21 Octobre 2011
Que se passe-t-il à Mayotte, dernier en date des départements d'outre mer, créé depuis six mois, après un referendum d'autodétermination qui a choisi à 95 % de rester fidèle à une détermination constante, depuis plus de trente ans, des mahorais de rester Français dans le cadre de la départementalisation? Le Scrutateur a choisi pour en parler M. Didier Béoutis, que je connais bien depuis très longtemps, en reprenant l'article qu'il vient de publier sur le sujet dans le journal l'Action Française, n° 2826 du 2 novembre 2011.
Edouard Boulogne.
Six mois après être devenu le 101° département français - c'était le 31 mars 2011 - , Mayotte fait de nouveau la "une" de l'actualité nationale. Depuis la fin du mois de septembre, en effet, l'île aux parfums vit au rythme d'une forte mobilisation sur le thème de la "vie chère". Excédée par la cherté des produits de consommation courante, la population proteste et réclame que des mesures soient prises pour augmenter le pouvoir d'achat et faciliter l'emploi dans le nouveau département français.
Mouvements violents.
II s'agit de mouvements sociaux violents, provoquant barrages de routes et dégradation de mobilier urbain. Le 7 octobre, un jeune Mahorais, qui avait jeté un cocktail Molotov en pleine rue, comparaissait devant le tribunal de grande instance de Mamoudzou. Des dizaines de manifestants s'étaient rassemblés devant le palais de justice pour le soutenir, et la préfecture a dû déployer un important dispositif de sécurité. Des renforts de policiers et de gendarmes sont arrivés de la Réunion et de métropole pour contenir une situation alarmante : des barrages dans l'île empêchaient le passage des véhicules ; par souci de précaution, les commerces étaient fermés. MmeMarie-Luce Penchard, ministre délégué à l'Outre-Mer, est venue sur l'île vendredi dernier, 14 octobre. Elle a annoncé qu'il serait procédé à une enquête sur les marges commerciales pratiquées dans l'île et que, sur les bases des résultats de cette enquête, elle allait " veiller à ce que des mesures soient prises, et s'il le faut, à ce que des sanctions soient prononcées ». Elle a aussi annoncé diverses mesures de tarification et à caractère social : la réglementation du prix de la bouteille de gaz ; une baisse supplémentaire des produits de première nécessité par rapport à ce qui a déjà été négocié ; une réduction, pour les familles disposant de moins de 600 euros de revenus mensuels - soit 60 000 personnes -, de 5 euros par mois sur dix produits de première nécessité. Mme Penchard a aussi appelé le conseil général à faire - un effort en matière d'aide sociale en direction des familles nombreuses ». Il peut être tentant de faire le lien entre accession au statut départemental et vie chère à Mayotte. Nous ne le ferons pas. La vie était aussi chère à Mayotte avant la départementalisation ! La flambée de violence de ces derniers jours est comparable à celle que connaissent parfois nos terres d'outre-mer face à la cherté des prix des produits importés. Souvenons-nous de la grève générale de l'hiver 2009, en Guadeloupe puis en Martinique qui sont des départements français depuis... 1946 ! ( Rappelons toutefois, que contrairement à Mayotte, la Guadeloupe et les autres départements d'outre mer sont français, par de delà l'aspect institutionnel des choses, sous l'angle historique, - le vécu ensemble – qui est encore plus important, depuis 1635, c'est-à-dire bien avant Nice, la Savoie, la Corse. Et que la volonté d'assimilation date de 1848, date de l'abolition de l'esclavage, et parcourt tous les régimes, du second empire à la 4 ème République, en passant par la troisième. Note du Scrutateur ).
Le véritable problème de Mayotte, c'est que, ne produisant qu'une agriculture et une pêche vivrière, l'île est contrainte d'importer les produits de première nécessité qui lui coûtent fort cher. L'ylang-ylang et la vanille, qui laissaient espérer il y a quelques années des possibilités d'exportation intéressantes, doivent subir la concurrence de produits artificiels fabriqués dans d'autres pays à des coûts bien moindres.(souligné par le Scrutateur).
Droit commun adapté .
Contrairement à certaines idées reçues et volontiers véhiculées, aucune "manne" ne s'est abattue sur Mayotte du fait de la départementalisation.
( On serait tenté de sourire devant cette caricature -qui n'est pas de l'Action Française - en disant que les mahorais apprennent vite et que leur domotisation est ultra rapide. Mais il n'y a pas de quoi rire. Le dessin tend à pénétrer l'esprit des Français de métropole pour les persuader que l'outre mer est la principale cause des difficultés économiques actuelles et serait une sorte de gouffre financier sans fond. Sur ce point, tout ce qu'il y a en France d'esprits étroits se rencontre. L'extrême gauche y rejoint une certaine " extrême droite").
Un salaire minimum existe déjà, à un taux bien inférieur à celui de la métropole. S'il est bien prévu, à partir de 2012, l'application du revenu de la solidarité active (RSA), il ne représenterait que le quart du montant métropolitain sur lequel il serait aligné, de façon progressive, sur vingt-cinq ans ! Les deux minima sociaux qu'il est prévu d'instituer (allocations "personnes âgées" et "adultes handicapés") auront aussi un montant minoré, adapté à la situation locale. En revanche, il est bien prévu d'instituer, en 2014, une fiscalité locale jusqu'alors inexistante. Ajoutons que que l'âge légal du mariage pour les femmes a d'ores et déjà été relevé de quinze à dix-huit ans. que les mariages polygames sont désormais interdits, et que la justice cadiale ( c'est-à-dire rendue par les cadis, qui sont des magistrats, selon le tradition musulmane . Note du Scrutateur ) a été supprimée, laissant la place à un système judiciaire complet de droit commun. C'est bien, de façon raisonnée et progressive, l'application d'un "droit commun adapté" pour Mayotte, sans qu'il soit question de déverser, sur l'île, des milliards d'euros.
Le véritable frein à la sécurité et, partant, au développement économique, est, en réalité, l'immigration clandestine en provenance des autres îles des Comores, que le gouvernement devrait contrôler et combattre avec une plus grande énergie.
Liaison aérienne.
Par la sécurité qu'il assure à Mayotte sur le plan institutionnel, le statut départemental constitue le meilleur garant pour le développement économique de l'île. La meilleure preuve en est que la compagnie aérienne française Air Austral a annoncé, pour le 30 octobre, la création d'une ligne directe Paris-Mayotte. Espérons que nombreux seront les chefs d'entreprise intéressés par Mayotte (il y a tant d'atouts à développer en matière de tourisme), et qui permettront à l'île aux Parfums de créer les emplois et les ressources locales, diminuant ainsi ses importations.
Didier Béoutis.