà tout donné.... »
Voilà qui est dit. Ces hommes SONT tout donnés et les moments qu'il leur restent à vivre ne seront que des réitérations successives du
don d'eux mêmes : quand les terroristes envahissent le monastère, quand l'armée algérienne fait une descente, soupçonnant les prêtres de soigner des terroristes, quand un hélicoptère menaçant
tourne au dessus du monastère, quand ils célèbrent la messe et que Frère Christophe, celui qui doutait, dépose l'enfant Jésus dans la mangeoire, sur cette terre déjà ensanglantée.
Je vous laisse à découvrir le diner du Lac des Cygnes, où des plans rapprochés, les seuls du film, nous font nous approprier chacun des frères, dans
la surprise, l'extase, la joie, l'émotion, l'acceptation. Leur dernier diner.
En allant voir ce film, nous rendons aussi hommage aux frères morts en martyrs, parce que hommes d'honneur, de parole, de foi, sûrs qu'ils étaient
de la place ou Dieu les avaient posés, comme des oiseaux protecteurs.
Pourquoi étaient-ils là à ce moment là?
Takashi Nagai, médecin radiologue japonais, avait vu mourir sa femme, deux de ses enfants et tout son voisinage sous le bombardement de
Nagazaki. Ce bombardement devait toucher le cœur de la ville or, la bombe est tombée sur le quartier chrétien. Il a secouru les blessés et a réuni les rescapés dans une maison qu'il a
appelée «Nyokodo» «Aimez les autres comme vous mêmes ». Il consolait les survivants en leur disant : «La bombe est tombé sur nous, chrétiens, pour épargner la vie des
autres.»
Ils étaient là, à ce moment là.
A Thibehirine et à Nagazaki
Voici le testament du Père Christian de Chergé :
«S’il m’arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd’hui - d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers
vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNEE à Dieu et à ce pays [...] Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras
pas su ce que tu faisais, oui, pour toi aussi je le veux, ce MERCI, et cet «A-DIEU» envisagé pour toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu,
notre Père à tous deux.»
Titre : «Des Hommes et des dieux»
Film Français
Réalisateur : Xavier Beauvois
Sortie : 8 septembre 2010
Type : Drame
Durée : 2 heures
Distribution:
Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach, Jacques Herlin, Loïc Pichon, Xavier Maly, Jean-Marie Frin, Abdelhafid
Metalsi...