24 Septembre 2013
Les récents propos du pape François ( dont le Scrutateur a parlé ) ont fait l'objet d'une diffusion aussi vaste que superficielle, entachée souvent d'intentions douteuses, voire franchement malveillantes.
L'agence de presse Zenit, publie des extraits d'une mise au point de Tony Anatrella. Ce dernier est évêque, et psychanalyste, auteur d'une oeuvre importante. LS.
Mgr Anatrella : "Les médias ont fait croire que le pape invitait à délaisser les dogmes"
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L'interview du papepubliée la semaine dernière dans plusieurs revues jésuites a suscité l'enthousiasme des médias... et beaucoup d'interrogations parmi les catholiques, notamment à propos de l'avortement, de l'homosexualité et du divorce. Interrogé par Zénit, Mgr Anatrellamet les points sur les "i", rappelant l'articulation entre la miséricorde et la vérité. En voici quelques extraits :
Désinformation médiatique
"Les médias n’ont retenu que quelques fragments de paragraphes qui vont dans le sens de l’air du temps. Ils recomposent ensuite un autre récit en oubliant l’essentiel du message. N’est-ce pas une manœuvre pour valider et justifier des situations qui ne devraient plus être considérées comme des problèmes dans la société actuelle ? Une fois encore on assiste à une manipulation du discours qui frôle la désinformation."
Le véritable message du pape
"François insiste sur le fait qu’il est nécessaire de s’occuper des « blessés » et d’être attentif à leur besoin spirituel là où des médias ont fait croire que le Pape invitait à délaisser les « dogmes » pour s’intéresser aux personnes.En réalité, c’est une invitation à être proche de ceux qui veulent mieux connaître, aimer et suivre le Christ. François nous dit que l’esprit de magnanimité (être clément) part toujours de ce qui est petit plutôt que d’être contenu par le plus grand. (...)
Après divers bouleversements culturels qui ont entraîné des crises et des drames humains, voire des choix de vie en forme d’impasse sous le couvert de la libération des mœurs et du libéralisme économique, le Pape François en appelle à « la révolution de la grâce » et souligne que l’Église doit se faire chaleureuse et proche des blessés de la vie, et trouver des voies par lesquelles des hommes et des femmes ne se sentent pas abandonnés et puissent se reconnaître en Dieu. Une fois de plus, des médias imaginent l’Église à l’image du monde alors que l’Église cherche à ressembler au Christ et à transmettre son message de vie puisqu’il est « la vie éternelle »."
Le pape François, un réformateur ?
"L’idée chrétienne soutenue par le Pape François est que toute réforme doit commencer par s’interroger et, si besoin, changer sa manière d’être. (...) Le Pape nous invite à en venir aux questions de base : « Que fais-tu de Dieu révélé en Jésus Christ ? Que fais-tu de la vie ? Que fais-tu de ta vie ? Que fais-tu des autres ? La réponse à ces questions nous invite à nous recentrer sur notre intériorité et à découvrir que l’auto-construction de soi en solitaire (idéologie queer du genre) n’existe pas. Nous nous développons par rapport à un Autre et par rapport aux autres.
Les réflexions du Pape François rejoignent d’ailleurs le mouvement des « Veilleurs » en France car (...) il incarne une nouvelle forme de résistance ontologique là où l’être de la personne est menacé par une conception asexuée du couple, du mariage et de la famille. Un déni de notre incarnation, et encore davantage de l’Incarnation du Christ. (...) On n’arrête pas les mouvements de la vie intérieure quand ils sont fondés sur le sens de l’être de l’homme. C’est cette révolution évangélique qui est venue à bout du marxisme et du communismeen Pologne et lors de l’effondrement du mur de Berlin. Refonder sa manière d’être à partir du Christ qui rejoint l’humanité, est un grand signe d’espérance. En ce sens les propos du Pape sont révolutionnaires."
Homosexualité et mariage homosexuel
"Certains médias oublient l’invitation de François à changer sa manière d’être, en affirmant comme on a pu le lire et l’entendre : « le Pape pardonne aux femmes qui avortent, aux divorcés remariés et tend la main aux homosexuels ». Bien entendu la miséricorde est offerte à tous ceux qui veulent mieux connaître, s’approcher et vivre du Christ. Or pour être pardonné encore faut-il demander pardon dans le sacrement de la réconciliation et changer sa manière d’être."
"[Le pape] renvoie au Catéchisme de l’Église Catholique notamment aux nn. 2357 à 2358 où il est dit : « Ils ne choisissent pas leur condition homosexuelle. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la Croix du Seigneur leurs difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition ». Sans avoir à créer une pastorale particulière pour ces personnes, les prêtres, dans le meilleur des cas, les accompagnent dans leur cheminement afin de correspondre à une relation authentique au Christ."
"Si une personne homosexuelle « est pleine de bonne volonté devant le Seigneur » disait le Pape, qui suis-je pour la juger » ? Il ne validait pas la conduite et les mœurs sexuelles, mais il ne jugeait pas son destin spirituel."
"L’Église ne peut reconnaître, accueillir et estimer que des personnes et non pas des « modes » de vie. Il y a ici une confusion entre le fait de dire « vous faites partie de l’Église » et de recevoir nécessairement l’agrément de son mode de vie."
Divorcés-remariés
"Le Pape souligne l’importance de la miséricorde à l'égard [des divorcés remariés] afin de trouver des voies grâce auxquelles ils peuvent assumer leur situation chrétiennement et dans la fidélité à l’Église. Il est intéressant de mentionner que tout un travail pastoral se fait déjà à leur égard. Le Père Jacques Nourrissat, du diocèse de Dijon, a inventé il y a bientôt quarante ans la pastorale de la miséricorde en direction de ces personnes au Québec."
"Le Pape a dit aux prêtres de Rome que cette question devait être traitée « avec justice ». Autrement dit, de nombreux mariages ont été engagés sur la base d’une immaturité psychologique et dans la méconnaissance des obligations du mariage. Les chrétiens (...) peuvent ainsi faire des démarches auprès de l’Officialité de leur diocèse afin que soit étudiée l’hypothèse d’une déclaration de nullité juridique de leur mariage. (...) Mais là encore le problème est ailleurs, il est pastoral. La préparation au mariage doit être complètement revue. Auparavant, une sérieuse catéchèse doit être faite."
Avortement
"Il a notamment dit non pas de se taire, « mais lorsqu’on en parle, il faut le faire dans un contexte précis ». La plupart des médias qui le citent oublient cette phrase. (...) Nous sommes ici face à des situations individuelles qui, psychologiquement et moralement, ne peuvent pas être abordées de la même façon lorsque la question prend une dimension légale et sociale. D’ailleurs après avoir dit combien les femmes qui ont vécu un avortement doivent être accueillies avec miséricorde, (...) le Pape a trouvé « le contexte précis » pour s’exprimer en recevant au Vatican une association de gynécologues catholiques (20 septembre 2013) et ne s’est pas privé de parler de l’avortement en les appelant à lutter contre cette « culture du rejet » et du « déchet »."
D'abord la foi ou la morale ?
"Nous disposons dans la doctrine chrétienne d’un trésor pour cheminer avec le Christ et apprendre à vivre de la vie éternelle du ressuscité avec toutes les conséquences anthropologiques et morales que cela implique. Fort de cette richesse, le Pape nous invite à sortir à la rencontre des uns et des autres en tenant compte de leur histoire personnelle, de leurs attentes et de leurs peines, mais aussi des impasses de leur existence. Le Saint-Père souligne un grand principe de l’Évangélisation : la découverte de la foi au Christ est toujours première par rapport à ses conséquences morales qui rejoignent d’ailleurs la morale naturelle,c’est-à-dire les grands principes qui nous humanisent et que le Christ accomplit, en ce sens il n’y a pas de morale religieuse au nom du christianisme. Autrement dit, en prenant une attitude résolument pastorale, le Pape ne fait pas abstraction de l’Enseignement de l’Église. Bien au contraire, la pastorale est fondée et découle de la Parole du Christ portée par son Église."
Ni jugement ni tolérance, mais la miséricorde et la vérité
"La miséricorde ce n’est pas cautionner un comportement, être complaisant et complice de situations problématiques ou encore condescendant."
"La miséricorde est une attitude biblique qui trouve son origine en Dieu et manifeste l’attachement et l’amour de Dieu pour l’homme. Elle exprime sa bonté à l’image du père du fils prodigue qui accueille, relève et pardonne à l’homme qui se donne la liberté de solliciter son pardon. (...) La miséricorde exige donc de développer une relation authentique avec l’autre en l’accueillant pour lui-même plutôt que de lui reprocher ses actes. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’actes répréhensibles sur lesquels la Justice civile ou/et canonique se penchent. Il serait naïf de croire que le discernement est aboli et que la loi morale n’existe plus : en réalité, il s’agit d’autre chose. Quand le Pape dit que nous n’avons pas à juger, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas, par exemple, à comprendre les raisons psychologiques d’un comportement homosexuel ou encore à évaluer moralement une attitude, mais que nous ne pouvons pas décider du destin spirituel d’une personne qui est du seul pouvoir de Dieu."
"Une fois de plus la miséricorde est indissociable de la vérité, mais celle-ci se découvre de façon graduelle.(...) Comment faire cette vérité, si la personne ne se sent pas accueillie et estimée ?"