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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

(I) Court topo sur l'esclavage sa nature, son histoire et … son actualité. (par Edouard Boulogne). (Première partie)

1) Image d'Epînal de l'abolition de 1848. 2) Victor Schoelcher.
1) Image d'Epînal de l'abolition de 1848. 2) Victor Schoelcher.

1) Image d'Epînal de l'abolition de 1848. 2) Victor Schoelcher.

Court topo. Court ? Je souris, car aujourd'hui l'on perd le goût et le sens de la lecture en dehors des SMS. Mais court quand même au regard de ce qu'il y aurait à dire sur ce phénomène tellement ancien qu'est l'esclavage. Cet article est le texte d'une conférence que j'avais prononcée en la ville du Mans, en juillet 1999, à l’occasion d’un colloque organisé par l’association Renaissance Catholique, sur le thème de la repentance. Ce texte sera t-il lu ? J'ose le parier. Ou alors ?

L'actualité de ces jours (fin mai 2020) consacrée à commémoration des abolitions de l'esclavage dans les territoires d'outre-mer, en 1848, me conduit à rééditer le texte de cette conférence. Sa lecture pourrait être utile à certains de ces jeunes violents qui, en Martinique viennent de s'en prendre au symbole qu'est devenu Victor Schoelsher dans une vision racialiste du monde, abondamment utilisée, notamment pae ceux qui clament que « les races n'existent pas.

Hélas ! Tout donne à penser qu'ils ne le liront pas, car il y a un moment dans les groupuscules pseudo révolutionnaires, où la propagande a dévoré dans les cerveaux, les petites cellules grises, chères à Hercule Poirot, laissant en lieu et place un vide sidéral. (LS)

 

L'esclavage, nature, histoire, et … actualité.

 

Mesdames, messieurs,

 

L'Afrique est le "continent noir".

Mais il existe, aussi, dans le monde, une importante diaspora noire.

En Europe, certes, du fait des phénomènes migratoires des quarante dernières années principalement, mais surtout, pour des raisons historiques plus anciennes, aux Etats-Unis et au Brésil, et dans tout l'archipel des Antilles; dans l'arc antillais, des Bahamas et de Cuba au nord, jusqu'à Tobago et Grenade, au sud, en passant par les îles françaises: les départements d'outre-mer, la Guadeloupe et la Martinique.

Les populations amérindiennes d'autrefois en ces régions ont presque totalement disparu. Les Européens, qui s'y substituèrent de façon parfois brutale, ont très vite fait appel pour la mise en valeur de ces contrées, continentales ou insulaires à des populations d'hommes de race noire?

Ces hommes furent des esclaves.

Des sociétés, parfois des civilisations, d'un incontestable raffinement à certains égards, comme dans le sud des USA,ou dans la St-Domingue du 18 ème siècle se développèrent, où les distinctions hiérarchiques ne s'effectuèrent pas seulement sur des critères de mérite, ou les critères sociaux ordinaires, mais sur celui de la race.

Les Européens, petits blancs, ou riches propriétaires terriens étaient en haut. Les noirs étaient en bas.

Il y a cent cinquante et un ans que l'esclavage a été aboli sur l'ensemble des territoires français, mais l'ancien ordre des choses a laissé des traces, même s'il n'y a pas aux Antilles françaises, par exemple, un problème noir comme aux Etats-Unis où il est loin d'être réglé.

Je suis originaire de la Guadeloupe; ma famille y est fixée depuis les débuts de la colonisation. Je sais de quoi je parle, ayant partie liée avec ces îles de Guadeloupe et de Martinique, et avec leurs habitants, toutes ethnies confondues.

Il y est de bon ton, du moins dans certains milieux, de mettre en accusation l'Europe, la chrétienté, le monde blanc.

A titre d'exemple, permettez moi de vous lire cet extrait d'un article paru le 14 mai 1998 (c'était l'année de la commémoration du cent cinquantenaire de la seconde abolition de l'esclavage) dans un journal de la presse locale :"L'esclavage fut un crime. Un crime parfait. Parfait parce qu'impuni comme dans les films policiers. Impuni, ignoré, méconnu par l'histoire. L'Europe a organisé un génocide par déportation, sans qu'aujourd'hui encore, les historiens ne parviennent à s'accorder sur le nombre des victimes. L'unité d'incertitude est le million de morts, quand aujourd'hui les médias parlent de génocide pour quelques milliers seulement. Comble d'ironie, c'est la même Europe qui s'auto-congratule pour avoir supprimé la monstruosité qu'elle avait enfantée. S'il existait alors un prix Nobel, un Européen l'eut obtenu au titre de l'abolition. L'esclavage fut non seulement un crime, mais un crime crapuleux. Crapuleux car motivé par l'appât du gain (.....) Crime prémédité pour lequel aucune circonstance atténuante n'est envisageable, dès lors que le système s'est forgé une doctrine qui privait l'homme noir de son humanité(....)Quant à l'Eglise catholique, apostolique et romaine ,complice ,idolâtre aujourd'hui encore d'un Dieu de toute blancheur, elle alla jusqu'à priver les esclaves de leur âme. Et pour cause. C'est au prix de leur sang qu'elle obtenait le rouge de la pourpre romaine de ses cardinaux, et avec l'équivalent de leurs dents en or (sic) qu'elle coulait les calices dans lesquels le clergé buvait son meilleur vin", etc, etc.

L'outrance d'un tel propos, ne représente pas certes, l'opinion générale. Mais elle vise cette opinion, elle joue sur les rancunes et ressentiments hérités de l'histoire, comme elle le fait ailleurs, et ici même en Europe, puisque analyser cette subversion intellectuelle, et réfléchir aux moyens de la contrecarrer est l'objet même de ce colloque.

Indéfiniment répété, sous des formes multiples, et souvent plus subtiles, destiné à opposer deux camps, celui des bourreaux et celui des victimes, celui des purs, et celui des impurs, celui des noirs et celui des blancs, des colonialistes, un tel propos a de quoi agacer, exaspérer. La manœuvre est très claire, il s'agit de créer la mauvaise conscience des uns, qui s'étant reconnus, selon les critères de cette fin de siècle: -"criminels contre l'humanité"-, n'auront plus qu'à filer doux, à verser les dédommagements financiers, indéfinis, que leur réclameront, en parfait accord avec leur conscience de supposées victimes, les autres, les damnés de la terre !

Il importe donc de réagir contre l'intimidation pour la vaincre.

Mais la réaction pour être efficace doit éviter de donner dans l'humeur, et l'indignation même justifiée. Elle doit accepter, et rechercher, la confrontation d'idées, elle doit aller chercher l'adversaire sur le terrain où il prétend être passé le maître, celui de l'information historique, terrain qui lui a trop longtemps été abandonné depuis plus de deux siècles que l'occident est entré dans cette crise intellectuelle et spirituelle qui le ronge, dans cet antichristianisme systématique qui est l'aliment principal de l'idéologie actuellement dominante.

 

*Bref rappel historique.

 

Il n'est pas évidemment pas question, dans le cadre de cet exposé de proposer un panorama détaillé d'histoire de l'esclavage, mais il n'est peut-être pas inutile de rappeler que ce phénomène universel constitua peut-être dans des temps très anciens une sorte de progrès! Dans ces temps archaïques, l'homme en proie à l'urgence du besoin ne faisait pas de quartiers. Dans la lutte des clans et des hordes, le vaincu était mangé sans autre forme de procès. L'esclavage survint quand le vainqueur perçut le vaincu comme un instrument de sa propre survie, il lui laissa la vie à condition qu'il se mit à son service.

Tellement ancien, l'esclavage est aussi multiforme. Il existait chez les Hébreux, et il en est question dans la Bible. Les spécialistes de la question ont parlé pour le caractériser d'esclavage symbiotique. Il s'agissait d'un esclavage doux. les faibles abdiquaient leur liberté entre les mains d'un plus fort en se mettant à son service moyennant protection. Il y avait même des devoirs réciproques, et si le maître n'était plus capable d'assumer ses devoirs de protection, l'esclave retrouvait sa liberté.

Différent est "l'esclavage cheptel", qui apparaît dans l'ancienne Egypte, et prendra plus tard en Grèce et surtout à Rome une ampleur et une dureté beaucoup plus grandes. Le terme "esclave" recouvre souvent des réalités ou des statuts très variés. Les plus nombreux sont des quasi bêtes de somme, mais il faut compter avec des "serviteurs" bien mieux traités, et même avec des esclaves intellectuels, respectés, et souvent affranchis par leurs maîtres, comme par exemple le philosophe stoïcien Epictète. Le christianisme, et parallèlement, quoiqu'à un moindre degré le stoïcisme, introduisirent dans la morale universelle un principe nouveau qui bouleversa les données de notre problème. Dans son essence, il subvertit le principe même de l'esclavage, puisque tout homme, de toute origine, ethnique, raciale, religieuse, etc, est une personne humaine, créée à l'image de Dieu, ayant droit au respect, et à l'amour, et ne peut être traité comme une chose, un bien négociable. Dès la fin de l'empire romain, la situation allait s'adoucissant ; et au moyen âge, l'ancien esclavage disparaîtra peu à peu sous l'action lente et patiente de l'Eglise catholique."A cette époque, l'Eglise, écrit Maurice Lengellé[i] était parvenue à imposer son point de vue et ses membres poursuivaient l'œuvre amorcée par les réformateurs romains. Le cas échéant, elle n'hésitait pas à jouer de cette arme redoutable : l'excommunication(....)Lorsqu'on lui en faisait don, l'Eglise donnait au captifs les mêmes droits que les hommes libres et les établissaient sur ses terres".

Car s'il faut écarter les rêveries idylliques et autres bergeries-les conditions économiques et le degré peu élevé de développement technique rendent la vie quotidienne très difficile pour tout le monde, y compris les seigneurs-, le servage du moyen âge n'est pas l'esclavage de l'antiquité. La grande médiéviste Régine Pernoud écrit "il n'y a aucune mesure entre le servus antique, l'esclave, et le servus médiéval, le serf. Car l'un est une chose, l'autre est un homme".2

Hélas! l'esclavage peu à peu supprimé sur la terre d'Europe va refleurir en Amérique, et, en partie sous la férule européenne. Régine Pernoud y voit notamment une conséquence de la perte d'influence du christianisme en Europe et d'un retour en force dans la culture européenne du paganisme antique en ces temps paradoxalement dénommés "Renaissance", et dans l'âge classique. La "traite des nègres" va commencer, le commerce triangulaire, et, pour madame Pernoud "il parait hors de doute que le regain d'influence de l'Antiquité a joué pour justifier cet injustifiable commerce". La traite, l'esclavage en Amérique et aux Antilles va commencer. C'est l'époque des grands voyages et de la propagation des grandes utopies et des grands rêves souvent si meurtriers qui périodiquement s'emparent de l'imaginaire humain. Des Européens mal à l'aise chez eux, des aventuriers aussi, se prirent à rêver du pays d'El Dorado, un roi mythique qui, nu, le corps oint de corps gras, se roulait, disait-on, dans de la poudre d'or. Départ donc vers les rives enchantées, que le poète traduit en vers inoubliables :

"Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,

Fatigués de porter leurs misères hautaines,

De Palos, de Moguer, routiers et capitaines,

Partaient ivres d'un rêve héroïque et brutal."

 

*La traite atlantique.

 

Il est hors de question d'entrer aujourd'hui dans les détails d'un énorme phénomène commercial et humain (ou inhumain si l'on préfère) qui a duré près de cinq siècles Pour cela, on se référera très utilement aux ouvrages remarquables et très à jour de François Renault et Serge Daget, considérés comme les meilleurs spécialistes de la question, ou encore l'excellent petit livre d'Olivier Pétré-Grenouilleau sur La traite des noirs, ou encore au livre d'un père jésuite africain Alphonse Quenum : Les églises chrétienne et la traite atlantique du 15 ème au 19 ème siècle

Qu'a été la traite? "Une somme d'opérations préparatoires à des tractations commerciales officielles ou privées, dans la dimension d'une activité économique régionale, interrégionale, partout inter ethnique, finalement internationale et collective."(Renault-Daget).

Elle a consisté à transporter de la main d'œuvre servile d'origine africaine, depuis les côtes africaines, en gros des îles du Cap Vert et du Sénégal jusqu'à l'Angola bien plus au sud, jusqu'en Amérique et aux Antilles, dans des conditions difficiles et terribles.

Les spécialistes distinguent trois grandes périodes :

-De 1440 à 1640 : où l'Espagne a le monopole de la traite qui n'est cependant qu'un petit élément d'un commerce plus vaste et diversifié.

-De 1640 à 1807 : C'est l'apogée de la traite négrière, dont les grandes nations européennes se partagent où se disputent les bénéfices : l'Angleterre, la France, l'Espagne, le Portugal. Bénéfices réels, sinon l'on ne voit pas pourquoi ce commerce particulier se serait poursuivi si longtemps mais beaucoup moins mirobolant que les historiens le disaient jadis. Renault et Daget le démontrent minutieusement dans l'ouvrage cité plus haut.

-De 1807 à 1870, c'est le déclin de la traite qui n'en finit pas d'agoniser, malgré la répression active dont elle fait l'objet d'abord de la part de l'Angleterre, puis de la France, après ses abolitions successives dans divers pays et d'abord, ici encore l'Angleterre en mars 1807, puis la France en 1814 par Louis 18, acte confirmé en 1815,pendant les cent jours par Napoléon 1er.

Combien d'hommes ont été transportés ainsi, "d'une plage à l'autre" comme disait un armateur Nantais de l'époque qui voulait faire de l'esprit ? Daget-Renault qui se livrent à de savantes recherches sur les archives dont l'essentiel est en Europe et particulièrement en France écrivent : "En 400 ans la traite négrière opère une ponction démographique que les dernières synthèses chiffrées placent entre douze et quatorze millions d'Africains".

Comment s'effectue la traversée ? Sans avoir recours aux descriptions forcément exagérées des abolitionnistes du 19 ème siècle ou des scénaristes de films anti occidentaux d'aujourd'hui, on peut penser qu'elle est difficile, voire terrible. "Les marins professionnels qui entouraient Christophe Collomb à son premier voyage de découverte, suaient d'angoisse après trois semaines de navigation sans avoir vu la terre(...).Qu'en peut-il être de ces nègres, des terriens? Que vivent-ils, par dizaines, par centaines dans les volumes clos de navires roulant et tanguant sous la chaleur des latitudes équatoriales, et tropicales, soumis un mois, deux, et parfois trois mois aux calmes de la mer qui brisent la navigation, ou à des tempêtes interminables?(....)Ils prennent l'air tous les jours, par roulements. L'équipage en profite pour "parfumer" l'entrepont.(.....)Puis on les reconduisait à leurs déjections, vomissures, relents de "flux intestinaux, etc"(Renault-Daget).Ajoutons que certains règlements permettait un taux d'entassement de trois individus par tonneau de jauge d'un navire, c'est-à-dire dans un volume de 1,44 m3.On admettra donc volontiers, pour parler par euphémisme, que "la traite, ce n'est pas beau" !

!

*L'esclavage en Amérique et aux Antilles.

 

Je voudrais maintenant dire quelques mots de l'esclavage lui-même. Quelques mots, car là non plus il n'est pas possible d'être exhaustif sur une institution complexe et multiforme, qui a beaucoup varié dans l'espace et dans le temps, qui ne fut pas la même aux Etats-Unis, en terre espagnole, britannique, ou française. Il existe d'ailleurs, au milieu d'une littérature fantaisiste, et/ou militante, des ouvrages rigoureux et bien fait comme la thèse de monsieur Gabriel Debien sur Les esclaves aux Antilles françaises.

L'esprit de vérité oblige à dire que la vie dans les plantations n'était pas tous les jours à tout moment et pour tous, ce que nous en montrent les images d'Epinal des abolitionnistes, justifiées certes par la noblesse de la fin poursuivie, mais qui enfin sont des images de combat, non des reportages sur le quotidien, pas plus que les textes de Montesquieu de Voltaire(lequel avait d'ailleurs des actions dans le commerce triangulaire), du père Dutertre, de Schoelcher, etc. Si vénérables soient-ils, par la finalité de leur engagement, ces textes sont des textes de combat, que l'historien épris de vérité doit donc lire comme tels.

Qu'un maître ait pu fouetter son esclave au sang, saler et pimenter les plaies, lui chauffer le dos et lui faire crever les pustules par un chat, cela est possible, atroce, mais porte la marque d'un esprit déréglé. On a vu pire dans les camps nazis et le Goulag communiste.

Mais que tous les maîtres aient agi ainsi quotidiennement relève du délire. Le simple calcul économique les eut empêchés de saborder leur matériel de travail. Ils raisonnaient au moins comme Caton l'ancien dont on disait "il est doux et humain avec ses esclaves par spéculation". Et c'est Victor Schoelcher, si justement sévère pour l'esclavagisme, qui tempère son propos par cette remarque que : "l'idée générale de la douceur relative avec laquelle les Français traitaient leurs esclaves est admise par tous ceux qui se sont préoccupés de ces questions".

Dans un ouvrage publié en 1948, l'historien Gaston Martin, professeur à la faculté des lettres de Bordeaux, écrit : "il est malaisé d'atteindre à la vérité sur le sort habituel des esclaves. Les mémoires des Chambres et généraux de commerce sont délibérément optimistes. Les réquisitoires des anti esclavagistes, qui se multiplieront à partir de la paix de Paris, ont tendance à ériger en règles des cas extrêmes de sévices, dont certains correspondent à des récits exacts, mais cités par les narrateurs de première main comme des cas isolés, particulièrement odieux et frappants, non comme des pratiques habituelles".

Il existe un texte extrêmement instructif, sur l'esclavage, du moins dans les anciennes colonies françaises, publiée en 1685,rédigé sur les instructions et le contrôle de Colbert, c'est le Code Noir.

Lisons-en quelques articles.

L'article 2 d'abord : « Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique apostolique et romaine "ils seront "instruits et baptisés dans le temps convenable".

Notons au passage que l'Eglise ne pouvait pas à la fois considérer les esclaves comme des bêtes, ainsi que l'affirmait le journaliste que j'ai cité en commençant, et, en même temps les baptiser et les instruire.

L'article 9 enjoint le respect du dimanche et interdit le travail des esclaves ce jour là.

L'article 9 prescrit de lourdes amendes pour les hommes libres et mariés qui auront eu des enfants d'une concubine esclave. Les enfants leurs seront confisqués et ne pourront être affranchis. Le même article toutefois précise : "N'entendons toutefois le présent article avoir lieu, lorsque l'homme libre qui n'était point marié à une autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par l'Eglise sa dite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les esclaves rendues libres et légitimes".

Les articles 22 à 25 précisent avec minutie les devoirs des maîtres envers leurs esclaves en matière de nourriture et de vêtements.

L'article 26 prescrit : "Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres selon que nous l'avons ordonné par ces présentes pourront en donner l'avis à notre procureur général et mettre les mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d'office, si les avis lui en viennent d'ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais, ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves".

Et l'article 27 stipule : "Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et entretenus par leur maître ; et en cas qu'ils les eussent abandonnés, les dits esclaves seront adjugés à l'hôpital ; auquel les maîtres seront condamnés de payer six sols par chacun jour pour la nourriture et entretien de chaque esclave".

On voit donc que les esclaves du moins en territoire français n'étaient pas livrés à l'arbitraire le plus complet. A quoi l'on peut objecter qu'il eut mieux valu qu'il n'y eut pas d'esclavage, (ce qui pour nous aujourd'hui en 1999,est certes une belle évidence), et que de la coupe aux lèvres il y a une certaine distance. La justice des hommes est ce qu'elle est et les plus beaux textes ne sont pas tous toujours appliqués à la lettre.

Et puis il y a d'autres articles du Code Noir.

Par exemple l'article 33 "L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort".

L'article 38 est lui aussi très dur : "L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lis sur une épaule ; et s'il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d'une fleur de lis sur l'autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort."

Le tableau on le voit est contrasté, et la vie n'est pas toujours très douce au royaume des plantations. mais enfin il faut situer les excès eux-mêmes dans leur temps, -non pour les excuser mais pour mieux comprendre et éviter cette faute grave de méthode, le péché capital en histoire : l'anachronisme.

Par exemple, en France, le supplice atroce de la roue est alors encore pratiqué. En Angleterre, sous le règne de Georges 3, qui s'acheva en 1810,pas moins de 170 délits étaient passibles de la peine de mort. En 1735,dans le Middlesex, Mary Bottom, âgée de huit ans est condamnée à mort et exécutée parce que soupçonnée de vol. En 1531,le Parlement donne son accord pour faire bouillir vivants certains criminels. Les flagellations publiques sont encore fréquentes en Europe et en Angleterre en 1838 Il s'agit là des châtiments exercés en Europe par des blancs sur d'autres blancs. Une connaissance non idéologique de l'histoire aide à relativiser, et en même temps libère des fantasmes aliénants et du fanatisme.

 

(A suivre).

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O
Merci et bravo pour cette très intéressante synthèse que je partage sans hésiter. Cordialement
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X
Mais à qui la faute si ce gout de la lecture se perd. Je dirai pour être bref à nos enseignants (certains et les plus récents...) qui ne l'ayant pas, ne sauraient le transmettre ou le faire apprécier à ces jeunes dont ils ont la charge; Quant aux universitaires!!! alors là. n'en parlons pas....
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