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7 Juin 2014
La journée d'hier, 06 mai, a été largement consacrée aux cérémonies célébrant l'anniversaire du débarquement des alliés en Normandie. Ce jour là, et ceux qui l'ont précédé ont vu se succéder sous les feux des chaînes de télévision, des personnages plus ou moins illustres, les plus « importants » n'étant pas toujours les plus méritants et les plus dignes de respect.
Ainsi vont les choses de ce monde.
Une chose était évidente, même aux yeux des moins avertis : la prééminence, en dignité, et en respect, parmi tous les grands, de sa Majesté la reine Elizabeth II d'Angleterre.
La souveraine pourtant, n'a pas les pouvoirs politiques d'un Obama, d'un Poutine, et d'un François Hollande. Pour un pur démocrate français, s'il en existe il est vrai, elle n'est qu'un numéro parmi les Anglais, une abstraction numérique, exactement identique ( égalité » oblige) à toutes les abstractions numériques de ce peuple et auxquelles nous sommes réduits, sans en avoir une claire conscience. Et qui plus est, à l'heure du jeunisme ( principe nouveau de « distinction » ), elle est une vieille dame de 88 ans, à la démarche lente, et à la voix un peu chevrotante.
Pourtant en sa présence, le modèle même du principe républicain, François Hollande, l'espace de 48 heures, a dominé l'irrépressible prurit qui le pousse aux mots égrillards, dignes des corps de garde militaires, et qui, hélas pour lui, depuis quelques temps déjà, ne fait plus rire, ni sourire, sauf Obama, qui le voit sans doute bien en Chicot, le fou du roi, si bien décrit par notre Alexandre Dumas.
Quel « charme » a donc convaincu Hollande, et toutes les grandes pointures de la politique mondiale, de réserver à la Reine d'Angleterre le respect perceptible dont elle a bénéficié ( et ce matin encore, à Paris par le petit peuple de la capitale, en ce lieu, qui portera désormais son nom, non loin de la Saint Chapelle, en l'Île de la Cité ), et d'Obama lui-même?
C'est qu'Elizabeth, a su au fil des nombreuses décennies de son règne, incarner toujours mieux le principe royal qu'elle incarne, et qui a été sanctionné par le Sacre à Westminster. En représentation officielle Elizabeth n'est plus Elizabeth, elle EST la Grande Bretagne, par delà les clivages de droite et de gauche, et toutes les imperfections qui travaillent son peuple, comme les autres.
Elle est le symbole du peuple britannique, de la grande et millénaire culture et histoire de son glorieux pays. C'est parce que les Anglais le savent, qu'il y a si peu de républicains en Grande Bretagne. Ces gens là savent à des niveaux divers de conscience, mais toujours en quelque mesure que, disparaissant, le principe ravalerait leur pays au rang commun des grouillements d'entités arithmétiques que rêvent de prendre en main les chacals, les hyènes et les petits morpions que nous devenons tous quand s’atrophie en nous le sens du sacré, le respect de toute autorité ( ni Dieu, ni maître ) autre que celles de nos petits « mois », au service de leurs passions les plus échevelées baptisées « libertés individuelles ».
Elizabeth est comme tout un chacun, capable de rire, de sauter sur place et trépigner de joie, quand son cheval favori est en tête dans une course, au cours d’une réunion privée. Il est possible, pour ses familiers de lui taper dans le dos, ou de l’enlacer affectueusement, toujours dans le privé.
Mais en public, et de par sa volonté expresse, innervée par une éducation princière, tellement différente de ce à quoi nous a habitué la jet-set, et les « puissances », incubes et succubes, qui la nourrissent. Dès lors, en représentation il n’y a plus d’Elizabeth.
D’un homme en France, André Frossard a pu dire : « il n’y a plus de Charles ». C’était de Charles de Gaulle qu’il parlait, dont la conception du pouvoir rejoignait celle des vieilles monarchies européennes ( nous ne parlons pas ici de l’empereur de Chine, ou du grand Turc ).
L’une des causes du grand marasme de la politique européenne, aujourd’hui, et notamment en France, est l’oubli de ces principes majeurs qui conçoivent la politique comme une vocation, un service, un sacerdoce ( dans sacerdoce, il y a « sacer », le sacré, et « sacerdotium » : qui remplit une fonction sacrée. Allez faire comprendre cela à un Pierre Bergé, scrongnieugnieu ! C’est-à-dire …..sacré nom de Dieu ! Ou à un Cahuzac ou aux acteurs de la société Bygmalion ! ).
Cette conception sacrale du pouvoir, et son devoir de transcendance par rapport au passions, à la faim de l’or, à l’exacerbation des petits « mois » individuels, est peu compréhensible à l’entendement des « petits maîtres » de la finance mondialisée qui méprisent tout ce qui résiste au veau d’or.
Aujourd’hui, Hollande s’est montré respectueux de la reine. Pourquoi ? Par une résurgence, chez ce serviteur de Mammon, du respect des principes qui régirent longtemps la civilisation dont il hérite, qu’il le veuille ou non, malgré l’exhibition permanente de ses trahisons ? Hypocrisie, mais qui ne serait que moindre mal, si La Rochefoucauld a raison quand il définit l’hypocrisie « comme l’hommage que le vice rend à la vertu » ?
En ce cas son comportement s’expliquerait par la conscience qu’il ne faut pas sans cesse prendre à rebours la sensibilité populaire, plus « royaliste »qu’on ne croit, même en France, et malgré la Révolution qui sauf dans les livres d’histoire concoctés par les petits secrétaires de loges comme Vincent Peillon, dans la tradition de Robespierre et de Saint-Just, fut tout, sauf une entreprise de libération vraie.
Ces derniers, en 1793 étaient parfaitement lucides sur l’innocence de Louis XVI, des « crimes » dont l’accusaient les procureurs de la Convention.
Pour eux, il s’agissait de créer un monde nouveau ( adjectif particulièrement chéri des niais, pour qui « nouveau » est synonyme de progrès, de Bien, de bonheur ). Un monde nouveau « libéré » de tout lien avec une transcendance quelconque, notamment avec Dieu, et remplacé par un pouvoir soumis à une opinion publique malléable à merci, et de plus en plus à mesure que se développent les « nouvelles » ( Oh ! Nouvelles ! Pâmons nous, en chœur ) techniques de manipulations de masses.
En 1951, Albert Camus, homme de gauche, fils d’une femme de ménage, résistant, mais intelligent et honnête ( cette conjonction se produit parfois ) écrivit un livre remarquable qui fit beaucoup de bruit : L’homme révolté.
Il y développa des analyses surprenantes. Je vous en livre quelques extraits. Ils en valent la peine.
Le Scrutateur.
21 Janvier 1793 : Le meurtre de Louis XVI.
« Le 21 janvier, avec le meurtre du roi-prêtre, s'achève ce qu'on a appelé significativement la passion de Louis XVI. Certes, c'est un répugnant scandale d'avoir présenté comme un grand moment de notre histoire l'assassinat public d'un homme faible et bon. Cet échafaud ne marque pas un sommet, il s'en faut. Il reste au moins que, par ses attendus et ses conséquences, le jugement du roi est à la charnière de notre histoire contemporaine. Il symbolise la désacralisation de cette histoire et la désincarnation du dieu chrétien. Dieu jusqu'ici se mêlait à l'histoire par les rois. Mais on tue son représentant historique, il n'y a plus de roi. Il n'y a donc plus qu'une apparence de Dieu relégué dans le ciel des principes1.
Les révolutionnaires peuvent se réclamer de l'Évangile. En fait, ils portent au christianisme un coup terrible dont il ne s'est pas encore relevé. Il semble vraiment que l'exécution du roi, suivie, on le sait, de scènes convulsives de suicides ou de folie, s'est déroulée tout entière dans la conscience de ce qui s'accomplissait. Louis XVI semble avoir, parfois, douté de son droit divin, quoiqu'il ait refusé systématiquement tous les projets de loi qui portaient atteinte à sa foi. Mais à partir du moment où il soupçonne ou connaît son sort, il semble s'identifier, son langage le montre, à sa mission divine, pour qu'il soit bien dit que l'attentat contre sa personne vise le roi-christ, l'incarnation divine, et non la chair effrayée de l'homme. Son livre de chevet, au Temple, est l'Imitation. La douceur, la perfection que cet homme, de sensibilité pourtant moyenne, apporte à ses derniers moments, ses remarques indifférentes sur tout ce qui est du monde extérieur et pour finir, sa brève défaillance sur l'échafaud solitaire, devant ce terrible tambour qui couvrait sa voix, si loin de ce peuple dont il espérait se faire entendre, tout cela laisse imaginer que ce n'est pas Capet qui meurt, mais Louis de droit divin, et avec lui, d'une certaine manière, la chrétienté temporelle. Pour mieux affirmer encore ce lien sacré, son confesseur le soutient dans sa défaillance en lui rappelant sa « ressemblance » avec le dieu de douleur. Et Louis XVI alors se reprend, en reprenant le langage de ce dieu : « Je boirai, dit-il, le calice jusqu'à la lie ». Puis il se laisse aller, frémissant, aux mains ignobles du Bourreau. « .
Albert Camus.
( Dans L'homme révolté. Pp 152 à 154. Editions Gallimard. ).