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6 Mai 2014
Dans un récent numéro du Point, Pascal Bruckner reprend un thème favori du Scrutateur : « Un grand peuple ne peut mourir que de lui-même », comme disait, jadis, dans La fin d'Atlantis, ou le grand soir, une belle oeuvre, ( de Jean Carrère), qui mériterait d'être rééditée.
C'est de ses entrailles que sourdent pour un peuple, où le salut et la gloire, ou le déclin et la mort.
La France a une belle et grande histoire. Elle a, elle est ( encore ) une civilisation. Son territoire porte les traces, le plus souvent encore vivantes de cette intelligence, de ces qualités éclatantes d'un peuple, comme, aussi, de ses limites, et de ses petitesses, car il en est des peuples comme des personnes humaines.
En ce début du XXIème siècle, la France, dans un univers en pleine transformation, qui voit l'émergence de puissances nouvelles, qui souvent, telles la Chine ou l'Inde, ne sont que le retour au premier plan de civilisations très anciennes, qui, un temps s'étaient abandonnées à la paresse de l'avoir ( au détriment de l'être ), la France, bien que traversant une crise économique redoutable demeure encore au cinquième rang des puissances mondiales.
Elle a connu d'autres crises, allant sans cesse de la grandeur au déclin, et se relevant toujours, comme disait de Gaulle.
Nous traversons une de ces périodes de déclin relatif. Notre ennemi ce n'est pas la Chine, ce ne sont pas les USA, ni la commission de Bruxelles, Ni le grand méchant loup de l'EMPIRE, comme disent les tenants de la théorie du COMPLOT, incapable de comprendre analogiquement le beau film MATRIX, le recevant au premier degré, et sombrant dès lors dans tous les pièges qu'ils prétendent dénoncer, se roulant sans retenue dans la marotte, le ridicule et l'inefficacité.
Non! le véritable ennemi, est au coeur de nous même. Il s'appelle l'ennui, la lassitude, le refus de l'effort constant qu'il faut toujours consentir pour rester dans les hauteurs où nos efforts personnels, ou bien l'héritage assimilé de nos pères nous ont un moment élevé.
Il y a de la naïveté végétative chez les peuples à l'aube de leur histoire, de la fierté exaltée chez ceux qui s'élèvent et créent, souvent dans la douleur et dans l'excès. Il y a de la tristesse quand l'atteinte d'un sommet signale qu'on n'ira pas plus haut. « C'est triste comme la grandeur », aurait dit Napoléon au sommet de sa gloire.
Et puis il y a ce spleen, cette mélancolie qui s'empare de nous quand nous avons conscience de n'avoir pas été à la hauteur des pères, quand renonçant à la poursuite exaltante, mais harassante de l'effort créatif, nous nous abandonnons à la dégustation de l'instant, sans autre perspective que lui-même; quand, renâclant devant la tension, difficile, de tout l'être, vers la création à renouveler sans cesse pour « tenir bon», nous décidons brusquement de détendre nôtre âme, de cesser les frais, et de jouir de l'héritage, perçu désormais non comme un appel au dépassement ardent de soi, mais seulement en termes passifs « d'avoir ».
C'est l'heure de la jouissance et de la consommation générale.
Notre peuple de France en est-il là? Ceux qui ne perçoivent pas la France comme un simple héritage de biens à dissiper, et, pour leurs enfants........ « vogue la galère »! refusent ce qui ne sera une évidence, que quand les touristes visiteront Notre Dame, et la Sainte Chapelle, comme nous visitons la « vallée des rois » en Egypte.
Mais nous n'y sommes pas encore, et la patrie, pour ceux qui pensent la politique autrement qu'en termes de carnaval électoral, et loterie de gros sous à se partager entre margoulins, la patrie donc doit apparaître comme l'un des cadres de développement des enfants nés, et à naître, dont nous ne voulons pas qu'ils soient de simples larves, consommateurs avides de pacotille mondialisée.
C'est pourquoi nous devons veiller. Pourquoi nous devons être attentifs à tous les bacilles de mort, qui travaillent, comme en toutes choses d'ailleurs, à détruire, ce qu'il y eut de noble et de grand, sous le soleil, de cette oeuvre politique, en quinze siècles d'efforts, qu'est la France.
L'article de Pascal Bruckner, guide nôtre regard vers l'un de ces bacilles.
Ici, en Guadeloupe, et en Martinique, sur le « limes », aux confins de la nation, nous connaissons bien ce mal qu'il dénonce, cet esprit de renoncement, ce déni de soi et de l'héritage, que l'on ne veut pas s'avouer toutefois, et que l'on travestit, parfois en termes de générosité.
Mais que personne ne s'y trompe, « la repentance », n'est que la moraline des médiocres, des lâches, des hypocrites.
Sur la dentelle du rempart, aucun assoupissement ne doit être toléré, sous peine de mort.
Le Scrutateur.
Le colonialisme est-il vraiment la cause des problèmes d'intégration en France ? Pascal Bruckner pourfend cette idée reçue.
La décolonisation serait un leurre. À en croire les esprits autorisés, nous vivrions dans la France de 2014 une situation analogue à celle des années 1930 quand Paris exerçait un magistère sans restrictions sur l'ensemble des continents. C'est la "fracture coloniale", selon l'expression de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire (1), qui expliquerait la situation de fragilité et de marginalisation des enfants issus de l'immigration, Noirs et Maghrébins, à qui l'on applique les schémas en usage dans l'ancien empire. "Nos parents et grand-parents ont été mis en esclavage", affirmait d'autre part l'Appel des indigènes lancé par plusieurs collectifs durant l'hiver 2005 : "Nous, fils et filles d'immigrés, nous sommes (...) engagés dans la lutte contre l'oppression et la discrimination produites par la République postcoloniale (...) Il faut en finir avec des institutions qui ramènent les populations issues de la colonisation à un statut de sous-humanité."
L'un des auteurs de cet appel, Sadri Khiari, qui se définit lui-même comme un indigène, un " non-Blanc, un colonisé", soucieux de souligner les liens entre colonialisme et racisme espère un jour "intégrer les Roms à la dynamique décoloniale qui s'ébauche" dans les cités [2]. La colonisation des Roms par la France est un épisode bien connu de l'histoire mondiale !
Le 21 juin 2010, une pétition lancée dans Libération et signée entre autres par Éric Hazan, Antoine Volodine, Siné... dénonçait dans les forces de l'ordre, qui s'étaient fait tirer dessus à Villiers-le-Bel par les "gamins" des cités, des "forces d'occupation" en guerre contre le peuple forcément caricaturé comme un ensemble de "délinquants polygames à femme en burqa". La France ne veut toujours pas affronter son passé colonial en Algérie, explique le spécialiste Benjamin Stora, en dépit du fait que plus de trois mille livres ont été publiés sur le sujet ainsi qu'une cinquantaine de films de fiction et une trentaine de documentaires tournés sur cette période. [3]
C'est encore l'écrivaine franco-camerounaise Léonora Miano, qui, dans l'émission de Frédéric Taddeï le 8 novembre 2013, reprenant pour la confirmer la rhétorique du Front national, expliquait que l'immigration africaine était la facture à payer pour la colonisation et la traite et provoquerait un changement de population inéluctable, que nous le voulions ou nous. "La France blanche a vécu, explique la militante antiraciste Rokhaya Diallo, et ceux qui ne l'aiment pas peuvent la quitter [4] ."
À suivre ces nouvelles vulgates, les problèmes sociaux seraient d'abord des problèmes ethniques et les quartiers rien d'autre que nos nouveaux dominions : Paris ferait main basse sur les cités, exploiterait leurs richesses, mènerait à leur égard une violente politique de spoliation ! Rappelons que d'autres ont voulu faire des banlieues l'équivalent des territoires occupés de Palestine, une bande de Gaza et une Cisjordanie à elles seules aux environs de Lyon, de Toulouse. Voilà donc que les Français deviennent des colons chez eux et qu'il faudrait les exproprier de l'Hexagone.
Au lieu d'admettre que le système français décourage l'initiative, qu'un taux de chômage des jeunes de 40 % dans les cités, l'absence de qualifications, l'omniprésence de gangs qui font la loi rendent leur situation catastrophique, on s'invente une généalogie fantastique, on lit les Minguettes ou la Courneuve avec les lunettes des Aurès ou des hauts plateaux du Tonkin. On est là dans une sorte de télescopage spatio-temporel, une superposition des continents et des époques où tout se mélange, le 93 et les townships sud-africains, Clichy et Gaza, Bobigny et la traite. Chacun peut selon ses inclinations habiter le pays virtuel de l'esclavage et du colonialisme, devenus des concepts flous, des habitats temporaires qu'on investit pour dire sa colère, sa frustration.
Or, la situation dans les banlieues relève du rejet, de la séparation territoriale, non de la subordination à des fins commerciales qui fut le propre des empires. Les colons tenaient un pays, ne l'abandonnaient pas, n'en faisaient pas un "territoire perdu de la République". À vrai dire, le procès du colonialisme est rouvert non parce qu'il aurait été ignoré à l'école, mais parce qu'il est pourvoyeur de clarté pour ceux qui ont la nostalgie des anciennes divisions. Toute une génération de tiers-mondistes reprend les luttes de libération un demi-siècle après les indépendances et ânonne fiévreusement son catéchisme anti-impérialiste, lequel sert de marxisme de substitution à toute une gauche en perte de compréhension du monde.
"Fracture coloniale" : ce terme, vague à souhait, permet d'expliquer à peu près n'importe quoi et tire sa force de sa fausse simplicité. Veut-on dire par là que la France reste marquée par son histoire récente ? C'est une lapalissade. Que les immigrés en provenance de nos anciennes colonies sont maltraités, relégués aux taches subalternes ? Que le patronat et les pouvoirs publics rêvent de les importer quand ils en ont besoin et de les renvoyer quand le travail vient à manquer ? C'est exact, comme à peu près dans tous les pays d'Europe, même ceux qui n'ont aucun passé impérial ou ont été colonisés par les Russes, les Arabes, les Ottomans. Ces migrants du Maghreb ou d'Afrique noire sont-ils moins bien considérés que les Tamouls, les Pakistanais, les Cinghalais, les Philippins, voire les Baltes, les Polonais, les Roumains, toutes nationalités que nous n'avons pas occupées, que je sache ?
Que le marché du travail reste fermé aux étrangers ne relève pas d'une position coloniale, mais plutôt d'une logique malthusienne dans un contexte de chômage proliférant. "Colonialisme" est devenu un mot valise qui ne désigne plus un processus historique précis, mais l'ensemble de ce que différents lobbys, et notamment celui des islamistes, récusent en France, l'idéal républicain, la laïcité, l'égalité hommes-femmes. Soulignons d'ailleurs que les Français d'origine vietnamienne, cambodgienne ou chinoise utilisent rarement cet argument pour expliquer leurs difficultés.
On s'en veut de rappeler cette évidence. La décolonisation a eu lieu. Très imparfaite sans doute, mais enfin la France a tourné la page. Si elle veut oublier cette période, c'est que l'amnésie est en la matière la contrepartie du détachement. La France, par exemple, reste une passion algérienne, l'inverse n'est pas vrai ; ce qui émeut nos populations, c'est plus que jamais le souvenir des deux conflits mondiaux dont nous ne nous sommes pas remis. La vitesse avec laquelle la métropole, au début des années 1960, a fait le deuil de l'empire, oubliant au passage quelques centaines de milliers de pieds-noirs et de harkis, prouve que l'entreprise coloniale n'était sans doute pas aussi chère au coeur des Français qu'on le dit.
Enfin, si l'Hexagone pratique à large échelle sur ses populations immigrées discrimination et morgue, comment expliquer que celles-ci continuent à se presser à nos frontières, à réclamer des visas ? Outre les raisons économiques évidentes, n'est-ce pas aussi que notre vieille République, si infâme soit-elle, leur offre malgré tout les chances d'une émancipation, d'un accès à la liberté dont ils sont privés chez eux ? Parler en permanence de néo-colonialisme, c'est à nouveau enfermer les individus dans une définition ethnique ou raciale, les replonger dans la nasse dont on entend les soustraire, les replacer en position de victimes éternelles. Par une dialectique perverse, on renforce les préjugés qu'on voulait extirper : on ne peut plus considérer l'autre comme un égal, mais comme un opprimé perpétuel, assigné à résidence dans son épiderme, son origine.
Pascal Bruckner.