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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

CHU de Guadeloupe : les questions de la crise Par les Docteurs Michel EYNAUD et André ATALLAH

CHU de Guadeloupe : les questions de la crise  Par les Docteurs Michel EYNAUD et André ATALLAH

Cet article intéressant est paru dans France-Antilles de ce 06 août. Je le publie sans autres commentaires que le soulignement en rouge des paragraphes qui m'ont paru, à titre personnel, les plus suggestifs. (Le Scrutateur).

 

La crise sanitaire qui secoue la Guadeloupe pose beaucoup de questions qui dépassent la crise actuelle du CHU. Car cette crise aiguë survient sur un terrain ancien connu. Elle était donc en partie prévisible et elle aurait pu être minimisée. Ses causes sont multiples et elles interrogent sur les responsabilités des uns et des autres.

« Personne ne doute que l’incendie du CHU de 2017 ait gravement impacté son fonctionnement. L’altération des soins ne peut être contestée, quels que soient les propos qui se veulent rassurants des uns et des autres. La souffrance des médecins et des soignants est évidente, alors qu’ils font ce qu’ils peuvent, dans un contexte de perturbations graves imposées par un aléa imprévisible. Quand on a mal au ventre, on ne se contente pas de prendre des antalgiques, on se demande quelles en sont les causes et on envisage de soigner ces dernières. La crise peut être révélatrice d’une pathologie ancienne, passée inaperçue, ou mal soignée, qui peut être très grave  si on ne s’en occupe pas à temps. Et c’est bien le cas au CHU. L’incendie est survenu sur une organisation largement fragilisée depuis longtemps.


 

L’incendie est-il la cause de tous les maux ? L’incendie de novembre 2017 n’a pas livré tous ses mystères. Imprudence ? Malveillance ? Ou défaut de maintenance, vétusté ? Le saura-t-on jamais ? Mais probablement pas « fatalité ». Et si la sécurité des soins n’est pas suffisamment assurée en Guadeloupe, ce n’est pas seulement parce que les Urgences et la maternité ont dû déménager après l’incendie. C’est aussi parce que le CHU, depuis des années, est victime de nombreuses insuffisances : financement, démographie médicale, management des ressources humaines, politique d’achat, etc. Si le lecteur n’a pas connaissance ou a oublié le rapport de l’IGAS fait en 2015, il faut aller le lire… L’IGAS criait alors à « l’urgence » face à un CHU « en pleine déshérence ».

Le déficit 2015 du CHU (87 millions) était alors qualifié d'« inédit et inégalé », en dépit de toutes les aides et engagements issus de plusieurs plans de retour à l’équilibre (198 millions d’aides entre 2010 et 2015). Aujourd’hui encore, son directeur général récemment nommé, Gérard Cotellon, le dit clairement, les comptes ne peuvent pas être équilibrés : les ressources liées à la tarification de l’activité ne permettent pas de payer tous les salaires (il manque 3 millions chaque mois), et il ne reste rien pour régler les fournisseurs, qui finissent par ne plus livrer les commandes.

Insuffisance des finances : conjoncturelle ou structurelle ?

Les ressources de l’hôpital dépendent donc de sa « production » de soins. Sauf que l’activité du CHU sera toujours insuffisante pour compenser ses coûts : la population qui l’utilise est insuffisante, son nombre de services et de médecins est insuffisant, il doit couvrir des obligations de missions « de référence et recours » spécialisés quel que soit le nombre de patients, sa masse salariale est trop importante et les tarifs insuffisants. Il ne peut donc pas s’en sortir. Et même Gérard Cotellon, dont les grandes qualités sont connues, n’y réussira pas si le système ne change pas. Il faut en finir avec notre dépendance avec ces aides perpétuellement renouvelées, présentées par les uns comme un droit, par les autres comme une faveur. Il faut reconnaître le juste prix de nos soins.  Nous écrivions dès 2004 : « il semble important de prévoir en amont [de la T2A] une évaluation plus fine des surcoûts pour nos régions, un surcoût de +30 % nous semble plus proche de la réalité ».

Les finances sont-elles le seul problème ?

Le défaut d’anticipation a été tout aussi meurtrier, en particulier du côté de l'ARS et du ministère de la Santé, mais aussi des élus qui président les Conseils de surveillance. Le management est lui aussi en cause. Les contrats à durée déterminée inflationnistes, précarisant l’emploi public, sont décrits en parallèle avec la rotation accélérée des cadres de direction au fil des grèves et des protocoles de pseudo-accords, pas toujours conformes à la réglementation. Au CHU, la crise ne date pas d’aujourd’hui, et ce rapport le décrivait même comme « perpétuellement en crise » imposant de « déclarer l'urgence à agir ». Si les hôpitaux ont parfois été des réserves de soutiens électoraux grâce à des embauches ciblées d’« amis » forcément très redevables, il ne faudrait pas que des comptables expéditifs « sabrent » aveuglément dans la masse salariale des personnels médicaux et soignants essentiels aux soins. Attirer des médecins de qualité est un objectif essentiel pour ramener la sécurité médicale et la confiance.

Comment attirer plus de médecins  ?

Attirer des médecins dans des spécialités particulièrement touchées, comme les urgentistes, les anesthésistes-réanimateurs, les radiologues ou les psychiatres, demande une approche qui ne soit pas uniquement comptable, et de court terme : création de postes, faculté de médecine de plein exercice, augmentation du nombre d’internes, d’assistants et de diplômes et amélioration des statuts de praticien hospitalier (rémunération harmonisée avec la même « prime de vie chère » que les praticiens de La Réunion et les soignants des Antilles : 40 %).

Le CHU est-il le seul point faible de notre système de santé ?

Sûrement pas. Tous les autres hôpitaux publics sont aussi en déficit, et le seul qui affiche un excédent comptable, le Centre Hospitalier de Montéran, ne le peut que parce qu’il a « gelé » puis supprimé des dizaines de postes de soignants, perdu ses psychiatres : l’excédent comptable n’y est que la vitrine d’un profond déficit de soins. L’incendie a engendré une mobilisation de l’ensemble du système de santé, et devait renforcer une solidarité active, spontanée ou suscitée. Mais les mesures décidées par l’ARS impactent l’ensemble des établissements, et en particulier ceux qui accueillent des services délocalisés. Certains, qui sont perturbés aujourd’hui, hériteront plus tard de locaux construits ou aménagés à la hâte. D’autres ne peuvent que s’interroger, comme le CHBT, qui aurait pu renforcer sa place dans un dispositif que les risques naturels imposent qu’il soit multipolaire. Comment ne pas penser à cette maternité de niveau 3 qui méritait non seulement de poursuivre son activité, et peut-être de se développer, à des coûts bien moindres que ceux qui sont annoncés pour d’autres solutions ?

Si le CHU est en crise et que des solutions de court terme sont nécessaires pour la résoudre, seules des solutions de long terme préviendront les rechutes. Ne se concentrer que sur le CHU serait dangereux, quand l’ensemble du dispositif de santé est interdépendant.

Quelles solutions ?

À court terme, personne n’a de recette parfaite, simple et rapide… Il faut de la concertation et de la responsabilité, un sens de l’intérêt collectif, pour aborder la complexité de la situation, et choisir les « moins mauvaises » solutions, ensemble.  C’est la responsabilité de la direction du CHU et de ses partenaires sociaux, avec le soutien de l’ARS, et le respect d’un directeur général du CHU qui a accepté une mission particulièrement difficile. Nous avons déjà montré notre capacité à la solidarité et à l’entraide dans des conditions difficiles, il faut le confirmer. Mais pour cela il faut passer un « nouveau contrat social » : un contrat de responsabilité, d’excellence et de confiance. À moyen terme, il faut décider de solutions pérennes pour le financement de tous les établissements, et en finir avec la dépendance à des aides aléatoires. Pourquoi ne pas faire, comme en 2011, une conférence réunissant l’ensemble des partenaires et décideurs, concluant à des décisions validées et suivies ensemble. Pas seulement un nouveau plan virtuel, mais un véritable engagement soutenu par tous les acteurs régionaux auprès des décideurs ministériels. Quoi qu’il en soit, les solutions pérennes et réellement salvatrices passent par des mesures incontournables. »

 

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Les poings levés n'ont jamais fait mieux que les mains qui travaillent.
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