1 Mai 2012
( En 1988, MM Chirac, et François Mitterrand face à face
).
Les gens intelligents feront, demain, la part des choses. Les deux candidats, diront une part de ce qu'ils pensent. Et aussi certaines choses qu'ils ne pensent pas. La démagogie, soyons-en sûrs, ne sera pas absente. .
C'est la nature de la « démocratie ».
Il y a déjà 24 siècles, Platon avait décrit ce qu'est une campagne électorale. Le texte où il en parle ( dans son traité de la République, VI, c d , dans la traduction de Léon Robin, la plus élégante parmi celles que je connais ) est saisissant de vérité et d'actualité, et vaut aujourd'hui pour la gauche, comme pour la droite : « Lorsque, répondis-je, ensemble ils viennent, multitude compacte, prendre place à l'assemblée, au tribunal, au théâtre, au camp, à tout autre concours et rassemblement de population, où ce qui se dit et se fait est à grand fracas, tantôt blâmé, tantôt loué, de façon excessive, avec des hurlements ou des battements de main, tandis que les rochers avoisinant le lieu où ils se trouvent leur renvoient, doublé par l'écho, les fracas du blâme et de la louange. Dans de telles conditions, quel jeune homme crois-tu capable, comme on dit, de se tenir le coeur en place? Ou quelle éducation privée résisterait en lui, qui, submergée sous une masse pareille d'éloge ou de blâme, ne s'en aille, emportée au fil du courant, là où pourra l'emporter celui-ci? Ne déclarera t-il pas belles et laides les mêmes choses qu'eux? Ne s'occupera -t-il de ce à quoi précisément s'occupent ces gens-là? Ne sera-t-il pas tel qu'ils sont »?
Pourtant, Platon, qui, on l'a compris n'est pas très démocrate, qui expose ses raisons, qui ne manque pas de pertinence, et qui donne à penser à nombre d'entre nous, ( nombre de lecteurs du scrutateur, et moi-même qui s'apprêtent à voter pour Sarkozy ), nous propose dans le même ouvrage, la République, un programme de gouvernement et de structuration de la Cité, qui ressemble fort à une dictature, rationnelle, et tout ce qu'on voudra, mais dangereuse, par son utopie, inacceptable depuis l'avènement du christianisme.
Le mieux, dit le proverbe, est souvent l'ennemi du Bien, et le philosophe André Glucksman, nous a montré les risques que font courir à la liberté, après Platon, les maîtres penseurs ( Hegel, Marx, etc, et les penseurs du Socialisme ).
C'est ce qui faisait dire à Winston Churchill, aristocrate, et dirigeant dans le cadre anglais, d'un régime mixte où se combinent la démocratie, l'aristocratie, et la monarchie constitutionnelle, que « la démocratie est le pire de tous les régimes, à l'exclusion de tous les autres.
En ce qui me concerne, j' adopte généralement pour règle de mes choix, ce beau texte du philosophe Pierre Boutang : « La « préférence continuelle » du Bien commun, dans laquelle Montesquieu allait fonder sa « vertu », ne s'enseigne pas pas aisément, ni à beaucoup; mais l'art politique, avec ou sans suffrage universel, a toujours consisté pour un pouvoir sûr de sa mission, à rassembler autour de ce noyau solide toutes sortes d'intérêts et de sentiments, qui ne sont pas naturellement de lui, afin d'obtenir, à divers degrés de clarté et de pénombre, un assez vaste consentement public ».
Voici, chers lecteurs du Scrutateur, ce que je voulais vous livrer comme message à la veille du débat qui va opposer les deux candidats majeurs de l'élection présidentielle.
Parce que, je respecte mes lecteurs, je ne leur ai pas tenu un langage de militant inconditionnel.
Nous n'allons pas choisir entre le Bien, et le Mal, mais entre deux hommes imparfaits, dont l'un nous paraît plus acceptable que l'autre du point de vue du Bien Commun.
Quel que soit le résultat, les hommes et les femmes de notre pays, qui tentent de comprendre et d'agir, notamment par la parole et l'éducation au profit de ce fameux bien commun, auront du pain sur la planche.
Dans le Scrutateur, je continuerai à converser avec vous sur les questions importantes, en tentant de garder la tête au-dessus des passions du forum, ce qui n'est pas une tâche facile.
Edouard Boulogne.
Ci-dessous un article du Figaro de ce jour, sur les grands débats politiques de ces 50 dernières années. Il est signé de la plume alerte et remarquable d'Eric Zemmour.
Les grands débats politiques.
Pour une fois, on a fait mieux que les Américains. Le débat télévisé est entré dans l'histoire en 1960 en opposant John Fitzgerald Kennedy à Richard Nixon. Les deux hommes sont côte à côte, rivés chacun à leur pupitre. Monologuent mais ne dialoguent pas. La légende raconte que Richard Nixon s'est blessé la veille, et qu'il a refusé de se laisser maquiller. Or, son visage marque déjà en cette fin d'après-midi les stigmates d'une barbe (re) naissante qui font les affres mondaines des hommes bruns. Le débat Nixon-Kennedy sonne les trois coups de la politique spectacle. Le plus doué pour ce spectacle - pas forcément le meilleur président! - sortira vainqueur de quelques centaines de milliers de voix qui seront - généreusement - attribuées à l'influence de ce fameux débat télévisé. En France, on aime à résister à l'Amérique. Ou en tout cas à le croire. Lors de la campagne présidentielle de 1965, le général de Gaulle ne daigne même pas utiliser le temps officiel qui lui est réservé. Entre les deux tours, après avoir été mis en ballottage et songé à démissionner (!), il condescend à dialoguer avec le journaliste Michel Droit, non sans avoir lancé cette réplique célèbre à ses conseillers: «Vous voulez que j'aille à la télévision en pyjama!»
Sous la boutade, le général a tout compris. L'époque exige des politiques qu'ils sortent du marmoréen de l'Histoire. Se livrent, se dévoilent, se déshabillent. Nous regretterons tout de même éternellement ce débat de Gaulle-Mitterrand que nous n'aurons pas eu. Les deux hommes n'auraient pas eu besoin de communicants pour trouver les formules qui font mouche. Nous regretterons moins l'absence de débat en 1969 entre Georges Pompidou et l'insipide Alain Poher. Pompidou avait préféré converser sur les ondes radiophoniques avec le leader centriste de l'époque, Duhamel. Qui posa en direct les conditions - convenues d'avance - à son ralliement au futur président. C'est ainsi que se décida l'entrée de l'Angleterre dans le Marché commun!
Mais tout cela n'était qu'amuse-bouche. Le rideau se lève sur le Giscard-Mitterrand de 1974. La comparaison avec le modèle américain est à notre avantage. Les deux hommes sont autour d'une table. Ils se regardent, s'affrontent, se touchent presque. Les journalistes sont des présentateurs et des sabliers, rien de plus. L'échange est courtois et implacable, brillant et féroce. La tradition française du salon littéraire, des bons mots, des épigrammes et des bouts rimés qui tuent retrouve des couleurs.
Giscard se révèle à son avantage. Il a toujours rêvé d'être Kennedy. Il s'est fait appeler VGE, à l'instar de JFK. Il attaque son débat sans traîner, en posant à Mitterrand des questions en rafale sur sa capacité à gouverner avec les communistes. Mitterrand sera son Nixon. Il est bien rasé, mais n'a pas préparé avec soin son affrontement. Il croit encore que son talent de parlementaire à l'ancienne suffira. Il ne connaît rien à la télévision, où il a longtemps été interdit d'antenne. Il manie ostensiblement ses lunettes dès que son rival le met en difficulté.L'Histoire a retenu la célèbre formule de Giscard: «Vous n'avez pas le monopole du coeur.» Formule préparée à l'avance. Mais c'est la suite qui est révélatrice politiquement: «Vous n'avez pas le droit de parler comme vous faites de certaines catégories de Français... Ce que je propose, c'est de servir les mêmes objectifs de justice sociale que vous. Mais je ne ferai ces réalisations qu'à partir d'une économie en progrès, alors que vous voulez les faire faire avec une économie brisée.»
1974. «Vous n'avez pas le monopole du cœur.» Avec cette formule préparée de toutes pièces, VGE fait mouche face à un Mitterrand
mal préparé. Crédits photo: AFP
Giscard inscrit encore ses pas dans la tradition de la droite gaullienne qui refuse de se laisser enfermer dans la défense des classes sociales privilégiées, qui veut, au nom de l'intérêt général, répartir équitablement les fruits de la croissance. De Gaulle et Pompidou ont forgé une sorte de social-démocratie. La social-démocratie à la française, c'est la droite gaullienne, avec les communistes en guise de grand syndicat. Ce que Giscard appellera bientôt curieusement le libéralisme avancé. En se référant à... la Suède social-démocrate.Emporté par sa démonstration, Giscard montre qu'il est arrivé en tête au premier tour dans des villes dirigées par des édiles socialistes. Et s'appesantit particulièrement sur «une ville qui vous connaît bien et qui me connaît bien, Clermont-Ferrand». Seul Mitterrand comprend l'allusion calculée pour le troubler et le déstabiliser: à Clermont-Ferrand habite la famille d'Anne Pingeot, sa maîtresse, alors clandestine, qui deviendra bientôt la mère de Mazarine.
Mitterrand est acculé. Sur la défensive. Pourtant, il trouve encore le moyen de lancer une flèche magnifiquement acérée alors que Giscard tente de rallier l'électorat gaulliste: «Vous avez dit avoir eu cent soixante-dix rendez-vous avec le général de Gaulle, mais vous avez oublié de parler du cent soixante et onzième, celui du 27 avril 1969, où vous l'avez poignardé.»
Mais c'est trop tard. Giscard a réussi à incarner l'avenir à une époque où celui-ci ne fait pas encore peur: il a enfermé Mitterrand dans le rôle de «l'homme du passé» à une époque où on ne croit pas encore que «c'était mieux avant». Giscard gagnera d'un souffle la présidentielle. Un souffle qu'on accordera, là aussi, à sa victoire télévisée. Un souffle que les spécialistes évalueront à 1,5% des suffrages, sa progression dans les sondages au lendemain du débat. Peu et beaucoup à la fois.Mitterrand attendra sept longues années sa revanche; mais elle sera éclatante. Il ne se laissera plus interroger «comme un élève par son professeur»; lorsque Giscard, comme en 1974, lui repose la même question: «Si vous êtes élu, sur quelle majorité pourrez-vous compter?», Mitterrand, cette fois, déverse un tombereau de citations assassines de Jacques Chirac pour lui rappeler que son camp n'est pas plus uni que le sien; il renverra «'homme du passé» à son envoyeur devenu, entre-temps, «'homme du passif».
Mitterrand avait gagné avant même que le débat ne commence. Très en avance dans les sondages d'opinion, il n'avait pas besoin de briller à la télévision. Giscard, lui, jouait son va-tout. Sûr de sa supériorité, il insistait. Mitterrand minaudait. Depuis son échec de 1974, il avait analysé de plus près l'outil. Après son débat de 1977, où il avait été dominé par Raymond Barre, une note de La Revue du cinéma lui avait été remise qui expliquait l'utilisation de techniques diverses, comme des plans de coupe d'un Barre ironique pendant qu'il parlait, pour lui donner le mauvais rôle. Mitterrand a fini par comprendre qu'«il vaut mieux être ami avec un cadreur d'Antenne 2 qu'avec l'éditorialiste du Monde». Ses experts firent assaut d'exigences, de précautions, protections. Le camp de Giscard se récria, puis céda. Le protocole des 22 conditions posées alors - qui interdit entre autres tout plan de coupe et impose une codirection de la réalisation - régit encore aujourd'hui les débats présidentiels.
1981, la revanche.Instruit de son échec de 1974, Mitterrand parvient à imposer au président sortant un protocole de 22 conditions
qui interdit tout plan de coupe et impose une codirection de la réalisation. Un standar aujourd'hui. Crédits photo : INA
En 1988, François Mitterrand n'a pourtant plus besoin de bouclier. Il est devenu un bretteur télévisuel redoutable et redouté. Il harcèle son adversaire Jacques Chirac comme un toréador le taureau dans l'arène. Au bout de deux années de cohabitation forcée et faussement cordiale, les deux hommes ont fini par se détester. Mitterrand ne cesse de lui accorder du «monsieur le Premier ministre» à la fois cérémonieux et méprisant. Chirac bout et finit par craquer: «Vous n'êtes pas le Président, je ne suis pas votre Premier ministre; nous sommes ici deux candidats.» C'est ce que Mitterrand attendait: «Vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre...» Voltaire avait déjà dit qu'en France, celui qui met les rieurs de son côté a gagné.
Avant l'émission, ses conseillers, retors, avaient obtenu, sans éveiller la méfiance de leurs adversaires, que la table des débats ait les exactes mesures de celle du Conseil des ministres où les deux hommes s'étaient retrouvés chaque mercredi pendant deux ans. À un moment, pris dans le vif d'une réplique, Chirac appelle son adversaire d'un respectueux «monsieur le Président...».
Il ne reste plus à Mitterrand qu'à porter l'estocade en révélant que Chirac lui aurait avoué, dans le secret de son bureau, que le dossier Gordji - diplomate iranien accusé d'avoir commandité des attentats dans Paris - était vide. Fureur de Chirac qui le somme de contester sa propre version des faits. «Les yeux dans les yeux, je la conteste», assène Mitterrand, qui ne cille pas. Dans les jours qui suivront, Charles Pasqua expliquera qu'il avait fourni auparavant à Chirac un dossier complet sur l'affaire Gordji, pour mettre en difficulté le chef de l'État; mais Édouard Balladur avait jugé que ce n'était «pas convenable». Le «Florentin», le roué et cynique Mitterrand était resté maître de l'arène; mais Jacques Chirac s'était grandi d'avoir osé l'affronter à mains nues.
Il n'aura plus jamais d'adversaire de cette taille. En 1995, il se sera débarrassé au premier tour d'Édouard Balladur, sans avoir à débattre avec son ancien conseiller; le sort lui accordera comme adversaire un Lionel Jospin qui sait pertinemment qu'aucun candidat de gauche n'a une chance de succéder à François Mitterrand. Jospin est déjà tout heureux d'être sorti en tête du premier tour. Son but est d'asseoir sa domination sur la gauche, comme seul héritier du mitterrandisme. Chirac est prêt à l'aider tant que son adversaire ne lui conteste pas son «droit» à entrer à l'Élysée. Cette alliance objective semble préfigurer la cohabitation qui, deux ans plus tard, liera les deux hommes. Elle semble surtout annoncer la réduction à presque rien du clivage entre droite et gauche, imposée par l'Europe de Maastricht adoptée trois ans plus tôt par référendum.
1995, le bal des technos. Pour leur premier débat, Jacques Chirace et Lionel Jospin se livrent à un duel ennuyeux. Pour ces deux partisans de Maastricht, les différences sont maigres. Il n'y aura
jamais de match retour. Crédits photo: REUTEURS
L'ambiance est courtoise. Dans la loge, Chirac s'aperçoit qu'il a oublié sa cravate. Jospin est prêt à lui en prêter une; et Chirac, prêt à l'accepter. C'est sa fille Claude qui rejette avec véhémence le geste de complicité virile. Les combattants ont un devoir de détestation. Pour les électeurs, les militants, la démocratie. Pour le spectacle. Mais l'extrême lucidité rationnelle de Lionel Jospin le prive de toute férocité. Pour la première fois, le débat rituel semble vidé de son énergie. Les lumières du spectacle sont éteintes. Des échanges ennuyeux entre deux technocrates jonglant avec les sigles de la politique du logement. Seul Alain Minc, malgré lui, réveille l'instinct des grands fauves, lorsque Chirac le glisse, malicieux, dans une liste de conseillers de son adversaire. Réplique de Jospin, piqué: «Monsieur Minc a été plus longtemps conseiller de monsieur Balladur. Il a annoncé qu'il votait pour moi. Il est libre comme citoyen. Mais il n'est pas du tout mon conseiller.» Alors, Chirac lâche un méprisant - et mitterrandien - «Je vous le laisse».
Tous les observateurs attendaient le match retour pour 2002. Lionel Jospin s'y préparait avec gourmandise. Le spectacle promettait: un mélange de Giscard-Mitterrand pour la revanche et de Mitterrand-Chirac pour la clôture d'une cohabitation. Mais, à l'issue d'une campagne de premier tour d'une rare médiocrité, Lionel Jospin se laisse devancer par Jean-Marie Le Pen. Chirac arbore le masque de deuil pour la démocratie alors qu'il est secrètement ravi de sa victoire assurée. Pendant que la télévision française, soir après soir, programme une hallucinante propagande antifasciste - comme si la marche sur Paris était programmée -, tandis que les profs conduisent eux-mêmes leurs élèves dans la rue pour dire «Non au fascisme», Chirac se permet le luxe de refuser le débat sous les applaudissements des démocrates de droite comme de gauche! En vérité, Chirac avait tout à perdre d'un débat qui ne pouvait être que féroce. Il faisait mine de craindre les coups bas de Le Pen alors qu'il n'avait aucun intérêt à légitimer un adversaire diabolisé avec efficacité par la gauche. Cinq ans plus tard, une nouvelle génération frétille, des quinquagénaires pour qui la télévision n'a plus de secrets, mais dont la culture littéraire et historique laisse à désirer; même leur syntaxe s'avère souvent approximative.
Cette fois encore, le débat télévisé ne peut rien changer au résultat final. L'écart est trop grand à l'issue du premier tour. Nicolas Sarkozy n'a reçu qu'une consigne de ses conseillers: ne pas écraser son adversaire. Dissimuler au mieux son mépris. La force d'un Mitterrand face à Chirac deviendrait une faiblesse de goujat face à une femme. À chaque intervention de Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy regarde, atterré, les journalistes, et s'accroche des deux mains à sa chaise pour ne pas réagir. Pour ne pas rugir. Finalement, l'interdiction des plans de coupe - qui date donc du protocole de 1981 - le protège malgré lui. Ségolène Royal, à son habitude, passe d'un sujet à l'autre, sans respecter l'ordre prévu; sans même obéir à la plus élémentaire logique rationnelle. Sarkozy ne peut s'empêcher de se gausser: «Madame Royal a évoqué tous les sujets en même temps, elle risque de les survoler et de ne pas être assez précise.» Royal, altière: «Laissez-moi la responsabilité de mes prises de parole.» Sarkozy, doucereux, s'accrochant à sa chaise: «Je ne me permets pas de critiquer, mais je veux seulement vous faire remarquer...» Et Royal de conclure: «Tout se tient, tout se tient.» Elle veut créer une taxe pour financer les retraites. Sarkozy: «Votre taxe, c'est combien?» Royal: «Elle sera au niveau de ce qui sera nécessaire.» Sarkozy: «C'est d'une précision bouleversante.»
2007, les enfants de la télé. Ses conseillers lui ont demandé de ne pas écraser son adversaire. Nicolas Sarkozy se contraint,
déjoue, pour éviter la faute de carres. «Tout se tient, tout se tient», répète Ségolène Royal. Crédits photo: SIPA
Ainsi va le débat le plus médiocre intellectuellement, le plus amusant aussi, malgré la candidate. Évoquant le viol d'une femme policière à Bobigny, Royal annonce sans se démonter: «Si je suis élue, les agents publics seront protégés, et en particulier les femmes: elles seront raccompagnées chez elles lorsqu'elles finissent tard.» Réplique sarcastique de Sarkozy: «Si vous devez faire raccompagner tous les fonctionnaires, il y aura une fonction publique au service des Français, et une autre au service des fonctionnaires.»
Et puis, il y a la «colère saine» au sujet des enfants handicapés. Colère préparée, jouée, surjouée. En fait, comme Jospin en 1995, mais pour des raisons différentes, Ségolène Royal est déjà surprise, heureuse d'être là. Son exploit est derrière elle: avoir gagné la primaire socialiste au nez et à la barbe de Fabius et DSK qui l'écrasaient de leur mépris et de leur supériorité intellectuelle; être la première femme de l'histoire de la Ve République qualifiée pour le second tour de scrutin. Pour l'Élysée, la marche est trop haute. Elle le sait, même si elle ne l'avouera jamais. L'important est pour elle de faire illusion. Quand Sarkozy fait l'éloge de «son talent» et de «ses compétences», elle fait semblant de ne pas entendre la raillerie. Sarkozy a gagné son pari: ne pas remporter le débat pour assurer la conquête de l'Élysée. «The show must go on», comme on dit en Amérique.
Eric Zemmour.