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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Aimé Césaire sur Victor Hugo et sur l'Afrique.

Aimé Césaire sur Victor Hugo et sur l'Afrique.
Aimé Césaire sur Victor Hugo et sur l'Afrique.
Aimé Césaire sur Victor Hugo et sur l'Afrique.
Aimé Césaire sur Victor Hugo et sur l'Afrique.

Circulait hier sur facebook une video d'Aimé Césaire, très âgé, parlant de Victor Hugo, et qui me semble mériter un commentaire. Faute hélas ! d'avoir pensé à l'enregistrer immédiatement, je suis bien en peine de vous l'offrir, avant commentaire. Si un lecteur en avait connaissance et voulait bien me l'adresser par la voie du « Contact » avec le blog, je l'adjoindrais volontiers à cet article.

Mais il est aisé de la résumer. Aimé Césaire y oppose l'image la plus connue de l'auteur des Misérables à des aspects « secrets » du personnage. Pas son goût exceptionnel et immodéré du cotillon par exemple, mais l'image,  selon lui voisine du racisme le plus ignoble à l'égard de l'Afrique et du monde noir. C'est très à la mode.

Il se trouve que je connais un peu Victor Hugo, que je l'admire, au moins dans ce que comporte une oeuvre littéraire d'exceptionnel et de brillant, mêlé à beaucoup de paille il est vrai ce qui faisait dire à André Gide en réponse à une question sur le plus grand poète français : «  c'est Victor Hugo, hélas! ».

J'ai consacré à cet Hugo là un article il y a quelques années ( http://www.lescrutateur.com/article-31-12-2011-st-sylvestrons-avec-le-pere-hugo-par-edouard-boulogne-95857066.html ), me réservant d'en consacrer un autre à l'autre face du poète, « le politique » et le « philosophe » à l'égard duquel je suis beaucoup plus réservé. Il faudrait trop de temps à y consacrer pour je le fasse aujourd'hui, trop pris par d'autres lectures et des tâches qui ne peuvent être différées.

Je crois utile d'inciter le lecteur à beaucoup de prudence quant au contenu de beaucoup de pseudo informations qui circulent sur internet, et même quand elles émanent d'un homme aussi avisé qu'Aimé Césaire.

Prétendre qu'Hugo aurait eu du mépris pour les noirs, et pour l'Afrique, c'est peut-être exagérer un peu.

Hugo a parlé des noirs, et de l'Afrique, principalement dans un célèbre discours de 1879, prononcé en présence de Victor Schoelcher ( voir plus bas ) publié sous le titre Sur l'Afrique, et dans un roman de jeunesse Bug-Jargal, dont l'action se déploie en Haïti sous la Révolution, et pendant une célèbre révolte d'esclaves.

Quand j'ai lu Bug-Jargal, j'avais 15 ans, et juste un an de moins que n'avait Victor Hugo quand il écrivit ce livre, à l'âge de 16 ans ( seize ), qui suscita en moi des ambitions littéraires, dont je souris aujourd'hui.

Livre intéressant et remarquable quand on pense à l'âge qu'avait l'auteur en l'écrivant. Je ne l'avais pas relu depuis 1957, mais les propos de Césaire m'ont surpris, car je n'avais pas le souvenir d'un Hugo raciste ).

Je me suis donc reporté à l'exemplaire de l'édition de 1883 que je possède et vient de faire restaurer, car le temps et les cyclones l'avaient bien abimé.

Et de fait, malgré le grand Aimé, c'est ma mémoire qui avait raison. Nul racisme dans cette oeuvre de jeunesse. Mais des tirades de personnages du roman qui peuvent, éventuellement, prêter à contestation selon nos sensibilités et normes de 2016.

Quand une de ces tirades prête à la critique, il faut bien comprendre que c'est un personnage qui s'exprime et pas nécessairement l'auteur. C'est élémentaire, mes chers Watson!

Voici d'ailleurs un résumé de Bug-Jargal tel que le propose le célèbre Dictionnaire des oeuvres publié par Laffont-Bompiani :

 

«  BUG-JARGAL. C'est le premier roman que Victor Hugo (1802-1885) écrivit en 1818; il était alors âgé de 16 ans ; il le publia l'année suivante après l'avoir presque entièrement re­manié. L'art de Victor Hugo, tel qu'il se révé­lera dans ses autres romans et dans son théâtre, se devine dans Bug-Jargal ; c'est certainement un exemple unique de continuité dans l'inspi­ration chez un écrivain. L'action se passe à Saint-Domingue, en 1791, dans une plantation. Un esclave, Pierrot, est amoureux de la fille du maître, la douce Marie qui est fiancée à Léopold d'Auverney. Marie est enlevée lors d'une révolte et d'Auverney part à la recherche des ravisseurs. Pris par les insurgés, il ' serait mis à mort si leur chef, Bug-Jargal — qui n'est autre que Pierrot, — ne lui sauvait la vie. Le nègre conduit le jeune homme auprès de Marie qu'il n'avait enlevée que pour la soustraire à la fureur sanguinaire des révoltés. Mais Bug-Jargal avait été fait prisonnier peu avant et, pour venir en aide à d'Auverney, il a dû laisser en otage dix de ses compagnons. Ayant rempli son devoir, l'ancien esclave retourne se livrer aux blancs qui le fusilleront. Dans cette simple histoire, il y a d'autres personnages intéressants : le grotesque Biassou, l'un des agitateurs, le sergent Thadée, le bouffon Habibrah qui haït les maîtres qui se divertirent de sa difformité, et qui périt en voulant se venger ; enfin, le chien de Bug-Jargal, petite note émouvante savamment misé en valeur. On voit déjà sous les traits de Bug-Jargal se dessiner la figure du Gilliat des Travailleurs de la Mer (*) ; Habi­brah est une première esquisse de Triboulet du Moi s'amuse (*) ; on voit aussi naître le goût de Hugo pour les antithèses, les contrastes poussés à l'extrême entre générosité et infor­tune et qui, de plus en plus, prédomineront dans son œuvre ».

 

Le deuxième texte où Victor Hugo s'exprime sur les noirs et l'Afrique est ce discours de mai 1879, en présence de V. Schoelcher. Il y parle de l'Afrique comme en parlaient à l'époque les Européens les plus évolués ( surtout  républicains ), tel Jules Ferry.

Cela heurte nos mentalités d'aujourd'hui. Mais que penseront de nos valeurs actuelles, de 2016, nos arrière petits enfants en l'an 2116. Prenons garde aux anachronismes qui nous font juger de choses passées sans tenir compte de l'époque où elles se situaient.

M Césaire était trop cultivé pour l'ignorer? Peut-être, sans parler de l'âge, avait-il ses « raisons » de s'exprimer comme il l'a fait.

En concluant cet article, en cette fin de matinée du 20 mars, il me vient une pensée un peu déprimante. La video de Césaire dure deux minutes. Elle affirme, sans démontrer, sans produire de référence. D'autre part elle va dans le sens attendu par beaucoup de voyageurs du « net », c'est dans l'air, si vous voyez ce que je veux dire, et ne demande aucun effort d'attention particulière.

Cet article, lui, va demander de l'attention, une petite demi heure de lecture, et pour certains cet effort que réclame le souci d'objectivité, cette remise en question de certains de nos préjugés, ennemis de la vérité.

Est-ce une raison pour ne rien faire?

Je ne sais pas pour vous. Mais pour moi, je...ne crois pas.

Bonne lecture.

 

Le Scrutateur.

 

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Discours sur l'Afrique de Victor Hugo, le dimanche 18 mai 1879.

 

http://dormirajamais.org/hugo/

 

Le dimanche 18 mai 1879, un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage réunissait, chez Bonvalet, cent vingt convives.

Victor Hugo présidait. Il avait à sa droite MM. Schoelcher, l’auteur principal du décret de 1848 abolissant l’esclavage, et Emmanuel Arago, fils du grand savant républicain qui l’a signé comme ministre de la marine; à sa gauche, MM. Crémieux et Jules Simon.

On remarquait dans l’assistance des sénateurs, des députés, des journalistes, des artistes.

Il y a eu un incident touchant. Un nègre aveugle s’est fait conduire à Victor Hugo. C’est un nègre qui a été esclave et qui doit à la France d’être un homme.

Au dessert, M. Victor Schoelcher a dit les paroles suivantes:


 

Cher grand Victor Hugo,

La bienveillance de mes amis, en me donnant la présidence honoraire du comité organisateur de notre fête de famille, m’a réservé un honneur et un plaisir bien précieux pour moi, l’honneur et le plaisir de vous exprimer combien nous sommes heureux que vous ayez accepté de nous présider. Au nom de tous ceux qui viennent d’acclamer si chaleureusement votre entrée, au nom des vétérans anglais et français de l’abolition de l’esclavage, des créoles blancs qui se sont noblement affranchis des vieux préjugés de leur caste, des créoles noirs et de couleur qui peuplent nos écoles ou qui sont déjà lancés dans la carrière, au nom de ces hommes de toute classe, réunis pour célébrer fraternellement l’anniversaire de l’émancipation, je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à notre appel.

Vous, Victor Hugo, qui avez survécu à la race des géants, vous le grand poète et le grand prosateur, chef de la littérature moderne, vous êtes aussi le défenseur puissant de tous les déshérités, de tous les faibles, de tous les opprimés de ce monde, le glorieux apôtre du droit sacré du genre humain. La cause des nègres que nous soutenons, et envers lesquels les nations chrétiennes ont tant à se reprocher, devait avoir votre sympathie; nous vous sommes reconnaissants de l’attester par votre présence au milieu de nous.

Cher Victor Hugo, en vous voyant ici, et sachant que nous vous entendrons, nous avons plus que jamais confiance, courage et espoir.

Quand vous parlez, votre voix retentit par le monde entier; de cette étroite enceinte où nous sommes enfermés, elle pénétrera jusqu’au coeur de l’Afrique, sur les routes qu’y fraient incessamment d’intrépides voyageurs, pour porter la lumière à des populations encore dans l’enfance, et leur enseigner la liberté, l’horreur de l’esclavage, avec la conscience réveillée de la dignité humaine; votre parole, Victor Hugo, aura puissance de civilisation; elle aidera ce magnifique mouvement philanthropique qui semble, en tournant aujourd’hui l’intérêt de l’Europe vers le pays des hommes noirs, vouloir y réparer le mal qu’elle lui a fait. Ce mouvement sera une gloire de plus pour le dix-neuvième siècle, ce siècle qui vous a vu naître, qui a établi la république en France, et qui ne finira pas sans voir proclamer la fraternité de toutes les races humaines.

Victor Hugo, cher hôte vénéré et admiré, nous saluons encore votre bienvenue ici, avec émotion.

Après ces paroles, dont l’impression a été profonde, Victor Hugo s’est levé et une immense acclamation a salué longtemps celui qui a toujours mis son génie au service de toutes les souffrances.

Le silence s’est fait, et Victor Hugo a prononcé les paroles qui suivent:


 

« Messieurs,

Je préside, c’est-à-dire j’obéis; le vrai président d’une réunion comme celle-ci, un jour comme celui-ci, ce serait l’homme qui a eu l’immense honneur de prendre la parole au nom de la race humaine blanche pour dire à la race humaine noire: Tu es libre. Cet homme, vous le nommez tous, messieurs, c’est Schoelcher. Si je suis à cette place, c’est lui qui l’a voulu. Je lui ai obéi.

Du reste, une douceur est mêlée à cette obéissance, la douceur de me trouver au milieu de vous. C’est une joie pour moi de pouvoir presser en ce moment les mains de tant d’hommes considérables qui ont laissé un bon souvenir dans la mémorable libération humaine que nous célébrons.

Messieurs, le moment actuel sera compté dans ce siècle. C’est un point d’arrivée, c’est un point de départ. Il a sa physionomie: au nord le despotisme, au sud la liberté; au nord la tempête, au sud l’apaisement.

Quant à nous, puisque nous sommes de simples chercheurs du vrai, puisque nous sommes des songeurs, des écrivains, des philosophes attentifs; puisque nous sommes assemblés ici autour d’une pensée unique, l’amélioration de la race humaine; puisque nous sommes, en un mot, des hommes passionnément occupés de ce grand sujet, l’homme, profitons de notre rencontre, fixons nos yeux vers l’avenir; demandons-nous ce que fera le vingtième siècle. (Mouvement d’attention.)

Politiquement, vous le pressentez, je n’ai pas besoin de vous le dire.

Géographiquement,-permettez que je me borne à cette indication,-la destinée des hommes est au sud.

Le moment est venu de donner au vieux monde cet avertissement: il faut être un nouveau monde. Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a à côté d’elle l’Afrique. Le moment est venu de dire aux quatre nations d’où sort l’histoire moderne, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la France, qu’elles sont toujours là, que leur mission s’est modifiée sans se transformer, qu’elles ont toujours la même situation responsable et souveraine au bord de la Méditerranée, et que, si on leur ajoute un cinquième peuple, celui qui a été entrevu par Virgile et qui s’est montré digne de ce grand regard, l’Angleterre, on a, à peu près, tout l’effort de l’antique genre humain vers le travail, qui est le progrès, et vers l’unité, qui est la vie.

La Méditerranée est un lac de civilisation; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie.

Le moment est venu de dire à ce groupe illustre de nations: Unissez-vous! allez au sud.

Est-ce que vous ne voyez pas le barrage? Il est là, devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce monceau inerte et passif qui, depuis six mille ans, fait obstacle à la marche universelle, ce monstrueux Cham qui arrête Sem par son énormité,-l’Afrique.

Quelle terre que cette Afrique! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire; l’Afrique n’a pas d’histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touchée, pour la supprimer; et, quand elle s’est crue délivrée de l’Afrique, Rome a jeté sur cette morte immense une de ces épithètes qui ne se traduisent pas:Africa portentosa(Applaudissements.)

C’est plus et moins que le prodige. C’est ce qui est absolu dans l’horreur. Le flamboiement tropical, en effet, c’est l’Afrique. Il semble que voir l’Afrique, ce soit être aveuglé. Un excès de soleil est un excès de nuit.

Eh bien, cet effroi va disparaître.

Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique; la France la tient par l’ouest et par le nord; l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal. L’Amérique joint ses efforts aux nôtres; car l’unité des peuples se révèle en tout. L’Afrique importe à l’univers. Une telle suppression de mouvement et de circulation entrave la vie universelle, et la marche humaine ne peut s’accommoder plus longtemps d’un cinquième du globe paralysé.

De hardis pionniers se s’ont risqués, et, dès leurs premiers pas, ce sol étrange est apparu réel; ces paysages lunaires deviennent des paysages terrestres. La France est prête à y apporter une mer. Cette Afrique farouche n’a que deux aspects: peuplée, c’est la barbarie; déserte, c’est la sauvagerie; mais elle ne se dérobe plus; les lieux réputés inhabitables sont des climats possibles; on trouve partout des fleuves navigables; des forêts se dressent, de vastes branchages encombrent çà et là l’horizon; quelle sera l’attitude de la civilisation devant cette faune et cette flore inconnues? Des lacs sont aperçus, qui sait? peut-être cette mer Nagaïn dont parle la Bible. De gigantesques appareils hydrauliques sont préparés par la nature et attendent l’homme; on voit les points où germeront des villes; on devine les communications; des chaînes de montagnes se dessinent; des cols, des passages, des détroits sont praticables; cet univers, qui effrayait les Romains, attire les Français.

Remarquez avec quelle majesté les grandes choses s’accomplissent. Les obstacles existent; comme je l’ai dit déjà, ils font leur devoir, qui est de se laisser vaincre. Ce n’est pas sans difficulté.

Au nord, j’y insiste, un mouvement s’opère, le divide ut regnes exécute un colossal effort, les suprêmes phénomènes monarchiques se produisent. L’empire germanique unit contre ce qu’il suppose l’esprit moderne toutes ses forces; l’empire moscovite offre un tableau plus émouvant encore. A l’autorité sans borne résiste quelque chose qui n’a pas non plus de limite; au despotisme omnipotent qui livre des millions d’hommes à l’individu, qui crie: Je veux tout, je prends tout! j’ai tout!–le gouffre fait cette réponse terrible: Nihil. Et aujourd’hui nous assistons à la lutte épouvantable de ce Rien avec ce Tout. (Sensation.)

Spectacle digne de méditation! le néant engendrant le chaos.

La question sociale n’a jamais été posée d’une façon si tragique, mais la fureur n’est pas une solution. Aussi espérons-nous que le vaste souffle du dix-neuvième siècle se fera sentir jusque dans ces régions lointaines, et substituera à la convulsion belliqueuse la conclusion pacifique.

Cependant, si le nord est inquiétant, le midi est rassurant. Au sud, un lien étroit s’accroît et se fortifie entre la France, l’Italie et l’Espagne. C’est au fond le même peuple, et la Grèce s’y rattache, car à l’origine latine se superpose l’origine grecque. Ces nations ont la Méditerranée, et l’Angleterre a trop besoin de la Méditerranée pour se séparer des quatre peuples qui en sont maîtres. Déjà les États-Unis du Sud s’esquissent ébauche évidente des États-Unis d’Europe. (Bravos.)

Nulle haine, nulle violence, nulle colère. C’est la grande marche tranquille vers l’harmonie, la fraternité et la paix.

Aux faits populaires viennent s’ajouter les faits humains; la forme définitive s’entrevoit; le groupe gigantesque se devine; et, pour ne pas sortir des frontières que vous vous tracez à vous-mêmes, pour rester dans l’ordre des choses où il convient que je m’enferme, je me borne, et ce sera mon dernier mot, à constater ce détail, qui n’est qu’un détail, mais qui est immense: au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde.(Applaudissements.)

Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra.

Allez, Peuples! emparez-vous de cette terre. Prenez-la. À qui? à personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Où les rois apporteraient la guerre, apportez la concorde. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue; non pour le sabre, mais pour le commerce; non pour la bataille, mais pour l’industrie; non pour la conquête, mais pour la fraternité. (Applaudissements prolongés.)

Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires.

Allez, faites! faites des routes, faites des ports, faites des villes; croissez, cultivez, colonisez, multipliez; et que, sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté!

Ce discours, constamment couvert d’applaudissements enthousiastes, a été suivi d’une explosion de cris de: Vive Victor Hugo! vive la république!

  1. Jules Simon, invité par l’assemblée à remercier son glorieux président, s’est acquitté de la tâche dans une improvisation, d’abord familière et spirituelle, et qui s’est élevée à une vraie éloquence lorsqu’il a dit que c’était aux émancipés, qui avaient tant souffert du préjugé et de l’oppression, à combattre plus que personne à l’avant-garde de la vérité et du droit.

 

Autre Lien intéressant :

 

http://www.imagesetmemoires.com/doc/Articles/B29paulhachugo.pdf

 

 

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