“Mais racontez-le donc, hein ! Jean-Luc Mélenchon et Brice Hortefeux qui discutent ensemble, ah ça vous plaît, hein, ça vous amuse !”, s’emporte Jean-Luc Mélenchon.
Mais que se passe-t-il donc ? Il y a des conversations qu’on a du mal à assumer, manifestement, surtout quand elles ont lieu en public. Ce mercredi 26 octobre, alors que se tient la session du Parlement européen à Strasbourg, deux députés sont en pleine conversation au bar des parlementaires, après le vote du budget, à 13 h 30 : Brice Hortefeux et Jean-Luc Mélenchon.
La scène pourrait s’arrêter là. S’il ne transparaît dans cette conversation ni animosité ni antipathie, plutôt une certaine camaraderie entre deux hommes politiques de bords opposés, quoi de plus normal pour des députés européens, de la même nationalité qui plus est, que de converser ensemble ? Au Parlement européen, résume un député français:
“Il y a un phénomène d’extraterritorialité qui rapproche. Comme lorsqu’on rencontre un autre Français à 10 000 kilomètres de la France. Ici, tout le monde parle à tout le monde.”
Pourtant, en nous apercevant, le photographe de Myop Guillaume Binet et moi-même, en reportage pour suivre un autre député européen et reconnaissables à nos badges et Leica, Jean-Luc Mélenchon s’est brusquement interrompu. Puis il a foncé sur nous pour nous apostropher avec véhémence.
Visiblement gêné par la réaction de son collègue, Brice Hortefeux vient nous saluer aimablement. Jean-Luc Mélenchon refuse d’en faire autant. Nous essayons de l’interrompre: “On pourrait peut-être commencer par se dire bonjour, M. Mélenchon, non ?”
Rien à faire, le député européen est monté sur ses grands chevaux. Deux élus français à nos côtés tentent de dédramatiser : “Jean-Luc, calme-toi, enfin.” Nous lui expliquons que nous n’avons pas pris de photo ni tweeté la scène. En somme, que nous passions juste à côté. Oui, nous les avons regardés. So what ? Comme nous avons vu Eva Joly qui marchait devant eux, sans les apercevoir.
Pour nous, l’information n’est pas dans cette scène, que, sans cet incident, nous n’aurions sûrement pas racontée, mais dans la violence de la réaction. Pas d’inquiétude ! On n’en était pas à faire renaître l’alliance gaullo-coco du début de la Ve République !
Jean-Luc Mélenchon serait-il donc inquiet de ce que pourrait penser son électorat s’il apprenait qu’il s’entretient amicalement avec Brice Hortefeux, quand le président du Front de gauche tire à boulets rouges sur lui dans les médias ? Comme ce 31 août 2010 sur BFM : interrogé sur les propos de Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, Jean-Luc Mélenchon estime que:
“C’est sa tête qui est un terrain vague, à cet homme-là. Il n’y a rien dedans : des mauvaises herbes, des pensées névrosées, la peur de l’étranger, la haine de tout le monde. Pour dire autant de bêtises et s’y prendre aussi mal.”
Dès lors, craindrait-il qu’une photo prise avec Brice Hortefeux lui colle à la peau dans la campagne présidentielle, comme celle de Hollande et Sarkozy à la une de Paris Match qui, en 2005, avait valu au premier secrétaire du PS tant de critiques dans son camp ?
Marion Mourgue