Lettre au Recteur de la Guadeloupe sur des historiens jocrisses de son académie, par Edouard Boulogne.
29 Juin 2007
Rédigé par Edouard Boulogne et publié depuis
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« Historiens » jocrisses à l’Académie de
Guadeloupe.
Le hasard d’une recherche, sur internet, concernant les résultats du baccalauréat en cours me conduit, par le site www.ac-guadeloupe.fr, jusqu’au CRIA (Centre Relais Informatique
Académique). Je tâtonne un peu à la recherche de mon butin, et je tombe, par hasard (mais le hasard existe-t-il ?) sur
. Pas de résultats du Bac, mais une sorte de nomenclature historique. Avant de quitter, coup d’œil rapide, sur les noms de Schoelcher, de Perrinon, de Constant Sorin, et là,
je crois rêver ; je lis dans ce glossaire édité sous les auspices de l’éducation nationale, et du Rectorat de la Guadeloupe, ce qui suit
:
« Sorin : Constant Sorin a été gouverneur de la Guadeloupe du 30 avril 1940 au 15 juillet 1943. Officier allemand envoyé par Hitler pour commander la
Guadeloupe. Pour certains l’expression « En tan Sorin »(au temps où Sorin gouvernait) est synonyme pour certains de misère, de privation, d’inquiétude du lendemain, et pour d’autres de travail
».(Sic).
Qu’un scribouillard inculte, ou quelque militant (ou militante ! !) troskyste écrive ce tissu d’insanités, admettons, c’est dans l’ordre ! Ce qui est grave, c’est que le délit soit commis
sur un site officiel de l’éducation nationale et avec la caution, même s’il en ignore l’existence, du recteur de l’académie de Guadeloupe.
On voit quelle conception ont de l’histoire, les gens qui prétendent l’écrire, et quel danger ils représentent pour les esprits des jeunes Guadeloupéens, livrés à l’imbécillité et à la
malhonnêteté de ces curieux éducateurs.
Je voudrais apporter ici quelques correctifs à cette logorrhée.
1. Il se trouve qu’en 1967, j’ai rencontré, à sa demande, sur recommandation d’un vieil ami de la Guadeloupe, rue Arsène Houssaye, près de l’Etoile, l’ancien gouverneur Sorin. Je ne pus
l’accompagner, comme il l'aurait voulu, dans le cycle de conférences qu’il s’apprêtait à donner à des étudiants antillais dans diverses villes de métropole. Nous étions en effet à la fin de
septembre, et quelques jours plus tard je m’apprêtais à regagner ma Guadeloupe pour y prendre mon premier poste d’enseignant. Mais je gardai de cette heure d’entretien qu’il voulut bien m’accorder une impression très forte, et le souvenir très vif de l’explication, forcément sommaire en un moment si bref, mais
lumineuse, de la politique qu’il fut amenée à conduire en Guadeloupe de 1940 à 1943. L’impression aussi d’une personnalité de grande envergure, posée, équilibrée, ayant gardé avec la Guadeloupe,
à cette époque là encore, tant la Guadeloupe économique, que politique, des liens réels quoique discrets(il m’en donna plusieurs exemples).
Je me souviens aussi de son propos, et de son sourire teinté d’ironie, tandis qu’il me raccompagnait à l’ascenseur : « Bref ! j’ai prouvé que la Guadeloupe pouvait vivre autonome, et quasi
autarcique. Mais je doute fort que les Guadeloupéens veuillent de cette autonomie là pour leur avenir ».
2. Le deuxième correctif m’est apporté par l’historien et universitaire antillais Lucien-René Abenon dans sa Petite histoire de la Guadeloupe (l’Harmattan). A la page 179 de son ouvrage monsieur Abenon écrit : « …. Le 20 juin 1940 Georges Mandel, siégeant toujours au Ministère des Colonies, nomma Constant Sorin aux fonctions de gouverneur de
la Guadeloupe. C’était un ancien officier passé au service de l’inspection des Colonies. Personnage discuté, sa personnalité reste encore mal définie. Il eut ses thuriféraires comme ses
détracteurs acharnés. Chargé de maintenir l’ordre au cours d’une période difficile, il l’a fait sans états d’âme excessifs. Il s’appuyait sur la présence de la Jeanne d’Arc, aux ordres de
l’amiral Robert(…). Le gouverneur de la Guadeloupe fut peut-être plus le jouet des évènements que le maître d’une situation que nul ne pouvait dominer. On a dit qu’il s’inquiétait du sort de ses beaux
parents israélites demeurés en France et que c’était la raison pour laquelle il demeura d’obédience vichyste alors qu’il aurait eu la velléité de se rallier à la France libre(….) ». On le voit : si monsieur Abenon (politiquement correct oblige !) demeure prudent, « personnalité controversée » (quel homme politique d’ailleurs ne l’est pas), etc, on cherche en vain
dans son livre les perles de stupidité du genre « officier allemand envoyé par Hitler ». Non seulement il n’en est rien, mais C.Sorin avait épousé une juive, il avait sérieusement pensé à rallier
de Gaulle, et en fut dissuadé par l’amiral Robert, qui lui montra où était son vrai devoir, : mettre ses capacités au service d’une Guadeloupe au bord du gouffre. De plus il était connu comme un
protégé de Mandel qui fut un adversaire résolu des régimes fascistes, opposé à la politique de Munich et qui fut, en 1944, assassiné par la Milice dans la forêt de Fontainebleau.
3. Mon troisième correctif consiste en la publication ci-dessous d’un article paru peu après la mort de l’ancien gouverneur, dans le tome huit de Hommes et Destins (Gouverneurs,
Administrateurs, Magistrats) , publié par l’Académie des sciences d’outre-mer. En voici le texte intégral :
« Constant SORIN (1901-1970).
Le gouverneur Constant Louis Sylvain Sorin naquit le 27 juillet 1901 dans la petite ville de Landerneau en Bretagne. Sa famille appartenait à la petite bourgeoisie locale, mais son père
était Vendéen. Il se fit remarquer tout enfant par sa vive intelligence et ses nombreuses aptitudes. Ses parents décidèrent alors de l'envoyer au lycée de Morlaix qui avait à cette époque une excellente
réputation. Après de brillantes études d'où il sortit bachelier ès-sciences et philo-sophie (1re et 2e partie) à 16 ans, il fit une licence en droit. Puis il prépara l'École navale; mais à la suite
d'une grave fièvre cérébrale qui l'obligea à suspendre ses études pendant un an, il fut obligé de renoncer à Navale et prépara Saint-Cyr où il est reçu en 1921 à vingt ans. Il en sortit avec le
classement 2e/315 et choisit l'infanterie de marine. De 1923 à 1924, il est instructeur à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr. En 1925, il sert comme lieutenant aux Formations méharistes saha-riennes et jusqu'en 1928 commande le peloton méhariste n° 2 dépendant de la région de Tombouctou (Soudan
français). Il rentre en France et, de 1929 à 1931, il est lieutenant puis capitaine instructeur à Saint-Cyr. Entre-temps il s'était marié et une fille lui était née. De 1932 à 1934 il est élève à l'École supérieure de guerre d'où il sort breveté d'État-major avec la mention très bien. L'année suivante il est affecté à l'État-major de l'Armée au 3e bureau et toujours attiré par l'outre-mer, prépare en même temps l'inspection des Colonies. En novembre 1936 il subit le
concours de l'inspection des Colonies où il est reçu. Après avoir mûrement réfléchi, il démissionna de l'armée alors qu'un avenir brillant l'attendait. Et commencèrent alors ses missions de contrôle financier et adminis-tratif, qui le conduisirent en Afrique occidentale et Afrique équatoriale françaises durant les années
1937-1938. A la même époque il fut promu chevalier de la Légion d'honneur. A la mobilisation, en septembre 1939, il est affecté à la direction des Affaires économiques du ministère des Colonies, comme directeur-adjoint. En janvier 1940, M. G. Mandel alors
ministre des Colonies lui proposa le poste de gouverneur de la Guadeloupe, pour y remettre de l'ordre et rétablir l'économie de l'île en pleine débâcle. Mais il lui fallait donner sa démission de
l'inspection des Colonies, ce qu'il fit après quelques jours de réflexion. En février 1940 il fut nommé par décret, délégué dans les fonctions de gouverneur de la Guadeloupe, fonctions qu'il assuma jusqu'au 15 juillet 1943. Débarqué fin avril 1940, il trouve une île se débattant dans une très grave crise économique et financière. La période qui suivit fut très difficile, à cause du blocus maritime anglo-américain, blocus qui dura plus d'un an. Dès l'arrivée du gouverneur Sorin celui-ci comprit qu'il fallait
maintenir à tout prix la production sucrière pour assurer l'avenir et nourrir la population qui en vivait, et développer au maximum les cultures vivrières, et la pratique de la pêche en mer,
quasiment ignorée des Guadeloupéens. C'est grâce à l'impulsion donnée dans ce sens, à son travail acharné et à sa ténacité que les effets du blocus furent minimisés et que la Guadeloupe put même
exporter des légumes et des bananes vers la Martinique. Il est vraisemblable que le sort des Guadeloupéens eut été bien pire sous le gouvernement d'un homme moins dynamique, moins réaliste et moins énergique. Le 15 juillet 1943, les gaullistes ayant pris possession des Antilles, les autorités restées fidèles au maréchal Pétain, sont prises en charge par la Marine de guerre des U.S.A. et sont
rapatriées en France via Miami, le Portugal et l'Espagne. Le gouvernement de Washington traita ses hôtes avec les plus grands égards et assura lui-même le paiement des soldes des Français
complètement démunis d'argent à leur départ des Antilles. Arrivé en France en novembre 1943, le gouverneur Sorin demande au gouvernement de le mettre en position de congé. Quand vient la libération de la France, et après de multiples démarches
et bien des avanies, il réussit à partir pour les Armées avec son grade de capitaine mais comme officier de réserve. Il fait la campagne d'Alsace et d'Allemagne sous les ordres du général Valluy
(1re Armée) et reçoit la croix de guerre 1939-1945 avec une citation à l'ordre de là Division. En juillet 1945, il est affecté à l'état-major du général Leclerc, comman-dant le Corps expéditionnaire d'Indochine et il est promu chef de bataillon en septembre de la même
année. Il débarque en Indochine en novembre 1945 et y restera jusqu'en avril 1948. Il gagnera une seconde citation à l'ordre du Corps d'armée. Démobilisé il rentre pour quelques mois au Comité interprofessionnel du Rhum, puis le quitte et part pour Madagascar comme délégué du Groupement d'achat des produits oléagineux. Il se
remaria en 1950 et revint en France en 1952 et devint conseiller technique au Bureau d'Études pour le développement de la production agricole dans les T.O.M. Il fut envoyé deux fois en mission
pour le compte du ministre de la France d'outre-mer à Madagascar, et une troisième fois en Nouvelle-Calédonie. C'est au retour de Nouméa qu'il s'arrête en Guadeloupe en août 1956 et reprit
contact avec ses anciens administrés. Deux ans plus tard il fut appelé à la présidence du Syndicat général des producteurs de sucre des Antilles françaises. Pendant dix années il défendit avec
énergie, compétence et talent les intérêts vitaux des Antilles non seulement en France mais encore à là C.E.E. à Bruxelles.. C'est ainsi qu'elles jouissent des mêmes avantages que la métropole
dans le Marché commun. Le gouverneur Sorin était attaché à la Guadeloupe et il y revint plusieurs fois. Il y reçut toujours un accueil chaleureux de ses anciens administrés... surtout des plus
humbles. Il fut un grand serviteur de la France qu'il aimait avec passion, et le grand défenseur des petites gens dont le sort le hantait. Il était très ouvert, parfois rude quand il le fallait et
pas le moins du monde démagogue. Il savait discerner l'intérêt général et le servait avec passion. Mais il portait une profonde blessure due à sa révocation arbitraire de 1943, révocation qui n'empêcha pas qu'il remplit de nombreuses missions pour le gouvernement et qu'il était très
bien accueilli dans les sphères officielles. Pendant des années depuis 1954, il tenta par la voie officielle et enfin par le Conseil d'État de faire abroger le décret prononçant sa révocation de gouverneur des Colonies. Enfin une
sentence du Conseil d'État en date du 26 novembre 1969 lui rendit ses droits et l'administration fut contrainte de reconstituer sa carrière de gouverneur vingt-six ans après qu'elle eût été
brisée. La justice avait beaucoup tardé, mais elle était venue in extremis réparer dans la mesure du possible le dommage qu'il avait subi. Le gouverneur Sorin s'est éteint à l'hôpital de Neuilly le 20 janvier 1970. Il était officier de la Légion d'honneur et commandeur de l'ordre du Mérite.
ANNEXE Copie des citations militaires du gouverneur Sorin Citation, 30 mai 1945 (Campagne d'Allemagne). « Capitaine de réserve, mobilisé sur sa demande. Depuis son affectation 6° régiment d'infanterie coloniale, n'a cessé de faire preuve du plus
large esprit d'initiative et d'ardeur jamais ralentie. A commandé avec beaucoup d'habileté l'opération entreprise le 22 avril 1945 pour reconnaître les villages de la région Sud de Fribourg. A
rempli parfaitement sa mission et capturé de nombreux prisonniers après avoir réduit les dernières résistances ennemies. Officier de réserve d'une valeur exceptionnelle qui, par ses
qualités professionnelles, son esprit et son attitude, est un modèle pour tous ses camarades. La présente citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec étoile en argent; cette
citation est à l'ordre de la division ».
2e citation, 18 juillet 1947 à l'ordre du Corps d'armée (Indochine}.
« Après avoir participé à la Campagne d'Allemagne, a été chargé dès le mois de juillet 1945, de jeter les bases du Service social des TEF-TEFEO et d’apporter aux premières unités partant
pour l'Extrême-Orient une aide morale et matérielle. Arrivé en Indochine en décembre 1945 a su mettre en place un organisme qui, sous son impulsion, a pu aborder et résoudre rapidement les différentes questions sociales. A conçu et mis sur
pied un programme de vaste envergure dont les réalisations dans l'ordre médico-social, économico-social et culturel ont apporté une aide précieuse au commandement ainsi qu'à chaque homme du Corps
expéditionnaire. Comme officier du Moral, s'est attaché à renseigner le commandement en lui proposant en même temps des solutions opportunes. Pour visiter les hommes et mieux comprendre les problèmes s'est fréquemment déplacé par la route ou en avion dans les régions les plus exposées. Officier supérieur de réserve pratiquant et portant à leur plus haut point les vertus d’abnégation, de labeur et de patriotisme. Cette citation comporte l’attribution de la croix de
guerre 1939-1945, avec étoile de vermeil ».
Quoique l’on pense de la politique de monsieur Constant Sorin, il n’est permis à aucun homme de procéder de façon hitlérienne, ou pire, stalinienne, à un travestissement total de sa vie
et de son œuvre. Cela est encore moins admissible quand l’entreprise falsificatrice émane de soi-disant éducateurs, et prétendus historiens opérant sous le couvert de l’éducation nationale. C’est la raison pour laquelle j’adresse cette lettre à monsieur le Recteur de l’académie de Guadeloupe, pour qu’il mette bon ordre dans ce foutoir.