Comment s'étonner que les Français descendent dans la rue ? (par une lectrice lucide).

COURAGE<br /> <br /> Paris a froid, Paris a faim ; Paris, ma belle ville<br /> Paris ne mange plus de marrons dans la rue. Fine comme une aiguille, forte comme une épée,<br /> Paris a mis de vieux vêtements de vieille ; Ingénue et savante,<br /> Paris dort tout debout, sans air, dans le métro. Tu ne supportes pas l'injustice. <br /> Plus de malheur encore est imposé aux pauvres. Pour toi, c'est le seul désordre<br /> Et la sagesse et la folie Tu vas te libérer Paris,<br /> De Paris malheureux. Paris tremblant comme une étoile.<br /> <br /> C’est l’air pur, c’est le feu, Notre espoir survivant,<br /> C’est la beauté, c’est la bonté Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue.<br /> De ses travailleurs affamés. Frères, ayons du courage<br /> Ne crie pas « Au secours », Paris, Nous qui ne sommes pas casqués<br /> Tu es vivant, d’une vie sans égale. Ni bottés, ni gantés ni bien élevés.<br /> Et derrière la nudité Un rayon de soleil s’allume en nos veines<br /> De ta pâleur, de ta maigreur, Notre lumière nous revient<br /> Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux. Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous.<br /> <br /> <br /> Et voici que leur sang retrouve notre cœur.<br /> Et c’est de nouveau le matin, un matin de Paris..<br /> La pointe de la délivrance,<br /> L’espace du printemps naissant.<br /> La force idiote a le dessous.<br /> Ces esclaves, nos ennemis<br /> S’ils ont compris,<br /> S’ils sont capables de comprendre,<br /> Vont se lever.<br /> <br /> Paul ELUARD