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Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis
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Lavage de cerveau en Chine
communiste.
( L’actualité rappelle à ceux qui l’auraient oublié que le communisme n’est pas mort. Si la Chine ayant pris conscience que les méthodes de
gestion « socialistes » conduisent à l’échec et à la misère, adopte depuis une dizaine d’années des modes de gestion « capitalistes", elle n’en a pas moins conservé un régime politique de type
communiste. Le totalitarisme subsiste là-bas, avec son cortège d’intolérances et d’atrocités. La féroce répression au Thibet m’a rappelé une lecture ancienne, celle du livre du père Dries Van Coillies : J’ai subi le lavage de cerveau (éditions Desclée
de Brouwer) parue en 1964. Dès la prise du pouvoir à Pékin par les communistes en 1949, la plus sanglante répression s’abattit sur cet immense et malheureux pays. Des millions de réfractaires
furent déportés dans des camps de concentrations et de « rééducation ». Des Chinois, pour leur immense majorité, mais aussi des étrangers, parmi lesquels le missionnaire jésuite Belge Dries Van
Coillie, dont le péché était d’être chrétien. Van Coillie malgré une résistance psychologique
et morale exceptionnelle, fut profondément atteint dans sa personnalité. Pourtant il fut
libéré en 1954. C’était au moment de la conférence internationale de Genève (où fut notamment entérinée l’indépendance de l’Indochine et sa livraison au bloc communiste). Pékin, à cette
occasion, comme gage de son « humanisme » et de sa bonne volonté, consentit la libération de quelques dizaines de prisonniers, parmi lesquels Van Coillie. En 1964, ce dernier publia ses mémoires de prisonniers sous le titre de « J’ai subi le lavage de cerveau
». Témoignage bouleversant, qui mériterait d’être réédité ; Le grand philosophe Gabriel Marcel, par sa préface, contribua au succès de l’ouvrage. C’est cette préface que je
reproduis ci-dessous, en guise de contribution au combat de tous ceux qui luttent ces jours-ci contre la répression au Thibet. J’ajoute que lutter contre la dictature du parti communiste chinois n’est pas seulement un acte de défense du Thibet humilié, écrasé, mais un acte, aussi,
pour le peuple chinois, victime au quotidien d’un des plus effroyables systèmes idéologiques que l’imagination de l’homme ait inventé : le marxisme léninisme.
Edouard Boulogne. ).
La préface de Gabriel Marcel :
« Ce livre constitue un nouveau témoignage — et non un des moins accablants — sur les méthodes mises en oeuvre dans les pays commu-nistes pour
extorquer à ceux que l'on considère comme les ennemis du régime les faux aveux par lesquels, bien loin de se « libérer », ils se trouveront réduits à la condition d'esclaves et de
complices. Je me suis souvent exprimé — en particulier dans mon étude sur les Techniques
d'Avilissement — sur le crime de lèse-humanité que constituent de tels procédés. Et peut-être n'aurais-je pas consenti à exprimer une fois encore, dans un contexte à peine renouvelé,
l'indigna-tion que ce crime éveille en moi, si la reconnaissance du gouvernement de Pékin par la France ne créait pas pour nous une situation très délicate à laquelle il faut prendre
garde. Sur l'opportunité de cette reconnaissance, je n'ai pas à me prononcer ici. J'ai
d'ailleurs refusé de signer une protestation à laquelle on m'avait demandé de m'associer. Ceci ne veut pas dire que j'approuve, mais plutôt que je ne me sens pas qualifié pour émettre une opinion
vraiment motivée sur un acte purement politique comme celui-là. En revanche, j'éprouve le besoin de dénoncer la campagne qui déjà s'amorce en France pour réhabiliter plus ou moins explicitement
ceux qui se sont rendus coupables des forfaits que j'ai dits. Plus ou moins explicitement, je le répète : en fait ceux qui, pour des motifs souvent inavouables, s'efforcent de manipuler une
opinion publique dont la ductilité n'est plus à dé-montrer, procèdent de façon indirecte; plutôt que de s'attaquer de front à l'obstacle, ils s'efforcent de le tourner. Ils trouvent un appui dans
l'incroyable faculté d'amnésie qui est sans doute une consé-quence de la surcharge à laquelle les événements ont soumis les es-prits depuis un certain nombre d'années. Et n'omettons pas non plus
le rôle néfaste que joue ici un certain snobisme entretenu par le spectacle. Dans ces conditions, la vigilance s'impose : nous avons à lutter en nous-mêmes contre tout ce qui nous invite à la
distraction et au sommeil. Il est possible, je n'en disconviens pas, que nous ayons intérêt à développer avec la Chine des relations commerciales et que notre indus-trie trouve là un débouché
précieux, — bien qu'on voie assez mal en vérité quelle pourra être la contre-partie de ce que nous lui fournirons.( Ce texte date 1964. Note du Scrutateur ). On peut admettre aussi à la rigueur
que, sur le plan de la science et de la technique, une certaine coopération puisse être instituée. Mais une ligne de démarcation précise devrait être tracée entre ce domaine et celui de la pensée
proprement dite qui se renie, qui se suicide, si elle ne main-tient pas coûte que coûte le caractère imprescriptible de certaines valeurs. Et je vise ici aussi bien la vérité que la justice dont
l'histoire, à la lumière de la réflexion, nous montre qu'elles sont étroitement solidaires. D'autre part, il est une illusion dont nous avons à nous défendre : c'est celle qui consisterait à
s'imaginer que les procédés odieux qui sont décrits dans ce livre sont réservés à des peuples peu évolués et que nous ne risquons pas de les voir appliquer un jour chez nous. C'est là . un
non-sens, ne serait-ce que parce que les Chinois ont derrière eux des siècles, presque des millénaires de civilisation qui ne le cèdent en rien à l'héritage dont nous nous enorgueillissons
nous-mêmes. Dès lors, nous avons à nous garder d'une présomption aveuglante qui ne peut en fait que frayer la voie à la subversion. Je me référerai ici très précisément à un passage de l'ouvrage qui m'a particulièrement
frappé. Le Père Van Coillie venait de subir toutes sortes de sévices sur les-quels je ne
m'étendrai pas.. Il est soudain mis en présence d'un homme jeune qui porte des vêtements civils et qui lui témoigne une sympathie surprenante. « Comme tu as été maltraité! Quel triste aspect te
donnent ces menottes, ces chaînes, cette chemise déchirée, ce visage noir de saleté! » En présence de cette compassion, le malheureux se sent soudain fondre de reconnaissance. La conversation
s'engage. Mais d'abord l'autre s'inquiète de savoir s'il n'a pas soif. Sur sa réponse affirmative, il prend un verre et le remplit de thé chaud. Il explique alors que son père était diplomate,
que lui-même a été attaché d'ambassade à Tokyo, puis à Paris où il a découvert la philosophie d'Auguste Comte, à laquelle il a d'abord adhéré avec ardeur. Aux Etats-Unis, il a succombé à une
sorte de nihilisme, mais l'étude du marxisme l'a libéré : depuis qu'il a rencontré le communisme, il est heureux. Pourquoi Van Coillie ne suivrait-il pas son exemple? Lui-même est tout prêt à
l'aider. Pour cela, il faut d'abord qu’il se mette en règle. Van Coillie a déjà avoué au juge qu'il avait aidé des étudiants à quitter le territoire de la Chine communiste et qu'il a créé une
petite organisation pour favoriser d'autres départs. N'y a-t-il pas là une base suffisante pour les aveux exigés? « Non, déclare l'autre, il faut que nous cherchions du côté « renseignements
d'espionnage ». Ne t'inquiète pas, Van Coillie, tu vas simplement répondre à mes questions... As-tu parfois envoyé des lettres à l'étranger? — Oui. — Même après la prise du pouvoir par les
communistes? — Oui. — Dans ces lettres, parlais-tu du com-munisme, de la situation nouvelle de la Chine? — Oui.— Explique-moi concrètement ce que tu as écrit, donne-moi un exemple. » Van Coillie
se creuse la tête, non pour se rappeler ce qu'il a écrit, mais pour inventer quelque chose de plausible. « J'ai écrit qu'en février 1949 la 8ème Armée communiste est entrée dans Pékin ». L'homme
ne put cacher son contentement. « Parfait, nous allons maintenant analyser cette information ». D'une part, elle est militaire; d'autre part, Van Coillie l'a envoyée à des membres de sa famille,
qui l'ont certaine-ment transmise à d'autres personnes, à des amis, à des voisins. Il y a tout lieu de supposer que l'information est parvenue au gouvernement de Bruxelles. Or, celui-ci est
réactionnaire. «Je résume : tu as envoyé des informations militaires à un gouvernement réactionnaire, donc , ennemi du peuple. Mais qui accomplit de telles aides, sinon un espion? ; Tu es donc un
espion et même, ajoutons-le, un espion international ». Le tour est joué. On voit donc comment, sans qu'il soit le moins du monde nécessaire de faire appel à une drogue ou à un « traitement », en
jouant seulement sur la fatigue et la dépression et sur l'espèce de réconfort illusoire créé par un témoignage de sympathie (!), on arrive à obtenir exactement ce que l'on cherche. Mais, à partir
du moment où le malheureux a collé sur lui-même l'étiquette d’espion international », il est à la merci de son bourreau, il ne peut plus compter que sur sa clémence et il est comme d'avance prêt
à dire ou même à faire n'importe quoi pour se la concilier. Qu'un régime où de telles méthodes
sont employées ose se qualifier lui-même de démocratie, c'est là une impudence qui confond. La
première utilité d'un ouvrage comme celui-ci est d'empêcher les esprits justes de s'y laisser prendre. Mais d'autres leçons s'en dégagent qu'il importe de résumer
brièvement. " J'ai dit ailleurs (dans Les Hommes contre l'Humain notamment) à quel point les
techniques d'avilissement et de manipulation des consciences ont pris pied dans le monde où nous sommes nous-mêmes. L'habileté des méthodes et leur « humanité » apparente ne peuvent nous aveugler
sur leur nature. On ne saurait assez réfléchir au pouvoir de séduction et de corruption des fanatismes, des propagandes tentaculaires, de la radio, de la télévision, de la presse à sensation,
etc, sur une opinion dont personne ne peut plus douter aujourd'hui qu'elle soit ce qu'il y a de plus malléable au monde. Et on ne peut manquer aucune occasion de rappeler que les sciences et les
techniques ne deviendront entièrement respectueuses de la dignité et de la liberté humaines et entièrement bienfaisantes que si elles échappent aux égoïsmes individuels et étatiques pour se
mettre au service d'une activité spirituelle orientée vers des fins supérieures. Peut-on douter qu'à, défaut l'homme risque d'être traité de plus en plus comme un simple matériel que l'on
façonne, que l'on « conditionne » pour satisfaire, selon les cas, la cupidité ou la volonté de puissance? Mieux vaut sans doute ne point évoquer trop concrètement ici cer-taines méthodes policières, très répandues semble-t-il dans le monde libre, qui sont bien
proches des procédés évoqués dans cet ouvrage. Plusieurs nations, par l'intensité même de leurs divergences, semblent s'acheminer vers des situations troubles où, sans aucun doute, ces méthodes
seraient appliquées sur une grande échelle. Je ne puis m'étendre sur ce sujet car je veux dire
un mot du livre lui-même, et avant tout pour signaler la charité qui l'imprègne.
Après sa libération, l'auteur de cet ouvrage rencontre un jour le Père Ulrich Lebrun, qui eut l'infortune de subir successivement les
sévices de Buchenwald et celles de Pékin. Dries Van Coillie lui pose la question : — Où avez vous souffert le plus cruellement? A Buchenwald ou à Pékin? La réponse est nette : Je préfère dix ans
de Buchenwald à un an de Pékin! Et d'expliquer qu'à Buchenwald, après les pires tourments, il se retrempait dans la chaude et virile amitié des autres prisonniers. Tandis qu'à Pékin, il subissait
les incessantes attaques, veules et haineuses, de ses frères de malheur. Et la haine de ceux qui trahissent est la plus difficile à supporter. Et cependant, ce livre est d'une sérénité remarquable. Visiblement, l'auteur aime le peuple chinois avec une
prédilection que son long martyre n'a pu entamer. Il dit ce qu'il a subi, sans engager aucune polémique, sans proférer aucune inventive. Il plaint les victimes, devenues ses bourreaux. Cela ne
fait aucun doute: s'il dénonce ces méthodes inhu-maines à la « conscience universelle », c'est pour qu'elles cessent. QUI POURRAIT DIRE QUE CET EFFORT NE SOIT PAS OPPORTUN? La version française mérite des louanges. Le tour en est vif, alerte, direct. La langue est précise et pure. Au fond
des geôles de Mao Tsé-Tung, l'auteur n'avait point perdu l'humour calme et souriant qui suppose la maîtrise de soi.