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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Gilbert de Chambertrand, par Edouard Boulogne.

Gilbert de Chambertrand.

Gilbert de Chambertrand est cette étonnante figure guadeloupéenne des lettres et des arts, qui, né à Pointe-à-Pitre, rue Bébian (la maison existe encore, et, abandonnée, mériterait d’être restaurée et sauvée, forme assez typique de la maison urbaine créole de la fin du 19è siècle) en 1890, est mort en 1984 à Maisons-Alfort, près de Paris. Adolescent, j’en avais retenu le titre pittoresque d’une de ses œuvres « Titine Grosbonda ».

C’est ma vieille institutrice, Suzanne Gauthier, qui, en 1978, m’en parla plus longuement, avec vivacité, malgré sa voix cassée de nonagénaire, usée par plus de soixante années d’enseignement. Suzanne habitait rue Bébian, juste en face du « charnier natal » du cher Gilbert. Elle l’avait bien connu, avait participé, bien des décennies auparavant, à des soirées poétiques qui se donnaient entre jeunes de ces temps très anciens à St-François dans l’est de la Guadeloupe.

J’avais entraperçu Gilbert de Chambertrand en 1963, lors d’un bref séjour de l’écrivain dans son pays natal qu’il avait quitté depuis 1929. J’eus envie de prendre contact avec lui et lui écrivit à l’occasion d’une enquête que j’entreprenais dans le journal Guadeloupe 2000 sur la poésie.

La réponse fut une série de cinq articles magnifiques qu’il publia dans la foulée sous la forme d’une élégante plaquette de 48 pages sur laquelle nous reviendrons plus loin.

Je publiai aussi, en guise d’illustration son très beau poème, composé spécialement pour mon journal sous le titre de « Vive la vie ». Vraie profession de foi, très juvénile, de ce vieillard de 90 ans, à qui je fis visite l’année suivante à Maisons-Alfort. Sa conversation demeurait éblouissante, et les années suivantes, jusqu’à sa mort nous échangeâmes une correspondance qui pourrait mériter, un jour, une publication, même partielle.

On lira ci-dessous le poème « Vive la vie », et je propose aux lecteurs du Scrutateur, que cela pourrait intéresser d’acquérir, gratuitement, un exemplaire de cet ouvrage très peu connu « Considérations sur l’Art Poétique », tiré à 300 (trois cents) exemplaires, dont j’assurai tant bien que mal la diffusion en Guadeloupe et dont il m’en reste une vingtaine.

Ce sont ces exemplaires que je destine contre seulement 3 timbres postes (les frais d’expédition) aux vingt premiers lecteurs qui m’en passeront la commande à l’adresse suivante : Edouard Boulogne, Tour Massabielle, 97110. Pointe-à-Pitre.



Vive la vie !

 
 Je suis las et recru comme un vieux patriarche.
J'entends venir à moi la douce nuit qui marche,
Docile au vœu baudelairien,
Et, poursuivant des  yeux mon passé qui recule
Dans les  molles vapeurs d'un brumeux crépuscule,
Mes regards  n'y distinguent rien.


Mes pas n'ont pas laissé de traces dans le sable
Et, sur l'écran des jours, mon oeuvre périssable
Hélas !  n'aura pas survécu.
Je n'ai su ni voulu bâtir une opulence;
Je n'ai pas offensé de faux-poids ma balance;
J'ai toujours manqué d'un écu.


Et pourtant, et pourtant si c'était à refaire,
Malgré  l’expérience et les regrets,  j'infère
Qu’ empruntant le même chemin
Je meurtrirais ma chair aux mêmes chocs sans doute
Et serais à nouveau, sur la pierreuse route,
Le pauvre gueux qui tend la main.

 Mais    tandis s qu'en leur soir les êtres que  nous sommes
Ne retrouvent jamais leur premier paradis,
II n’est point d'amertume aux choses que je dis,
Car rien ne peut troubler mes veilles ni mes sommes.

Je souris à la vie et souris au destin
Et la joie habite au fond de mes moelles.
J'ai donné mon cœur à l'or des étoiles,
A l'or du soleil qui dissout les voiles
De la timide aurore et du pâle matin.
Que m'importe donc ou gloire ou fortune ?
 De telles faveurs je ne brigue aucune,
Mais j'aime voir luire un rayon de lune
Sur le brin d'herbe proche ou sur l'arbre lointain.

Chaque phase du jour vient parer la nature
De la blancheur de l'aube aux flammes du couchant,
Et l'oiseau matinal qui module son chant
Dit à l'azur merci pour la belle aventure.

La brise dans les blés met un mouvant frisson;
Au vent qui leur dit de tendres paroles
Les coquelicots ouvrent leurs corolles.
Les cirrus neigeux sont des banderoles
Qui fêtent le retour de la bonne saison.
Le rouge corset de la coccinelle
Orne le rideau vert de la tonnelle;
De son tapis bleu la mer éternelle
Rejoint partout le ciel au bout de l'horizon.

Le papillon géant de mon île natale,
Étendu sur le flot et dans mon souvenir,
Enchante chaque jour mon âme occidentale
Attendant sans souci la mort lente à venir.

Et puis comment pourrais-je être triste ou morose
Alors que chaque lis, alors que chaque rose
Offrent leurs grâces au soleil,
Et que je suis l'heureux amant de ma Chimère,
Et que chaque bambin qui sourit à sa mère
Reçoit un sourire pareil ?

Si moi-même ai perdu l'ardeur de la jeunesse,
II suffit maintenant que mon cœur reconnaisse
Qu'elle éclate ailleurs aujourd'hui:
Toujours des amoureux vont à deux par les rues,
Et de jeunes beautés, chaque soir accourues,
Narguent le temps qui s'est enfui.

Qu'importe donc, qu'importe une ombre qui s'efface ? 
Le monde a pour jamais son émouvante face
Que rien ne saurait déformer,
Et les nouveaux garçons qui hantent les charmilles,
Buvant l'azur du ciel dans les yeux bleus des filles,
Sont ivres du bonheur d'aimer !

GILBERT DE CHAMBERTRAND.
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C
Il y avait également deux recueils de dessins, toujours accompagnés de phrases humoristiques <br /> "Mi Yo !" et "choses et gens de mon patelin", sauf erreur .<br /> <br /> Plus célèbre que M de Chambertrand, une poétesse qui résida longuement sur l'île de la Réunion, remercie Dieu pour les rencontres du Voyage en cette Terre des Hommes<br /> (Seule la moitié en est retranscrite<br /> <br /> Poésie : Merci, mon Dieu<br /> <br /> Recueil : Bouquets et prières (1843).<br /> <br /> <br /> J'ai rencontré sur la terre où je passe<br /> Plus d'un abîme où je tombais, seigneur !<br /> Lors, d'un long cri j'appelais dans l'espace<br /> Mon Dieu, mon père, ou quelque ange sauveur.<br /> <br /> Doux et penché sur l'abîme funeste,<br /> Un envoyé du tribunal céleste<br /> Venait toujours, fidèle à votre loi :<br /> Qu'il soit béni ! Mon Dieu, payez pour moi.<br /> <br /> J'ai rencontré sur la terre où je pleure<br /> Des yeux mouillés de prière et d'espoir :<br /> À leurs regards souvent j'oubliais l'heure ;<br /> Dans ces yeux-là, mon Dieu, j'ai cru vous voir.<br /> <br /> Le ciel s'y meut comme dans vos étoiles,<br /> C'est votre livre entr'ouvert et sans voiles,<br /> Ils m'ont appris la charité, la foi.<br /> Qu'ai-je rendu ? Mon Dieu, payez pour moi.<br /> <br /> J'ai rencontré sur la terre où je chante<br /> Des coeurs vibrants, juges harmonieux<br /> Muse cachée et qui de peu s'enchante,<br /> Ecoutant bien pour faire chanter mieux.<br /> <br /> Divine aumône, adorable indulgence,<br /> Trésor tombé dans ma fière indigence,<br /> Suffrage libre, ambition de roi,<br /> Vous êtes Dieu ! Mon Dieu ! Payez pour moi.<br /> <br /> Marcelline Desbordes-Valmore
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T
Bonjour monsieur,<br /> Auriez-vous quelques renseignements sur l’emplacement de la maison qui remplace désormais celle de Gilbert de Chambertrand?
Répondre
J
<br /> Monsieur, je lis avec intérêt votre portrait de Gilbert de Chambertrand. Ce recueil est-il encore accessible ? Je souhaiterais le lire, pour ce Printemps des poètes 2013.<br /> <br /> <br /> Courtoisement,<br /> <br /> <br /> JB<br />
Répondre
E
<br /> <br /> Cher monsieur, <br /> <br /> <br /> Il me reste 4 exemplaires de ce petit ouvrage de M. de Chambertrand. <br /> <br /> <br /> Ecrivez-moi par la voie Contact, repérable tout au bas de la page d'accueil du Scrutateur, et je vous l'adresserai à votre adresse que vous aurez bien voulu m'indiquer. <br /> <br /> <br /> Cordialement. <br /> <br /> <br /> E.Boulogne. <br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Monsieur Boulogne,<br /> <br /> <br /> Je suis tombé sur votre site en faisant quelques recherches généalogique. Il se trouve que je suis l'arriere petit fils de Gilbert de Chambertrand et j'aimerais énormément faire l'aquisition d'un<br /> de ses livres afin de l'offrir a mon père pour les fetes de Noël.<br /> <br /> <br /> Pourrais-je vous effectuer le paiement des 3 timbres postes via Paypal afin d'esperer recevoir ce livre avant le reveillon? <br /> <br /> <br /> Merci d'avance de votre réponse<br />
Répondre