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10 Mai 2011
Ce 10 mai 2011 le microcosme médiatique bruit de la commémoration du trentième anniversaire de l'accession au pouvoir, en France, de François Mitterrand. A un point tel que sur RCI, ce matin, le jeune historien Frédéric Régent, navré, notait que le dixième anniversaire du vote de la loi dite Taubira, ( sur l'esclavage crime contre l'humanité ) en serait éclipsé. François Mitterrand pourtant, comme Brutus, dans le Jules César de W.Shakespeare, était loin d'être irréprochable!
L'une des tâches du Scrutateur est d'apporter à tous les devoirs de mémoire, la petite « dissonance » sans laquelle, la liberté de pensée est gravement menacée. C'est pourquoi outre le portrait que j'ai consacré à l'homme de Jarnac ( voir l'article à lui consacré dans notre rubrique Figures ) je réédite la lettre ouverte que je lui avais adressée dans Guadeloupe 2000, en 1985. Je ne suis pas l'homme des coups de Jarnac, mais je pense aussi qu'il peut y avoir un devoir d'irrespect, faisant mienne la célèbre formule de Beaumarchais « Sans la liberté de blâmer, il n'y a pas d'éloge flatteur ».
EB.
( François Mitterrand, à droite, décoré de l'ordre de la Francisque par le Maréchal Pétain ).
Lettre ouverte à Monsieur le Président de laRépublique François Mitterrand.
Monsieur le Président,
Vous êtes si j'en crois vos thuriféraires qui le clament de partout un homme cultivé. Peut-être alors vous rappellerez-vous ce message de L'innommable de Samuel Becket : « Cette voix qui parle, se sachant mensongère, indifférente à ce qu'elle dit, trop vieille peut-être et trop humiliée pour savoir jamais dire enfin les mots qui la fassent cesser, se sachant inutile pour rien, qui ne s'écoute pas, attentive au silence qu'elle rompt, par où peut-être un jour lui reviendra le long soupir clair d'avent et d'adieu, en est-elle une ? »
Vous l'avouerai-je, Monsieur, c'est ce texte, beau et navrant à la fois, qui, aux dépens de toute charité chrétienne, régulièrement chassé mais rigoureusement insistant, se surimposait à votre image, à votre voix, l'autre soir à la télévision tandis que vous receviez à l'Elysée la « presse antillaise » et que sous votre regard blasé, vaguement méprisant, fonctionnait avec une sorte de virtuosité frénétique : la brosse à reluire
Je me souviens d'une autre image. D'une image vôtre, en 1981, à la télévision encore, entre les deux tours de l'élection présidentielle.
Vous y insultiez votre adversaire, encore président en exercice, tout tremblant de haine froide. « Mensonge ! mensonge ! » éructiez-vous en regard de chaque argument du programme de Valéry Giscard d'Estaing.
Je ne m'exprimerai pas à votre égard avec une telle crudité. J'ai parfaitement conscience de ma chance d'appartenir à une civilisation, c'est-à-dire à un système particulièrement précieux et fragile d'usages et de fictions que l'on substitue à ces rapports bruts de force et d'humeur qui sont la barbarie, sans jamais toutefois parvenir à les éradiquer complètement. D'où ma réserve respectueuse à l'égard de la fonction politique suprême, même quand elle se réduirait à cette fiction, et alors même qu'elle ne serait plus assumée que par un homme dont la frénésie de puissance aurait été le seul mobile, et qui se retrouverait, à cause d'avoir trop joui, sans âme et sans couleurs, sorte de robot, de Golem, de Zombi.
Enfin ! Monsieur le Président, sans insultes ni colère, quel homme êtes-vous donc ? Il ne m'appartient pas de sonder les reins et les cœurs, mais enfin, au vu de vos actes et de vos paroles, comment voulez-vous qu'on vous croit ? Alain Peyrefitte vous décrit comme « un grand artiste de pyrotechnie qui répand des nuages de fumée ».
Cela est bien vu. Mais je crains que malgré tous les artifices, la réalité ne transperce les plus épais nuages, une réalité qui s'appelle échec. Le vôtre et celui du socialisme. Car vous êtes l'homme de l'échec. Je n'en donnerai qu'un exemple mais capital, celui du chômage.
En 1981, lors de votre face à face avec Valéry Giscard d'Estaing, vous lanciez à votre adversaire : « Votre politique, c'est deux millions et demi de chômeurs en 1985. » Votre politique à vous devait changer tout cela en quelques mois. Or, nous sommes en 1985, et les meilleurs spécialistes avancent un chiffre de chômeurs supérieur à trois millions.
Et l'éminent pyrotechnicien que vous êtes, avoue lui-même à la télévision un chiffre de « deux millions trois cent mille et quelque (sic), la proportion étant plus forte aux Antilles que dans la Métropole ».
Mais vous êtes aussi, Monsieur le Président, l'homme de la démagogie. Les Guadeloupéens ont eu à la télévision le spectacle d'un vieux monsieur parlant devant un aréopage de journalistes extasiés (au fait ! il manquait un courtisan de marque) et déclarant sans sourciller « j'aime les Guadeloupéens, je les aime bien ».
Monsieur, cela manquait de dignité, et pour nous de respect, car maintenant nous sommes des gens quand même plutôt évolués dans l'ensemble et les boniments pour préaux d'école sous la 3e République, cela ne passe plus, cela irrite. Si vous nous aimez tant, pourquoi naguère nous avoir si facilement sacrifié sur l'autel du Programme commun de la gauche au point de contraindre, un temps, à rompre avec vous et le Parti socialiste, un Frédéric Jalton, vite ramené au bercail il est vrai, car ce brave homme est aussi un grand naïf comme le dit gentiment monsieur Lucien Bernier.
Mais vous êtes l'homme de la duplicité, du double langage. Vous dites tout et le contraire de tout. A propos du terrorisme par exemple. A cet égard à la télévision, vous avez tenu le langage de la fermeté : « quiconque recourt au terrorisme aura devant lui la force de la loi, et donc de la répression ».
Mais c'est magnifique, cela, Monsieur, magnifique. maispersonne n'y croit. N'êtes-vous pas l'homme qui en Nouvelle-Calédonie, il y a exactement un an, le 18 décembre 1984 avez déclaré : « Ce n'est pas sous mon septennat que les gouvernements de la République soumettront des populations par la force injuste de la Loi. »
Evidemment, la Loi est perfectible comme toute œuvre humaine, mais parler de « la force injuste de la Loi », c'est récuser l'état de droit, c'est sortir de la civilisation, c'est livrer la vie civile à l'arbitraire de la force, du chantage, du terrorisme, celui du FLNKS, de l'UPLG ou de l'ARC. Maisun tel langage dans la bouche d'un président de la République, gardien des institutions est littéralement stu-pé-fiant, et donne à penser que de plus en plus, derrière le Zombi, la fiction elle-même tend à disparaître. El puis, M. Mitterrand parler comme vous le faites de maintien de l'ordre aujourd'hui, en Guadeloupe, n'est pas sérieux.
En cette période où, pour la seule ville de Pointe-à-Pitre chaque jour voit s'accomplir au minimum un hold-up, et dix agressions, si j'oubliais à qui je parle, je vous dirais comme neuf Guadeloupéens sur dix « ne me faites pas rigoler ». Vous parlez du vœu des populations, évident même pour vous, de rester françaises, comme si votre gouvernement n'avait pas tout fait pour les en décourager.
Faut-il rappeler le laxisme constant à l'égard de la subversion et du terrorisme en Guadeloupe depuis 1981 ?
Faut-il rappeler les contacts pris par les émissaires de ministres importants de votre gouvernement avec Luc Reinette ; l'évasion suspecte de ce dernier et de ses acolytes de la prison de Basse-Terre où ils avaient manifestement été conduits par erreur ?
Vous parlerai-je de l'émission de Bernard Langlois : « Résistances • diffusée en Métropole sur Antenne 2, le 17 octobre dernier ? On y voit et entend le terroriste en cavale Henri Bernard, on y visite un repère de l'ARC en pleine forêt guadeloupéenne, bourré d'armes et d'explosifs, on y voit et entend les militants de l'ARC, certains coiffés de cagoules, d'autres à visages découverts.
D'ordinaire, RFO Guadeloupe est prompte à diffuser tout spectacle subversif. Sur cette émission cependant, silence, black-out total. C'est que les Guadeloupéens pourraient se poser des questions. Celle-ci par exemple : comment des journalistes de passage peuvent-ils trouver si vite, et y pénétrer, un sanctuaire de l'ARC, quand la police et les forces de l'ordre évoluent, nous dit-on, dans le brouillard ?
De deux choses l'une, ou les journalistes en question sont terroristes et complices de terroristes, mais alors... ! ! Ou bien la police qui sait à quoi s'en tenir a pour ordre de ne rien faire et de laisser pourrir. Dans tous les cas qui sont les vrais coupables ? Je ne nomme personne, mais suivez mon regard, et ne sourcillez pas, je vous prie.
Monsieur le Président, en mars 1986, huit Français sur dix mettront dehors le parti qui vous soutient. La constitution de la 5ème République vous donne le droit de rester à l'Elysée jusqu'en 1986 : vous savez le prix que j'accorde au droit, aux usages et aux précieuses fictions qui constituent la civilisation. Je serais donc enclin avec Jacques Chirac à me résigner à une cohabitation.
Mais, soyons sincères. Pour l'honneur de la France, et pour votre tranquillité, votre départ serait préférable. Vos « amis » eux-mêmes pensent comme moi. Ils ne vous le diront pas (tout homme à sa fierté et nul n'aime à reconnaître avoir été floué) mais ils n'en pensent pas moins ; même Jalton, même Dagonia, et même. . . (malheureux ! Quel nom a failli jaillir de ma bouche !).
Alors, monsieur Mitterrand, pour la France, pour la Guadeloupe, et pour vous-même, pour l'obtention éventuelle de la miséricorde de Dieu nous vous en prions : Partez, Partez, P.A.R.T.E.Z.
Edouard Boulogne.
Novembre 1985