28 Août 2013
Ce pape semble lucide et franc. LS
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350515?fr=y
Parce que, dit-il, des pécheurs publics non repentis pourraient se glisser parmi les
fidèles et qu'il ne veut pas favoriser leur hypocrisie. Le cas des politiciens catholiques partisans de l’avortement
par Sandro Magister
ROME, le 9 mai 2013 – Il y a, dans les messes célébrées par le pape François, une
particularité qui suscite des questions restées jusqu’à présent sans réponse.
Lorsque vient le moment de la communion, le pape Jorge Mario Bergoglio ne la distribue pas
lui-même mais il laisse à d’autres le soin de donner aux fidèles l'hostie consacrée. Il s’assied et attend que la distribution du sacrement soit achevée.
Les exceptions sont rarissimes. Aux messes solennelles, le pape, avant de s’asseoir, donne
la communion à ceux qui l’assistent à l'autel. Et dernièrement, lors de la messe du Jeudi Saint, célébrée à la prison pour mineurs de Casal del Marmo, il a voulu donner lui-même la communion aux
jeunes détenus qui se sont approchés pour la recevoir.
Bergoglio n’a donné, depuis qu’il est pape, aucune explication explicite à ce
comportement.
Mais il y a, dans un de ses livres publié en 2010, une page qui fait pressentir les motifs
qui sont à l'origine de cette attitude.
Ce livre est un recueil d’entretiens qu’il a eus avec le rabbin Abraham Skorka de Buenos
Aires.
Celui qui était alors l’archevêque Bergoglio déclare, à la fin du chapitre consacré à la
prière :
"David avait commis l’adultère et il avait commandé un homicide ; nous le vénérons quand
même comme un saint parce qu’il a eu le courage de dire : 'J’ai péché'. Il s’est humilié devant Dieu. On peut commettre des fautes énormes, mais on peut aussi le reconnaître, changer de vie et
réparer le mal que l’on a fait. Il est vrai que, parmi les paroissiens, il y a des gens qui ont tué non seulement intellectuellement ou physiquement mais aussi de manière indirecte, par une
mauvaise gestion des capitaux, en payant des salaires injustes. Ils sont membres d’organisations de bienfaisance, mais ils ne paient pas à leur personnel ce qui lui revient, ou ils le font
travailler au noir. […] Nous connaissons parfaitement le curriculum de certains d’entre eux, nous savons qu’ils prétendent être catholiques mais qu’ils ont des comportements indécents dont ils ne
se repentent pas. C’est pour cette raison que, dans certaines occasions, je ne donne pas la communion, que je reste en arrière et que je laisse ceux qui m’assistent dans la célébration de la
messe le faire, parce que je ne veux pas que ces gens s’approchent de moi pour la photo. On pourrait également refuser la communion à un pécheur notoire qui ne s’est pas repenti, mais il est très
difficile de prouver ces choses-là. Recevoir la communion, cela signifie recevoir le corps du Seigneur, avec la conscience de former une communauté. Mais si un homme, plutôt que d’unir le peuple
de Dieu, a fauché la vie d’un très grand nombre de personnes, il ne peut pas recevoir la communion, ce serait totalement contradictoire. On trouve ce genre de cas d’hypocrisie spirituelle chez un
grand nombre de gens qui trouvent refuge dans l’Église mais qui ne vivent pas selon la justice demandée par Dieu. Et ils ne donnent aucun signe de repentir. C’est ce que l’on appelle communément
mener une double vie".
Comme on peut le constater, Bergoglio expliquait en 2010 son refus de donner
personnellement la communion par un raisonnement très pratique : "Je ne veux pas que ces gens s’approchent de moi pour la photo".
En pasteur expérimenté et en bon jésuite qu’il est, il savait que, parmi ceux qui
s’approchaient pour recevoir la communion, il pouvait y avoir des pécheurs publics non repentis qui se prétendaient par ailleurs catholiques. Il savait que, dans cette situation, il serait
difficile de leur refuser le sacrement. Et il savait quels effets publics cette communion pourrait avoir, si elle était reçue des mains de l'archevêque de la capitale de
l’Argentine.
On peut en déduire que Bergoglio perçoit le même danger depuis qu’il est pape, et même
encore davantage. Et que, pour cette raison, il adopte le même comportement prudent : "Je ne donne pas la communion, je reste en arrière et je laisse faire ceux qui
m’assistent".
Les péchés publics que Bergoglio a donnés comme exemples, dans son entretien avec le
rabbin, sont l'oppression des pauvres et le refus de donner un juste salaire à l’ouvrier. Deux péchés qui figurent traditionnellement parmi les quatre qui "crient vengeance au
Ciel".
Mais, au cours de ces dernières années, un raisonnement semblable a été appliqué par
d’autres évêques à un autre péché : le soutien public apporté aux lois favorables à l’avortement par des politiciens qui se proclament catholiques.
Cette controverse-là a eu son épicentre aux États-Unis.
En 2004, celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation pour
la doctrine de la foi, fit parvenir à la conférence des évêques des États-Unis une note dans laquelle étaient formulés les "principes généraux" relatifs à cette question.
La conférence des évêques décida d’"appliquer" au cas par cas les principes rappelés par
Ratzinger en confiant à "chaque évêque le soin de formuler des jugements pastoraux prudents en fonction des circonstances spécifiques auxquelles il serait confronté".
Depuis Rome, le cardinal Ratzinger accepta cette solution et déclara qu’elle était "en
harmonie" avec les principes généraux de sa note.
En réalité, les évêques des États-Unis ne sont pas unanimes. Certains, même parmi les
conservateurs, comme les cardinaux Francis George et Patrick O'Malley, sont peu enclins à "faire de l'eucharistie un champ de bataille politique". D’autres sont plus intransigeants. Lorsque le
catholique Joe Biden fut choisi comme vice-président par Barack Obama, Charles J. Chaput, qui était alors évêque de Denver et qui est aujourd’hui archevêque de Philadelphie, déclara que le
soutien apporté par Biden au "droit" à l’avortement constituait une grave faute publique et que "pour cette raison, celui-ci devrait, par souci de cohérence, s’abstenir de se présenter pour
recevoir la communion".
Ce qui est certain, c’est que lors de la messe d'inauguration du pontificat de François, le
19 mars dernier, le vice-président Biden et la présidente du parti démocrate Nancy Pelosi, qui est également une catholique pro-avortement, faisaient partie de la délégation officielle des
États-Unis.
Et ils ont l’un et l’autre reçu la communion. Mais pas des mains du pape Bergoglio, qui
était resté assis derrière l’autel.
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Le livre :
Jorge Bergoglio, Abraham Skorka, "Sobre el cielo y la tierra", Editorial
Sudamericana, Buenos Aires, 2010.
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La controverse aux États-Unis sur le point de savoir si l’on peut ou non donner la
communion aux politiciens catholiques pro-avortement, avec le texte intégral de la note de Ratzinger datant de 2004 :
> Le candidat à la vice-présidence choisi par Obama est catholique. Mais les évêques lui refusent la
communion (27.8.2008)
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Traduction française par Charles de
Pechpeyrou.
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Pour d'autres informations et commentaires, voir le blog que tient Sandro Magister,
uniquement en italien:
> SETTIMO CIELO
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9.5.2013