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7 Juin 2020
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA GUADELOUPE
N°2000422 ___________
M. Philippe MAZEAS ___________
Ordonnance du 5 juin 2020 ___________
D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le président du tribunal,
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2020, M. Philippe Mazeas demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au maire de la commune de Saint-Claude d’ouvrir les écoles maternelles et primaires de la commune dès le mois de juin.
Il soutient que le fait d’empêcher les enfants de suivre une scolarité présentielle porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l’éducation et est contraire aux directives gouvernementales, surtout que cette décision intervient après deux mois de grève des enseignants.
La requête a été communiquée au préfet de Guadeloupe et au recteur de l’académie de la Guadeloupe qui n’ont pas présenté d’observations.
Par lettres du 2 juin 2020, le tribunal, en application de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, a informé les parties qu’il sera statué sans audience publique et a fixé la clôture de l’instruction au 5 juin 2020 à 12 heures.
Vu : - les autres pièces du dossier ; - le code de justice administrative.
1.Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
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2. En l’espèce, M. Philippe Mazeas demande au juge des référés, sur le fondement de ces dispositions, d’enjoindre au maire de la commune de Saint-Claude d’ouvrir les écoles maternelles et primaires de la commune dès le mois de juin.
Sur les circonstances :
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu, un accueil étant toutefois assuré, dans des conditions de nature à prévenir le risque de propagation du virus, pour les enfants de moins de seize ans des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire, notamment dans les établissements d’enseignement scolaire. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être ordonnées par le représentant de l’Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par des arrêtés des 17, 19, 20 et 21 mars 2020.
4. Par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid19, a été déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national, prorogée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus par la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Par un nouveau décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, le Premier ministre a réitéré les mesures qu’il avait précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires.
5. Enfin, par le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 ci-dessus visé, le Premier ministre a abrogé le décret du 23 mars 2020, à l’exception de son article 5-1 relatif aux collectivités d’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, et a adopté de nouvelles dispositions. Il a notamment, au I de l’article 10 de ce décret, autorisé l’accueil des usagers dans les écoles maternelles et élémentaires ainsi que les classes correspondantes des établissements d’enseignement privé, dans des conditions de nature à permettre le respect des règles d’hygiène et de distanciation sociale définies au niveau national pour ces établissements en application de l’article 1er du même décret. En vertu du III du même article, un accueil demeure assuré par les mêmes établissements au profit des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire et à la continuité de la vie de la Nation. Ces dispositions ont été reprises à l’article 12 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020. Sur le cadre juridique :
6. D’une part, la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a introduit dans le titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique un chapitre Ier bis relatif à l’état d’urgence sanitaire, comprenant les articles L. 3131-12 à L. 313120. Aux termes de l’article L. 3131-12 : « L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire (…) en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa
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gravité, la santé de la population. » Aux termes du I de l’article L. 3131-15, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut notamment, aux seules fins de garantir la santé publique : « 1° Règlementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ; 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; 3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées ; 4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ; 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature (…) ». L’article L. 3131-16 donne compétence au ministre chargé de la santé pour « prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, à l'exception des mesures prévues à l'article L. 3131-15, visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-12 », ainsi que pour « prescrire toute mesure individuelle nécessaire à l'application des mesures prescrites par le Premier ministre en application des 1° à 9° du I de l'article L. 3131-15.». Enfin, aux termes du I de l’article L. 313117 : «Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures mentionnées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces dispositions./ Lorsque les mesures prévues aux 1°, 2° et 5° à 9° de l'article L. 3131-15 et à l'article L. 3131-16 doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, les autorités mentionnées aux mêmes articles L. 3131-15 et L. 313116 peuvent habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. ».
7. L’article 12 de ce dernier décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire dispose que : « I. - L’accueil des usagers dans les établissements d’enseignement relevant du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation ainsi que dans les services d’hébergement, d’accueil et d’activités périscolaires qui y sont associés, est autorisé pour les seuls établissements et selon les modalités mentionnées ci-après : 1° Dans les écoles maternelles et élémentaires ainsi que les classes correspondantes des établissements d’enseignement privés ; (…) L’accueil des usagers est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des règles d’hygiène et de distanciation sociale définies pour les établissements mentionnés au I en application de l’article 1er du présent décret. / Dans les écoles maternelles, dès lors que par nature le maintien de la distanciation physique entre le professionnel concerné et l’enfant n’est pas possible, le service ou le professionnel concerné met en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus. II. - Dans les établissements mentionnés au I, le port du masque de protection répondant aux caractéristiques techniques fixées par l’arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget mentionné au K bis de l’article 278-0 bis du code général des impôts est obligatoire pour les collégiens lors de leurs déplacements et pour les personnels de ces établissements lorsqu’ils sont en présence des élèves. Dans les établissements mentionnés au 1° du I, les élèves des écoles élémentaires présentant des symptômes liés au virus, portent un masque de protection répondant aux mêmes caractéristiques techniques, jusqu’au moment de la prise en charge hors de l’école. - III. - Un accueil est assuré par les établissements mentionnés au 1° et 2° du I au profit des enfants âgés de trois à seize ans des personnels
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indispensables à la gestion de la crise sanitaire et à la continuité de la vie de la Nation. (…) V.- Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. (…)». L’article 15 précise également que « Dans le respect des compétences des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, le représentant de l’Etat y est habilité à adapter les dispositions mentionnées aux articles 11 et 12 lorsque les circonstances locales l’exigent ».
8. Au titre de ses pouvoirs de police sanitaire, l’Etat a pris des mesures générales visant à gérer la catastrophe sanitaire que représente l’épidémie de covid-19 et s’appliquant, dans un objectif de cohérence et d’efficacité, à l’ensemble du territoire concerné. L’évolution de la situation sanitaire et les nouvelles données scientifiques disponibles ont permis un déconfinement progressif. C'est dans ce cadre que l’Etat a décidé de modifier les équilibres antérieurement retenus dans les intérêts en présence entre, d’une part, celui de la santé et, d’autre part, notamment, ceux liés au droit à l’éducation ou à la lutte contre les inégalités sociales. Il a en conséquence décidé de mettre fin à la suspension de l’accueil des usagers de certains établissements scolaires, avec des dates différées dans le temps et en en fixant strictement les modalités, la date du 11 mai ayant été retenue pour les écoles élémentaires et maternelles. Le Président de la République, lors de son adresse aux français du 13 avril 2020, avait déjà annoncé qu’à partir du 11 mai 2020 les écoles allaient rouvrir progressivement, ainsi que par la suite, les collèges et les lycées. Les modalités des conditions d’ouverture ont été détaillées par voie de circulaire ministérielle, comme celle du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse du 4 mai 2020, publiée au bulletin officiel de l’éducation nationale du 7 mai 2020, préconisant notamment à cet égard, au demeurant, une réouverture progressive des classes, par rotations de petits groupes, fixés à 10 pour les écoles maternelles. Elles ont également été définies, très précisément, par un protocole sanitaire détaillé dénommé « Guide relatif à la réouverture et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires » réalisé par ce ministère, qui précise d’ailleurs reposer sur les prescriptions émises par le ministère des solidarités et de la santé.
9. Par une instruction du 6 mai 2020, le Premier ministre a défini la mise en œuvre territoriale du déconfinement à compter du 11 mai 2020, et a préconisé la mise en place d’un dialogue entre l’Etat et le maire en cas de refus de ce dernier d’autoriser à nouveau l’accueil des usagers des écoles, afin d’évaluer l’impossibilité d’accueillir dans les locaux de la commune un nombre même très réduit d’élèves, soit à raison de la configuration des locaux scolaires, soit à raison de l’impossibilité de réaliser dans les délais les opérations préalables de nettoyage ou d’assurer l’entretien régulier des locaux. Le diagnostic sanitaire territorial établi sur les indicateurs syndromiques d’évolution de l’épidémie, la capacité de l’offre de soin et la capacité ont conduit le gouvernement à classer le département de la Guadeloupe en niveau de vigilance « vert », permettant ainsi que les écoles puissent ouvrir pour la rentrée scolaire du 18 mai dernier.
10. D’autre part, aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (…) ». Aux termes de l’article L. 2122-2 du même code : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».
11. Par les dispositions citées au point 6, le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l’Etat mentionnées aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 la compétence pour édicter, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l’épidémie de covid-19, en vue, notamment, d’assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l’évolution de la
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situation. Les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, cités au point 10, autorisent le maire, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Le maire peut, le cas échéant, à ce titre, prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat. En revanche, la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat.
Sur l’office du juge des référés et les libertés fondamentales en jeu :
12. Dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.
13. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l’action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai. Ces mesures doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu’aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Sur le fondement de l’article L. 521-2, le juge des référés peut ordonner à l’autorité compétente de prendre, à titre provisoire, des mesures d’organisation des services placés sous son autorité, dès lors qu’il s’agit de mesures d’urgence qui lui apparaissent nécessaires pour sauvegarder, à très bref délai, la liberté fondamentale à laquelle il est gravement, et de façon manifestement illégale, porté atteinte. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.
14. Il résulte des dixième et onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. L'égal accès à l'instruction, garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958, et confirmé par l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la privation pour un enfant de toute possibilité de bénéficier d'une scolarisation ou d'une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d'assurer le respect de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction, qui est obligatoire dès l’âge de trois ans, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte, d'une part, de l'âge de l'enfant, et d'autre part, des diligences accomplies par l'autorité administrative compétente, au
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regard des moyens dont elle dispose. Cette liberté doit, cependant, être conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
Sur la demande en référé :
En ce qui concerne la condition d’urgence :
15. La décision du maire de Saint-Claude, révélée par le défaut d’ouverture des écoles et dont les motifs apparaissent dans un communiqué de presse en date du 8 mai 2020 porte indéniablement une atteinte immédiate au droit à l’éducation et à l’instruction. Il n’apparaît pas, notamment pour les motifs qui constituent le fondement de cette décision, telles qu’elles figurent dans ce communiqué, qu’un intérêt public suffisant s’attache à son maintien. La condition d’urgence prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est, par suite, remplie.
En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale
16. La décision du maire, telle qu’elle est explicitée du communiqué précité, rappelle qu’à la date du 11 mai 2020 les prescriptions du protocole sanitaire préconisé par l’Etat sont impossibles à mettre en œuvre compte tenu de leur complexité et du faible préavis donné aux communes. Toutefois, il ne ressort pas du dossier que depuis cette date, la commune de SaintClaude ait pris des dispositions pour se plier à ces exigences, ni qu’elle ait été dans l’impossibilité de respecter le protocole sanitaire imposé par le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse qui conditionne l’ouverture des écoles. Si la décision du maire de Saint-Claude se fonde également sur un possible engagement de sa responsabilité, d’une part, il entre précisément dans ses attributions d’assumer ces dernières et d’autre part, une telle mise en cause reste hypothétique.
17. Ainsi qu’il a été déjà dit précédemment, si l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’usage par le maire de son pouvoir de police générale pour édicter des mesures de lutte contre cette épidémie est subordonné à la double condition qu’elles soient exigées par des raisons impérieuses propres à la commune et qu’elles ne soient pas susceptibles de compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, plus particulièrement au titre de sa stratégie de « déconfinement ».
18. Il résulte de ce qui précède que l’Etat a mis fin à la suspension de l’accueil des usagers dans les établissements qui avait été édictée. La circulaire du 4 mai 2020 du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a privilégié l’accueil, notamment, des enfants de section de maternelle et des écoles élémentaires, se bornant à renvoyer à une exigence de souplesse dans les modalités retenues par les communes, afin de tenir compte des circonstances locales. Le maire peut ainsi, sur le fondement des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, y compris en période d'état d'urgence sanitaire, prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l'Etat. Il peut ainsi, par une conciliation des intérêts en présence, et plus particulièrement, d’une part, ceux de la santé et, d’autre part, ceux tendant à la lutte contre les inégalités ou au respect au droit à l’éducation et à l’instruction et à la nécessité qui en résulte de poursuivre la continuité pédagogique, mettre en place des mesures s’inscrivant, notamment, dans les diverses modalités, particulièrement détaillées, du protocole sanitaire ou encore, le cas échéant, tendant à porter une attention particulière aux élèves en situation de handicap et à ceux dont les familles ne peuvent assurer une instruction à domicile leur permettant
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d’acquérir les apprentissages nécessaires, malgré le fait qu’une continuité pédagogique a été mise en place en distanciel compte tenu de l’importance que revêt l’école dans une commune se trouvant en zone de réseau d’éducation prioritaire simple et renforcée et connaissant un taux élevé de difficultés et d’échecs scolaires.
19. L’état général des connaissances sanitaires ou la situation du département de la Guadeloupe, au demeurant classé en zone de vigilance verte, ne justifient pas l’existence de raisons impérieuses spécifiques justifiant la fermeture complète des écoles maternelles et élémentaires de la commune, ni d’ailleurs de celles des autres communes de l’archipel, cette dernière ne se prévalant d’aucune circonstance sanitaire particulière. La commune, qui n’a pas cherché, notamment par une insuffisante anticipation, à prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, n’apporte aucune précision sur les raisons pour lesquelles elle ne pourrait respecter le protocole sanitaire, à raison, par exemple, de la configuration des locaux scolaires ou de l’impossibilité de réaliser les opérations préalables de nettoyage ou d’assurer l’entretien régulier des locaux, se bornant à cet égard à faire simplement état de ses difficultés d’approvisionnement en masques, ou produits nettoyants, désinfectants ou virucides.
20. Ainsi, alors que l’égal accès à l’instruction est garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958 et que ce droit, confirmé par l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est en outre rappelé à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, qui énonce que «le droit à l'éducation est garanti à chacun» et enfin qu’en vertu de l’article L. 212-4 du même code « La commune a la charge des écoles publiques », la décision litigieuse porte une atteinte grave et manifestement illégale à l’exercice du droit à l’éducation garanti par les dispositions constitutionnelles, conventionnelles et législatives rappelées. Par suite, les conditions n’étaient manifestement pas réunies, en l’espèce, pour que le maire de Saint-Claude puisse légalement édicter une décision de maintien de fermeture des écoles maternelles et élémentaires sur le fondement de son pouvoir de police générale ou des pouvoirs propres qui lui sont impartis.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du maire de Saint-Claude qui porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’éducation et à l’instruction justifie que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative et enjoigne au maire de la commune de Saint-Claude, d’ouvrir les écoles maternelles et élémentaires, publiques et privées, de sa commune dans un délai de trois jours à compter de la notification de la présente ordonnance, en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, dans le respect des prescriptions du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 et telles qu’elles auraient déjà dû l’être. Il y a lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte dont le montant sera fixé à 1 000 euros par jour de retard passé un délai de trois jours date au-delà duquel les établissements scolaires maternels et élémentaires, publics et privés devront être en mesure d’accueillir les élèves.
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O R D O N N E :
Article 1er : Il est enjoint au maire de la commune de Saint-Claude de procéder dans un délai de trois jours à compter de la notification de la présente ordonnance, à la réouverture des écoles maternelles et primaires de la commune, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai dans les conditions mentionnés dans la présente ordonnance.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Philippe Mazeas, à la commune de SaintClaude, au préfet de la Guadeloupe et au recteur de l’Académie de la Guadeloupe
Fait à Basse-Terre, le 5 juin 2020.
Le président,
signé
D. Sabroux
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme L’adjointe au greffière en chef
Signé A.Cétol