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8 Mai 2011
Daniel Rollé est un Guadeloupéen. Il vit actuellement à Paris C'est aussi un ami, qui a travaillé pendant une douzaine d'années à la rédaction et à la confection du journal Guadeloupe 2000, dont j'étais le directeur. Il y apporta sa compétence, son sens du travail fini, son amitié, et ce quelque chose d'indéfinissable, qui ne s'apprend pas dans les écoles, et qu'il faut bien appeler le talent. Je lui suis reconnaissant d'avoir pensé au Scrutateur, pour la publication de cet article sur un film de Claude Ribbe sur le chevalier de Saint-Georges, qui, le 10 mai prochain sera diffusé sur les antennes de France-Télévisions.
E.Boulogne.
Le crime du Chevalier de Saint-Ribbe
Lettre ouverte à Claude Ribbe, alias le Chevalier de Saint-Ribbe, éminent historien, romancier, philosophe et scénariste de spectacles, mais aussi apprenti metteur en scène, chef d’orchestre, bretteur et comédien de (basse) Cour, coupable de “crime contre l’humilité”.
Bien cher Chevalier
À l’heure triste et grave où le “joli mois de mai” vient rappeler aux lointains descendants d’esclaves que nous sommes notre responsabilité partagée, notre devoir de mémoire envers nos ancêtres nourriciers, souffrez que je vous fasse, par la présente, témoin de la “souffrance” qu’à mon tour, j’ai endurée au spectacle de votre avant-première du 2 mai dernier, dans l’enceinte chargée d’ors et d’histoire du théâtre Marigny, à deux pas des Champs Elysées.
Votre admirateur, oui, je le fus, sans réserve, à la lecture de vos ouvrages les plus marquants, les plus emblématiques de la fierté des origines à laquelle vous me conviiez, au soir de mes lectures passionnées du “Chevalier de Saint-George”, justement, du “Crime de Napoléon”, mais aussi de votre vigoureux pamphlet-hommage à Aimé Césaire, “Le nègre vous emmerde”.
Mais votre laudateur confit en dévotion devant l’étalage public de votre magnificence, de votre mégalomaniaque entreprise filmique visionnée ce soir-là, non, définitivement non, je ne le fus pas !
“Fine plume”, vous l’êtes, je le reconnais volontiers. Vous l’avez maintes fois démontré contre tous les “braques interministériels” que vous vouiez aux gémonies, les prétentieux et insipides interprètes de cet “Autre Dumas” commis, à vos yeux, par le Sieur Safi Nebbou, son réalisateur, avec l’aide coupable du Sieur Depardieu Gérard, et son affligeante composition de Mulâtre Scribe à la perruque bouclée.
Mais “fine lame” de composition, fût-elle portée par les avisés conseils d’un maître d’armes confirmé, non, certainement non, vous ne le fûtes jamais, ce fameux soir. À aucun moment ! Comédien peu crédible et emprunté, cavalier hésitant, concertiste appliqué mais sans ferveur ajoutée, tels sont quelques-uns des autres qualificatifs qui me sont venus à l’esprit au cœur des plans séquences affligeants de ce monument d’immobile banalité érigé, pour votre seul bénéfice, à la gloire de votre seule Eminence. En cette soirée qui se voulait de gala, il m’a été donné (la gratuité du spectacle aidant) d’assister, impuissant, à votre noyade d’acteur, perdu sans rémission au cœur d’une “belle œuvre”, aux intentions éminemment estimables, certes, mais au final enterrée sans fleurs ni couronnes sous la longue liste de ses carences en émotions partagées, sous l’inégal étalage de ses “talents” convoqués en pure perte.
Ce triste navet, indigne de vous, Chevalier, indigne des combats que vous portez et prétendez incarner à vous seul, je le rejette déjà de ma mémoire… du moins en suis-je encore à tenter d’y parvenir. Mais je vous dénie tout droit d’en rendre otage, par silences complaisants interposés, l’ensemble des quelque 1 000 spectateurs qui y ont assisté, en ce soir de funeste mémoire. Dois-je vous avouer m’être surpris à lutter farouchement contre le sommeil – et d’autres alentour avec moi – dans l’espoir d’un déroulement plus heureux à venir, tout au long d’une mise en scène qui n’a, hélas, jamais “décollé” ? Englué dans mon fauteuil et tout à ma consternation, je n’avais, pour seul viatique contre l’ennui et le malaise, que l’omniprésence d’une bande-son voluptueuse de beauté, portée par un orchestre de grande facture, qui m’a un temps connecté avec l’âme véritable du Chevalier que vous prétendiez incarner, avec sa lumineuse présence au cœur d’une “œuvre” bien plus apte à desservir sa mémoire qu’à lui rendre un juste et digne hommage.
Que ne vous êtes-vous contenté de vous en faire l’humble copiste, au lieu de nous infliger le spectacle de ce Chevalier à la pâle figure, saupoudrée jusqu’à la caricature du talc de votre suffisance ! Que n’avez-vous choisi de rester le machiniste inspiré d’une fiction portée par d’autres, plus aguerris aux choses de cet autre métier que le vôtre (les vôtres ?), l’organisateur d’une interprétation collective tout en nuances, au service de la flamboyante évocation romanesque attendue, érigée à la gloire du Héros que vous prétendiez défendre, pour notre fierté à tous !
Mais ce docu-fiction “de prestige”, tout gonflé d’autosuffisance et d’orgueil, c’est vous qui l’avez enfanté, Chevalier ! Vous l’avez porté, interprété et sciemment incarné dans l’écrin d’or du Château de Versailles, dans la verdoyance bercée d’alyzés de l’île de Marie-Galante. Mais vous ne l’avez pas réalisé, non ! Pas au sens professionnel qu’implique ce terme, en tout cas.
Ce “film” de 52 mn jeté à la face de vos laudateurs les plus empressés, vous l’avez commis, Chevalier. Car c’est bien d’un crime qu’il s’agit, d’un inqualifiable dévoiement de vos principes affichés, de vos qualités de juste pourfendeur des atteintes de tous bords à la mémoire de nos Grands Anciens, en hommage à l’un des plus méritants d’entre eux, en l’occurrence.
À mes modestes yeux d’observateur, pourtant plein d’estime anticipée devant le culot de votre initiative et la détermination farouche qui la sous-tendait, ce crime, Monsieur le Chevalier de Saint-Ribbe, c’est vous qui l’avez commis ! Crime contre la mémoire sensible d’un de nos grands Hommes, injustement nié – vous l’avez assez répété et dénoncé – dans sa grandeur et son exemplarité pour tous les Français de souche et de cœur, d’où qu’ils viennent, quelle que soit leur origine ethnique, et à quelque chapelle idéologico-religieuse qu’ils appartiennent. Mais aussi, et même surtout, en l’occurrence, crime contre l’humilité.
Je vous invite respectueusement à rentrer en vous-même, Chevalier, à vous reprendre et à vous repentir, en conscience, de ce “crime”, de peu de poids, certes, aux yeux de certains, mais qui importe à la mémoire de celles et ceux qui partagent votre combat contre l’oubli, votre lutte de chaque instant contre tous les zélateurs ignares et corrompus des “bienfaits du colonialisme”, contre tous les “objecteurs de conscience” de cette noble cause du rejet de tous les racismes, qui vous porte autant que vous l’avez portée.
Au retour d’un “spectacle” qui m’a laissé abasourdi, écoeuré, consterné, ce sont les sentiments mitigés d’une soirée de deuil, de condoléances attristées qui m’ont envahi, quasi submergé. Et, aux dires des quelques amis qui m’entouraient, me réconfortaient presque, je n’étais pas le seul.
Tout au long de cette fumeuse soirée, Chevalier, de cette fastueuse projection issue de votre ego dilaté jusqu’à l’enflure, les “nègres” que nous sommes se sont royalement emmerdés.
Vous ne me compterez pas, vous ne nous compterez donc pas au rang de vos affidés complaisants, de vos grands soutiens assermentés, aux côtés de votre ministre venu, de l’Intérieur, cautionner par sa présence votre “vision” sentencieuse, parmi tous ces amateurs de cocktails aussi dînatoires qu’hypocrites aux soirs de vos dignes commémorations à la mémoire des Nôtres disparus. Vous nous trouverez plutôt – si d’aventure l’envie vous en prenait – parmi les jean-foutre aigris, les cuistres ignares et peu reconnaissants, bref dans le clan de tous les envieux de bas étage que vous pourfendez à longueur de blog, plus prompts à déverser leur bile hargneuse qu’à verser leur obole encenseuse au calice de votre gloire.
À l’heure où nombre de chrétiens, sur tous les champs de dévotion religieuse où se portent leurs pas, se réjouissent dans une même ferveur de la béatification du plus emblématique d’entre eux, de leur défunt Saint-Père, il me souvient que l’un des critères majeurs exigés par le Saint-Siège pour sanctifier publiquement le parcours de l’impétrant pressenti, concerne la reconnaissance officielle du miracle qu’il aurait accompli de son vivant. Le “miracle” que j’attendais, et avec moi nombre de ceux qui s’étaient rendu d’enthousiasme à votre invitation du 2 mai, ce “miracle” tant espéré de la rencontre providentielle entre un écrivain de talent et une aventure historico-romanesque prestigieuse, mettant en scène un de nos rares héros “bronzés” porteurs de sens et d’espoirs pour les jeunes générations en mal de repères positifs, identificateurs, ce miracle donc n’a pas eu lieu. Faute de mise en scène crédible, justement, et par la mauvaise grâce d’une direction d’acteurs aux abonnés absents.
N’y aurait-il donc aucune relève de comédiens issus de nos diasporas, capables de relever un tel défi, d’apporter leur jeunesse, leur fougue et leur talent au service d’une belle entreprise, fût-elle incapable de les rémunérer normalement eu égard (sans doute ?) à un budget insuffisant ? Sans diminuer le mérite et l’esprit d’engagement des comédiens présents, partenaires otages d’une telle galère, d’une telle succession de plans aussi statiques et peu inspirés que ceux auxquels nous avons assisté, c’est l’indigne performance “d’acteur” du premier rôle qui a, de toute évidence, suffi à rendre vains tous leurs efforts compensateurs. À nos yeux, du moins. Et si, malgré tout, nous vous faisons et vous déclarons “Saint”, Chevalier de Saint-Ribbe, au sortir de notre conclave privé, c’est, je vous l’avoue, à titre parodique, de rage et de dégoût devant un tel gâchis.
Lors de ce prélude à la projection publique (hélas !) de votre “œuvre” le 10 mai prochain, sur France Télévisions (FR3 plus précisément, à 23h50, heure de moindre audience, fort heureusement), soir du 10ème anniversaire de la loi française reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité, vous nous aviez également conviés à vous rejoindre plus tôt dans la soirée, ce même 10 mai justement (à 18h), Place du général Catroux, au pied du monument au Général Dumas, que vous avez si activement contribué à faire ériger. Je n’y serai pas. Je crains encore trop d’y assister à la mise en spectacle de votre magnificence. Mais je m’y rendrai, le lendemain, pour rendre respect et hommage à la mémoire d’un authentique héros méconnu de notre histoire, et aux vertus, aux valeurs de courage, d’honneur et de partage dont ce monument symbole est à mes yeux porteur. En toute humilité.
Cette franchise abrupte, certes, mais à visée constructive, cet appel ardent au retour à la raison et à l’humilité, en ma défectueuse qualité de compatriote attristé, de défunt frère de cœur sinon d’armes, je vous les devais. Recevez-les pour ce qu’ils sont. Et pour vous quitter sur une note moins funeste, permettez-moi d’emprunter à un autre auteur de belle mémoire, le Sieur Ronsard, la dernière strophe de l’un de ses poèmes les plus flamboyants, pour la déposer sur la tombe de votre forfait :
« Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses. »
Mes bien sincères condoléances, Chevalier.
Daniel Rollé
Claude Ribbe et les autres,....en toute simplicité !
Ce renvoi au blog de M.Claude Ribbe m'a paru utile pour lier connaissance, pour les incultes qui l'ignoreraient encore, avec cet humaniste hors norme.
Le scrutateur.